Pour notre future élection présidentielle des dimanches 22 avril et 6 mai prochains, nous avons principalement deux groupes de candidats : ceux capables d’arriver au deuxième tour (d’un point de vue mathématique j’entends) et les autres.

Pour faire simple, le premier groupe est un quatuor qui se compose de Sarkozy, Royal, Bayrou et Le Pen. Je ne vois pas un Vert ou un Extrême Gauche (surtout divisés comme ils sont) arriver au deuxième tour. Quant à chasse pêche et chaise longue ou encore Philippe de Villiers, je ne les sens pas vraiment en mesure de créer une surprise. Il s’entend également que je ne vois pas Chirac se représenter. (Lui non plus d’ailleurs, ne se voit pas se représenter, mais c’est encore officieux.) Quant à ce clown-bouffon de José Bové, sa place est en prison. Je ne touche mot des 50 autres candidats déclarés dont vous n’avez, à part quelques noms peut-être, jamais entendu parler et qui, de toute façon, n’auront jamais les parrainages.

Qu’est-ce que c’est que ce de Condorcet qui vous a probablement interpellé ?

On dit d’un candidat à une élection qu’il est un candidat Condorcet quand ce candidat bat en théorie tous les candidats en duel mais n’est finalement pas élu (du fait qu’il n’arrive pas à passer la barrière du premier tour. Et c’est la raison nécessaire : en effet, s’il passe le premier tour, il arrive au second, et au second, il est en duel donc il gagne).

Typiquement, l’élection présidentielle française, scrutin uninominal direct à deux tours maximum, s’y prête bien. Et récemment, deux candidats furent des candidats Condorcet : Raymond Barre et Lionel Jospin ! En effet, il a été montré que l’un comme l’autre, s’ils étaient arrivés au second tour, auraient gagné, et ce, quel que soit l’adversaire qui aurait été en face d’eux.

Comment l’expliquer ? Il y a une explication qui est relativement simple : un candidat Condorcet est une personne qui, en duel, est capable de faire aisément 50% et plus, mais, dans la masse, ne rallie pas. En gros, manque de leadership au départ, mais rassembleur sur le tard...

A la limite, Le pen pourrait être un candidat anti-Condorcet : il est rare qu’il arrive au deuxième tour mais, par contre, s’il y arrive, son opposant est sûr d’être élu...

Voyez-vous où je veux en venir ?

Alors que nous évoquions les sondages, la difficulté de modéliser le comportement des électeurs de Bayrou (dont il semblerait qu’une belle dynamique se mette en marche), mon interlocuteur me dit qu’en cas de deuxième tour Bayrou-Sarkozy, c’est ... Bayrou qui gagne ! Sur le coup, j’ai un peu de mal à m’en convaincre, mais mon ami Jean y arrive en m’expliquant que dans le cadre d’une nouvelle absence au deuxième tour, la gauche se mobiliserait fortement pour contrer absolument Sarkozy. De fait, la gauche, qui ferait face à Sarkozy, un minimum de 45% en cas de duel Royal-Sarkozy, si elle devait s’allier totalement avec Bayrou, voterait à fond pour Bayrou (en fait 100% contre Sarkozy) : on comprend bien que Sarkozy n’aurait que peu de chance !

Et... prenez la situation inverse : Bayrou-Royal. Même raisonnement et ... Bayrou encore élu !

Mais ce n’est pas tout ! Imaginez un deuxième tour Bayrou-Le Pen et là, il n’y a pas à se poser la question...

Voila comment Bayrou, face à n’importe quel candidat (capable d’arriver au second tour), pourrait être président de la République ! Encore faut-il qu’il arrive au second tour !

Alors quelle stratégie pour quelles possibilités ? (Je me place désormais ici comme Sarkozyste...)

Les seconds tours possibles sont : (A) Sarkozy-Royal, (B) Sarkozy-Bayrou (C) Sarkozy-Le Pen (D) Royal-Bayrou (E) Royal Le Pen et enfin (F) Bayrou-Le Pen.

Clairement, je n’imagine pas un Bayrou-Le Pen. Cela signifierait que et Sarkozy et Royal sont simultanément au moins troisièmes. D’autre part, la campagne du PS ("effrayer les capitalistes" a-t-elle déclaré !), la personnalité de Royal, le programme même du PS... mais aussi l’émiettement à l’extrême gauche qui va encore lui prendre des "voix de premier tour", tout comme une partie des écolos (sauf C.Lepage CAP21), qui votent plutôt à gauche au deuxième tour, toutes ces hypothèses me laissent à penser que Sarkozy ne peut être troisième. Encore moins quatrième !

Sarkozy sera donc au deuxième tour : il ne reste que les cas (A) Sarkozy-Royal, (B) Sarkozy-Bayrou et (C) Sarkozy-Le Pen.

Si Sarkozy a peur du cas (B), c’est parce que Bayrou pourrait être la surprise (avec la conséquence vue plus haut...). Or, si Bayrou peut être la surprise 2007, c’est du fait de la conjugaison d’une baisse de Le Pen (auquel cas, Sarkozy ramasse bien à droite) et d’une mauvaise campagne du PS.

Donc Sarkozy doit tout faire pour que Royal arrive au second tour. Il n’a pas d’autre alternative.

En effet, s’il ne peut pas se permettre de voir Bayrou au second tour (vous avez compris pourquoi maintenant....), il ne peut pas non plus se permettre de voir également Le Pen. Pour deux raisons : d’une part, ce serait politiquement dramatique qu’encore une fois, une majorité de Français votent d’abord contre une personne plutôt que pour une ; d’autre part, il est impossible pour Sarkozy de mener une campagne permettant de hisser Le Pen au deuxième tour : c’est à la fois se renier politiquement et éthiquement, et puis Le Pen part de trop bas. Et du point de vue du nombre de voix, je crains qu’au total, il ait plus à perdre qu’à gagner...

Comme Bayrou et Le Pen plus encore vont faire des scores moyens, voire honorables au maximum, Sarkozy doit donc tout faire pour que Royal ne s’effondre pas.

Et pour ce faire, même si comme moi vous souhaitez que Nicolas Sarkozy soit votre futur président, vous devez encourager Marie Ségolène Royal. Alors : "Allez Marie Ségolène !"

Et je ne rigole pas. D’ailleurs, Jean me confiait pendant le repas que, non seulement l’UMP avait la trouille de Bayrou au deuxième tour, mais qu’en plus, l’UMP tapait moins fort, voire plus du tout sur "l’autre camp" depuis une semaine... (note : première semaine de février)

M’enfin, Bayrou président : il y a pire comme enfer : il y a Sarkozy président ET un parlement un mois après qui vire au rose/rouge absolu...

Même s’il y a cette dépêche Reuters du 9 février à 18h03 reprise par le monde :

Le candidat de l’UDF confirme sa percée dans la campagne. Selon un sondage BVA pour Orange, mené également les 7 et 8 février, François Bayrou, qui obtient 14% des intentions de vote au premier tour, l’emporterait avec 52% des voix dans l’hypothèse d’un duel avec Ségolène Royal (48%) au second tour. S’il affrontait Nicolas Sarkozy, le candidat de l’UMP sortirait vainqueur avec 51% contre 49% au président de l’UDF.