• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Perchlorates dans l’eau du robinet, une pollution coriace

Perchlorates dans l’eau du robinet, une pollution coriace

Longtemps ignorées, les pollutions aux perchlorates sont en train de devenir une des principales sources d’inquiétudes dans certaines régions. Ces pollutions sont particulièrement durables.

Dans le Pas de Calais, la préfecture appelle à la vigilance, l’eau du robinet dont la teneur dépasse le seuil limite de 4 milligrammes, est impropre à la consommation pour les femmes enceintes et les nourrissons. Ces polluants, qui sont issus de résidus de produits explosifs qui ont contaminé les nappes phréatiques, peuvent impacter gravement la tyroïde ainsi que la capacité d’absorption de l’iode des bébés ce qui peut engendrer des problèmes de croissance ou de développement neurologique. Près de 500 communes du Pas de Calais ont fait l’objet de restrictions du fait de dépassement des teneurs réglementaires pour les bébés et femmes enceintes.

De nombreuses pollutions de l’eau aux perchlorates ont pour origine les conflits de la Première guerre mondiale. Un siècle plus tard, les molécules de perchlorates – proches du chlore – qui étaient contenues dans les obus et les bombes, contaminent toujours les sols, les nappes phréatiques mais aussi les végétaux. En cas de fortes pluies – ce qui a été le cas dans le Pas de Calais l’année dernière – les molécules de perchlorates, très solubles dans l’eau ressurgissent dans l’eau de consommation courante.

L’exemple américain

En réalité, si ces pollutions sont étudiées depuis longtemps aux Etats-Unis, du fait des pollutions à grandes échelles liées par exemple aux lancements des fusées de la Nasa, ces substances ont longtemps été sous-estimées en France. Ainsi en 2011, à l’occasion de la découverte d’une pollution de grande ampleur à Bordeaux liée à une usine du Groupe Safran (qui fabriquait des propulseurs pour missiles), l’Anses s’alarmait du manque de données disponibles en France.

Après une campagne nationale de mesures, on s’est rendu compte que plusieurs centaines de communes distribuaient une eau courante dont la teneur en perchlorates était supérieure au seuil limite pour les nourrissons (4 milligrammes).

Actuellement, les anciens champs de batailles des Ardennes et de la Marne sont encore aujourd’hui particulièrement touchés : 120 communes font l’objet de restrictions de consommation pour les nourrissons et femmes enceintes. Dans 6 communes, les teneurs dépassent même les 15 milligrammes, ce qui signifie que l’eau est aussi jugé impropre à la consommation pour les adultes en bonne santé. Dans la région de Reims, (notamment à Prunay) des concentrations similaires ont été constatées, dans une zone ou l’eau du robinet contient déjà de fortes teneurs en nitrates et pesticides.

Le rôle de l’industrie de la défense et aérospatiale

Pour autant, si les résidus liés à la Première guerre mondiale montrent la ténacité de cette pollution dans le temps, un certain nombre de contaminations sont liées aux industries aéronautiques et de défense contemporaines. Exemple avec la région de Bordeaux, où une pollution historique a été constatée en juillet 2011. Une ancienne usine du groupe Safran a affecté 25% des ressources en eau de l’agglomération de Bordeaux. Lentement, les teneurs en perchlorates tendent à diminuer, mais on peut parier – au vu des précédents liés à la première guerre mondiale – que ces molécules vont longtemps persister. Actuellement 10% des ressources en eau des environs de Bordeaux, restent toujours inutilisables, ce qui a conduit la communauté urbaine à fermer de nombreux captages. 

Face à cette pollution historique, et compte tenue des données accumulées sur la ténacité de ces polluants, on aurait pu penser qu’Etat et régions tombent d’accord pour arrêter les frais… C’est le contraire : une nouvelle activité de démantèlement de missiles, devrait générer 400 tonnes d’eaux perchloratées, qui après traitement seront rejetées dans la Jalle, un affluent de la Garonne. Un projet inacceptable pour les élus Verts de la région, qui rappellent que plusieurs rejets accidentels ont déjà généré des pollutions cet hiver. Et font valoir qu’il n’est pas raisonnable d’installer une nouvelle usine de traitements, alors même que la pollution historique du site n’a pas été traitée.

Compte tenue de la difficulté à dépolluer les zones contaminées, et de la propension des industries de défense (comme aux Etats Unis d’ailleurs) à passer outre les préoccupations environnementales, on a pas fini d’entendre parler des pollutions aux perchlorates au cours des prochaines années …voire du prochain siècle !


Moyenne des avis sur cet article :  4.64/5   (11 votes)




Réagissez à l'article

7 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 20 juin 2014 07:38

    Plus de 85% des cours d’eau sont pollués en France... !


    • claude-michel claude-michel 20 juin 2014 10:02

      J’ai oublié de dire...que ce n’est pas la grande guerre qui pollue le plus...mais l’agriculture.. !


    • ZEN ZEN 20 juin 2014 09:26

      La guerre de 14 tue encore
      Cette guerre a laissé des traces, des séquelles marquent encore l’environnement et les sols.
      La pollution induite par les munitions abandonnées ou déposées sans précaution, à haute toxicité, est un problème, dans le Nord de la France. 
      _____La Grande Guerre  pollue toujours, dans le Nord, la Picardie et ailleurs..


      • wawa wawa 20 juin 2014 11:45

        Je suis surpris de la persistance des perchlorates. c’est une molécule fortement oxydante qui me semblait avoir une demi vie ne dépassant pas quelques mois. alors que des résidus de la première guerre (un siècle) soit retrouvé m ’étonne.


        • wawa wawa 20 juin 2014 11:52

          Le perchlorate a bien une persistance qui se compte en décénies en condition « naturelle » (t°<50°c et ph neutre)


          • jef88 jef88 20 juin 2014 12:25

            Pas besoin de perchlorates pour mettre du chlore dans l’eau !
            j’habite une vallée des Vosges granitiques...
            La société qui gère l’eau potable mettait (il y a encore 5ans) tellement de chlore que l’eau en devenait imbuvable.....
            maintenant l’eau serait trop acide !
            Peut être faudra t-il l’assaisonner au calcaire .....
            ET POURTANT !
            l’eau provient de sources situées en forêt !
            Pas de pollution agricole ou autre en amont ...
            Mais il faut bien « justifier » le prix de l’eau ........................


            • Christian Labrune Christian Labrune 20 juin 2014 23:20

              Dans « Dr Strangelove » de Stanley Kubrick, un général de l’armée américaine est obsédé par la question de la « pureté » de l’eau. Il craint que les Soviétiques n’y déversent du fluor pour corrompre ses « précieux fluides vitaux » ; son obsession s’amplifiant, elle finira par être la cause d’un conflit atomique. Quand je lis ces sortes d’articles, d’inspiration vaguement écolo, c’est toujours à l’ironie de cet excellent film que je pense.
              Peur de l’atome, peur des OGM, peur des nanotechnologies, peur du gaz de schiste, peur des nitrates, peur des engrais, peur des métaux lourds, peur des additifs alimentaires. Et peur, maintenant, des perchlorates !
              La seule chose qui me fasse vraiment peur, c’est les Verts. J’entendais le mois passé une responsable de cette secte apocalyptique expliquer qu’on pourrait bien, pour faire des économies, réduire le budget de l’armée. Propos qui, étant donné la situation internationale actuelle, aurait dû entraîner un internement d’office.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès