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Stylos Reynolds, une rentrée difficile

Alors que la fabrication des stylos Reynolds est désormais délocalisée en Chine, Tunisie et Italie, les gains espérés qui justifiaient cette opération, qui a coûté leur emploi a plus de 250 salariés, ne sont pas au rendez-vous. Des retards de livraisons, un référencement réduit dans les grandes surfaces qui se soldent par des pertes de plusieurs millions d’euros. Un résultat pourtant prévisible.

Par deux fois durant l’été, la fabrication en Chine a été l’objet de réserves (affaire Mattel). Peut-être que l’importance des pertes financières, ainsi que le tort porté à la marque incriminée fera réfléchir les financiers qui généralement prennent la décision de délocaliser les productions vers des pays à bas coûts de main-d’oeuvre. C’est ce qu’aimeraient croire beaucoup de salariés de Reynolds qui ont perdu leur emploi. Tout l’argumentaire économique de la direction reposait sur le fait que la délocalisation de la production était seule à même de dégager les ressources financières suffisantes pour soutenir la marque Reynolds. Il était alors question de dégager quelques millions d’euros pour pouvoir les investir en communication et en développement. Malheureusement, c’est à un effondrement de ses ventes auquel a dû faire face Reynolds, effondrement directement imputable à la fermeture de l’usine valentinoise. En effet, le transfert de l’activité vers les pays de destination s’est fait au plus mauvais moment, en pleine préparation de la rentrée des classes (qui représente la part principale du chiffre d’affaire annuel). Outre le fait qu’il est toujours délicat de transférer la connaissance et l’expérience de salariés peu enclins à faciliter, on peut le comprendre, les choses ; Reynolds a dû faire face à des retard de la part de ses partenaires chinois, à des livraisons incomplètes ou des problèmes de qualité. Parallèlement, les acteurs de la grande distribution se sont montré singulièrement méfiants cette année et Reynolds est très peu présent dans les linéaires pour le plus grand bénéfice de ses concurrents (Bic, Stabilo, Inox Chrome, Conté ainsi que les marques de distributeur). Cela ce concrétise par des pertes de l’ordre de 20 millions d’euros. Loin, très loin des gains espérés par le projet de délocalisation de la production.

Reste, pour les ex-salariés, le sentiment d’un immense gâchis. Beaucoup ont le sentiment d’avoir fait les frais d’une décision prise à la légère, plus dictée par une gestion à la mode que par l’examen objectif de la situation. Assez curieusement, beaucoup de ces décisionnaires ont quitté ou s’apprêtent à quitter le groupe Newell-Rubbermaid (dont Reynolds est une filiale via Sanford). C’est déjà le cas de M. D. Terrien, M. H. Belhadj, M. S. Heft ou M. G. De Pommereau. D’autres cadres devraient suivre d’ici à quelques mois à un point tel que la plupart des acteurs de cette délocalisation, que ce soit la direction ou les licenciés sont ou seront, sauf exception, hors du groupe Newell-Rubbermaid à brève échéance. Comme l’exprime l’un d’entre eux, il semble que les protagonistes de ce projet ne soient plus vraiment en odeur de sainteté dans le groupe ! Alors, prises de conscience tardives ?

Pour ceux qui ont perdu leur emploi, c’est l’heure des remises en question, de nouvelles orientations professionnelles et de la confrontation à un marché du travail difficile. Les conditions de reclassement permettent cependant d’envisager des formations, des créations d’entreprises ou des changement de région (voire de pays pour certains). Malgré tout, l’avenir reste encore incertain, voire inquiétant, pour le plus grand nombre. Quelques dizaines d’ex-salariés ont cependant trouvé une solution. Tous les salariés prévus ne sont cependant pas licenciés, pas encore. Les élus ou ex-élus, représentants du personnel dans les différentes instances ont un traitement particulier. Leur licenciement doit faire l’objet d’une procédure auprès de l’inspection du travail. L’avis de l’inspecteur, rendu début août, est négatif. L’argumentation économique des licenciements, les retards d’information ainsi que la stratégie du groupe, autant d’éléments qui n’ont pas convaincu la DDTE de la cause économique des licenciements. La direction de Reynolds devra donc faire soit un recours hiérarchique (demander au ministère du Travail et de l’Emploi de passer outre l’avis de son inspecteur), soit entamer une procédure juridique (option longue, fastidieuse et pour tout dire peu probable). Les situations similaires montrent que le ministère autorisera probablement les licenciements. Cela pose néanmoins des questions de fond. Comment en effet comprendre qu’un ministère avalise ce qui paraît être à un inspecteur du travail des manquements au droit ? Dans quelques semaines en tous cas, ces ultimes salariés seront fixés.

