@ Mal’,
Je vous avais promis de revenir pour apporter quelques précisions sur le sujet, notamment en ce qui concerne vos interrogations du début et les articles que vous citez en lien.
Vous écrivez à propos de la perversion narcissique : « Son souci, c’est qu’il s’agit de la psychanalyse, discipline tant conspuée par les temps qui courent... »
Oui, mais il ne s’agit pas de n’importe quelle psychanalyse. Il s’agit d’une psychanalyse groupale et familiale que rejettent les psychanalystes orthodoxes ou traditionnels. La principale différence consiste dans le déroulement de la cure. Plus de cure type divan dans la psychanalyse groupale et familiale, au moins un représentant familial de chaque génération pour un minimum de trois générations (lorsque cela est possible), et l’obligation d’être deux praticiens. Cela change fondamentalement les données du transfert et la qualité des informations recueilles. Plus d’interprétation « sauvage » dans ses conditions... tout est à « nu ». Autre différence essentielle, la psychanalyse groupale et familiale ne fait pas référence aux topiques freudiennes. Elle a sa propre topique qui dépasse, engloble, et corrige les apories et les égarements de certaines conceptions freudiennes (pour moi, de la plupart d’entre elles). Bref, j’abrège, car mon prochain article va parler de cette distinction psychanalyse / psychanalyse groupale et familiale.
Parlons maintenant des articles qui s’opposent à la théorie de la perversion narcissique (bien qu’une critique de certains articles qui la plébiscite serait utile aussi, mais je ne vais pas en plus faire le boulot des contradicteurs en manque total d’esprit critique - au sens de vertu critique -, mais très porté à la critique).
La quasi-totalité des auteurs des articles qui nie, dénigre, disqualifie, etc. la théorie de la perversion narcissique n’ont jamais lu une seule ligne de Racamier.
J’insiste bien sur ce point, car je fais une veille informatique (alerte google) depuis 2004 sur ce thème et je pense avoir lu une grosse majorité des articles qui ont été publiés sur le sujet, mais il y en a tant désormais, que j’ai du en laisser passer quelques-uns. Toutefois, c’est toujours la même chose.
Je vais m’évertuer d’apporter la critique à un seul contradicteur (cela me permettra de rédiger un commentaire au sujet de son livre par la même occasion). Incontestablement, la meilleure critique que j’ai lu de la théorie de la perversion narcissique est celle que produit Marcel Sanguet qui a un non moins incontestable talent de rhéteur. Mais, mais... mais, car mail il y a... et un gros en plus.
Indéniablement, Marcel Sanguet s’est informé à minima sur la perversion narcissique. S’il n’a pas lu tout Racamier pour comprendre sa pensée, il est au moins allé chercher quelques définitions de la perversion narcissique qu’il me semble important ici de rappeler.
Première étape (conférence de 1985 « De la perversion narcissique », publiée en 1987) : "Cliniquement la perversion narcissique se caractérise, pour un
individu, par le besoin et le plaisir
prévalents de se faire valoir soi-même aux dépens d’autrui. (C’est l’auteur qui souligne.)
Mais, précise Racamier, « C’est un plaisir spécifique. » (Je reviendrais un jour sur ce plaisir spécifique tel qu’il le décrit, car c’est un élément essentiel de sa théorie.)
Dernière étape (je saute l’intermédiaire de 1992) :
« PERVERSION NARCISSIQUE :
Définit une organisation durable ou transitoire caractérisée par le besoin, la capacité et le plaisir de se mettre à l’abri des conflits internes et en particulier du deuil, en se faisant valoir au détriment d’un objet manipulé comme un ustensile et un faire-valoir. » (Racamier, Cortège conceptuel, p. 59. C’est moi qui souligne.)
Chaque mot est important dans cette définition. Si c’est une organisation (plus qu’une structure) durable ou transitoire, c’est aussi quelque part « pas vu pas pris »... le tout étant de connaître la répétitivité - fréquence, durée et intensité - avec laquelle s’expriment les indices de perversion narcissique. Inutile de les commenter tous, car il me faut en dire un mot sur l’essentiel :
le deuil et
l’expulsion de deuil. (Je ne commente pas ces deux phénomènes qui ont fait chacun l’objet d’un article quant au plaisir spécifique, il me faudra y revenir plus tard, comme indiqué ci-dessus.)
En outre, ce qu’explique Racamier dans toute sa théorie, c’est que la notion d’incestuel (cf. « Le mystère Freud : Freud Vs Racamier ou l’énigme de la perversion narcissique ») de même que quelques autres concepts trop complexes pour être évoqués ici (en particulier ceux d’antœdipe et de paradoxalité) sont indissociables de la compréhension de cette théorie.
Ceci étant dit, de quoi parle Marcel Sanguet dans son livre ?
Je vous le donne en mille... il parle du pervers... de la perversion freudienne telle qu’il a pu la décrire dans les deux premières topiques psychanalytiques de Freud. En aucun cas, il ne parle de deuil originaire, notion sur laquelle repose toutes les théories de Racamier tant sur les psychoses que sur les pathologies narcissiques perverses (dont font partie la paranoïa et le fétichisme), ni d’incestuel, ni même de paradoxalité et encore moins d’antœdipe.
Autrement dit, il juge la théorie de la perversion narcissique au regard de ses connaissances des théories freudiennes et non pas au regard des apports des découvertes. Tout le contraire de ce qu’il faudrait faire pour vérifier la validité des théories de Racamier.
En résumé, malgré l’évidente érudition de Marcel Sanguet et de riches réflexions il convient de ne pas se laisser hypnotiser par ses belles paroles, car son livre est totalement hors sujet.
Espérant que ces précisions vous seront utiles,
Bonne journée.