Reste le bilan de cette opération. Plusieurs dizaines de million d’euros de coût de fermeture de l’usine, de transfert des machines et de licenciements des salariés. Environ 20 millions d’euros (actuellement) de pertes sur le chiffre d’affaires 2007 et un savoir-faire dispersé. C’est aussi des couples défaits, des comportements addictifs ainsi que des pathologies directement imputables à l’anxiété générée par cette situation. Un coût financier certes, mais surtout social et humain. Ce triste bilan n’est pas unique, les délocalisations ne produisent pas toujours les fruits espérés. Malheureusement, passé le paroxysme de l’annonce et des licenciements généralement associés, on s’intéresse rarement au bilan objectif de ces décisions. C’est peut-être un tort tant semblent nombreuses les leçons, tant humaines qu’en termes purement financiers que l’on peut tirer de l’examen attentif des ces situations. Le fait est que les délocalisations de production sont parfois une catastrophe économique pour le groupe qui les décide et les effets vont à l’encontre des objectifs poursuivis

Cette rentrée 2007 constituera-t-elle pour la marque Reynolds un funeste chant du signe ?

Des compléments d’information dans les précédents articles ( article 1, article 2, article 3 et article 4) ainsi que des infos en temps réel sur le blog Restructuration.



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8 réactions à cet article    


  • Emmanuel 22 août 2007 14:27

    Merci de nous rappeler que Reynolds® appartient au groupe Newell-Rubbermaid, qui posséde aussi entre autres les marques Sharpie®, Paper Mate®, Parker®, Waterman®, Rotring®, Berol® et Rolodex®, ce qui permet d’étendre efficacement le boycotte de Reynolds® à l’ensemble du groupe.


    • claude claude 22 août 2007 15:14

      si l’on met de côté l’aspect humain de cette déroute, on pourrait dire « bien fait pour eux ! ».

      un adage dit « on est puni par où on a péché » !

      à force de vouloir toujours en avoir plus en marchant sur les cadavres, il est temps que le bâton revienne dans la g... de ceux qui l’on lancé.

      je ne sais pas comment cette histoire peut finir, souhaitons que les 250 personnes mises sur le carreau, puissent s’en sortir avec un maximum de garanties et d’aides.


      • personne 23 août 2007 01:46

        Si le bâton devait revenir dans la G..... des fautifs, chaque consommateur en prendrait donc un grand coup dans la tronche. Qui peut encore prétendre ignorer que la course aux bas prix que se livrent les commerçants quels qu’ils soient n’est que la conséquence de nos exigeances à tous, nous honnêtes consommateurs ? Acheter un stylo un peu moins cher, diminuer ses dépenses courantes au maximum pour pouvoir partir en vacances un peu plus longtemps est une logique à courte vue.

        Autre question : Reynolds aurait-il mieux fait de maintenir sa production en europe au risque de faire faillite parce que devenu moins compétitif que ses concurrents qui, eux, auraient délocalisé avec succès ?

        Pour finir, quand on sait que CHAQUE JOUR en France se crèent et se détruisent environ 10 000 emplois, que pèsent les 250 concernés ?


      • caramico 23 août 2007 10:04

        Il existe encore des couillons dans mon genre qui est prêt à payer plus cher un produit fabriqué en France ou en Europe, et qui regarde au dos des fringues l’étiquette « made in ».

        Mais je vous l’accorde nous sommes une race en voie de disparition.


      • personne 23 août 2007 18:36

        Il suffit d’apposer l’étiquette de la marque en France sur un produit fabriqué en Chine pour que le produit puisse être estampillé « made in france ».

        Tout est désormais « made in world ».

        La seule question dont la réponse soit importante à mon sens est : « Dans ce produit que j’achète (peu importe où il a été produit) le coût environnemental (développement durable) et social (droits de l’homme) est-il pris en compte ? »

        Si oui, je fais un acte citoyen en l’achetant et je pense à l’avenir de tous.

        Si non, je ne pense qu’à moi aujourd’hui (le fameux carpe diem ridicule) sans imaginer que tout cela se paiera demain.

        Mais il est vrai que pour connaitre les conditions exactes de production d’un bien, il faut se lever de bonne heure.


      • FAUST FAUST 22 août 2007 17:21

        Hum. Une stratégie de profitabilité et de rentabilité immédiate qui échoue, c’est bien. C’est souvent le cas, on ne le dit pas assez. Il se trouve que dans ce cas précis, le retour désastreux est plus rapide que d’habitude.

        Je poserais cependant la question du boycot, d’abord son efficacité n’est pas évidente dans nos régions. Aux US, les groupes de pression « consommateur citoyen » sont beaucoup plus puissant : si un jour les « amis de la défense du ouin-ouin » décrètent que manger des ouin-ouins c’est mal, du jour au landemain, ouin-ouin incorporated pourra fourguer ses ouin-ouin chez nous mais plus aux states.

        Le fait est que si on boycotte une marque et toutes les marques du groupe, on va peut-être contribuer au flingage d’une autre unité de production quelque part en France ou en Europe, et encore favoriser la fuite vers le low-cost-world. Il faut trouver d’autres moyens : je suis partisan de tenir les cochons par la où ça fait mal : le pognon. Cessons toutes subventions ou crédit d’impôt et autres largesses étatique dont bénéficierait le groupe, qui doit répondre de la casse sociale devant l’état (via la préfec’, la région, l’hôtel de ville, le ministère du travail etc.)

        Il est temps de réagir violemment contre les externalisations outrancières. C’est une mode dangereuse qui va sérieusement appauvrir l’Europe. Elle s’appuie sur les sempiternel critères financiers, sans scrupules ; augmenter la marge est la seule règle. Même si c’est au détriment du marché, qui réagit la plupart du temps assez tard (la qualité en baisse des produits ou des SAV n’est pas visible de suite).

        C’est bien de témoigner de ces horreurs économiques.


        • Emile Red Emile Red 22 août 2007 18:58

          Contre les délocalisations, une solution existe peut-être, mais y aurait il un politicard prêt à s’y lancer ?

          Une stucture de production est l’addition des fonds engagés et de la productivité ouvrière, or lors d’un déménagement seuls les détenteurs des fonds engagés décident et spolient la masse productive de leur part des biens financiers, mobiliers et immobiliers, la solution consisterait donc à laisser sur place et entre les mains de la masse productive les biens autres que financiers en considérant qu’ils représentent sa part des acquis de l’entreprise.

          Libres sont les financiers de réinvestir leurs capitaux ailleurs dans le même domaine ou non.

          Résultat, moins de frais pour l’ensemble des acteurs, pas de licenciements hasardeux, les acteurs sont tous gagnants, la participation de l’état se réduit au soutien banquaire de la nouvelle entité ouvrière.

          Mais qui oserait soutenir un tel projet et les lois y afférant...


          • karg se 22 août 2007 19:56

            Article intéressant, mais c’est pas les premiers à ce planter...

            http://obouba.over-blog.com/article-5541065.html

            Toute une floppée de délocalisation raté. Va falloir bosser sur les couts de coordinations, les couts de transport, les couts de la non qualités, les problèmes d’images, les délais de livraison dans les écoles de commerce et management. smiley

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