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Accueil du site > Actualités > International > Le putsch malgache du 17 mars 2009

Le putsch malgache du 17 mars 2009

C’est fini. La légalité constitutionnelle a perdu. Marc Ravalomanana, le Président de Madagascar, élu démocratiquement en 2006, a démissionné ce 17 mars 2009 et a remis les pouvoirs à l’amiral Hyppolite Ramaroson.

Depuis plus de deux mois, la Grande Île marche la tête à l’envers. Ce week-end, l’opposant démagogue a gagné son pari : renverser le Président Marc Ravalomanana, constitutionnellement élu.

Marc Ravalomanana, isolé politiquement, géographiquement et militairement depuis trois jours, était prêt à perdre sa vie pour rester Président. Andry Rajoelina refusait tout compromis tant que Ravalomanana n’avait pas démissionné. L’un avait la légitimité constitutionnelle, l’autre celle de la rue qu’il opposait à celle des urnes.

La crise malgache a déjà été la cause de cent trente-cinq morts dans le pays. C’est un bilan impressionnant pour un peuple pacifique, mais heureusement, les évolutions de la crise qui ont le plus marquées institutionnellement Madagascar n’ont engendré à ce jour aucun mort.


Une mutinerie dans l’armée en faveur de l’opposant

Ces évolutions, elles sont pourtant un peu comme des pas d’éléphants dans un magasin de porcelaine.

Si depuis la mi-février 2009, le mouvement populaire s’essoufflait auprès de l’opposant Andry Rajoelina à Tananarive, les agitations s’étaient multipliées en province et l’armée, qui s’était mutinée, commençait maintenant à agir en soutenant l’opposition, d’autant plus facilement que le Ministre de la Défense Mamy Ranaivoniarivo avait dû démissionner après un mois d’exercice. L’armée est désormais dirigée par un chef d’état-major choisi par les mutins, le colonel André Andriarijaona.

L’armée a pris en effet clairement position en faveur de l’opposition, ce qui explique peut-être a posteriori la mollesse de réaction de Marc Ravalomanana depuis deux mois, à mettre sans doute sur le compte d’une sage prudence.

Mais la plus récente surprise fut certainement la décision de Jacques Sylla, Président de l’Assemblée Nationale, ancien Premier Ministre de Marc Ravalomanana de 2002 à 2007 et ancien Ministre des Affaires Étrangères du Président Albert Zafy, de rejoindre les opposants (même physiquement en se rendant sur la place du 13-Mai le 14 mars 2009).


Une accélération dans la prise de pouvoir insurrectionnelle

Samedi 14 mars 2009, les partisans d’Andry Rajoelina avaient déjà réussi à s’emparer du palais de Mahazoarivo, le siège du Premier Ministre Charles Rabemananjara qui avait déserté les lieux. Sans coup férir donc. Cela a été l’occasion pour la prétendue Haute autorité de transition de déclarer déchus non seulement le Président de la République et le gouvernement mais aussi l’Assemblée Nationale et le Sénat.

Dimanche 15 mars 2009, Marc Ravalomanana avait annoncé un référendum sur son maintien ou pas (dont il avait précisé les contours au Conseil des ministres du 16 mars 2009). Mais dans un pays en proie à tant de désordres politiques, un scrutin rapidement organisé risquait d’être difficilement réalisable. Parallèlement, Andry Rajoelina, au nom de lui-même, avait mis en état d’arrestation le Président constitutionnel.

Lundi 16 mars 2009, l’affaire était beaucoup sérieuse, puisqu’en fin de journée, l’armée s’était emparé du palais présidentiel d’Ambohitsorohitra occupé d’ordinaire par le Président (mais qui n’est en fait que l’ancienne mairie de Tananarive en plein centre ville, enjeu d’une fusillade qui a fait une trentaine de morts le 7 février 2009). Les chars et les journalistes l’ont accompagnée sans effusion de sang puisque les militaires savaient que Marc Ravalomanana n’y siégeait pas à cette heure-là. Il s’était en effet réfugié dans le vrai palais présidentiel, celui d’Iavoloha, situé à une quinzaine de kilomètres du centre de la capitale et protégé par la garde présidentielle. L’armée ne comptait pas l’y déloger par la manière forte pour éviter toute violence.

Mardi 17 mars 2009, le chef des opposants Andry Rajoelina s’est installé dans le palais présidentiel d’Ambohitsorohitra avec la protection des militaires. Et à Iavoloha, le Président Marc Ravalomanana a jeté l’éponge après une série d’erreurs politiques et tactiques très étonnantes : il vient de démissionner et de remettre le pouvoir au militaire le plus ancien dans le plus haut grade, à savoir l’amiral Hyppolite Ramaroson.


Incrédulité

C’est donc bien un véritable coup d’État qui se déroule sous les yeux incrédules et désabusés du peuple malgache qui ne sait pas quoi vraiment penser.

De moins en moins de Malgaches considèrent que la venue au pouvoir d’Andry Rajoelina résoudra les problèmes économiques, d’autant plus qu’il a montré sa dévorante ambition et finalement, sa capacité à user et abuser des mêmes méthodes que celui qu’il contestait.


La main de la Francafrique ?

Beaucoup de Malgaches croient d’ailleurs voir dans ce putsch la main de la France. Pour dernière preuve, le fait d’avoir accepté, la semaine dernière, de recueillir Andry Rajoelina comme réfugié politique à l’ambassade de France à Madagascar avant de le remettre à l’évêché de Tananarive. Beaucoup avaient aussi reproché à Bernard Kouchner d’être entré en contact il y a quelques mois avec Roland Ratsiraka, le neveu du dictateur communiste et l’un des principaux opposants de Marc Ravalomanana à l’élection présidentielle de décembre 2006.

Cependant, il y a fort à parier que la France se désintéresse totalement du sort de Madagascar et que les pays anglo-saxons et asiatiques sont bien plus soucieux de son sort au moins économique. Cela ne semble en tout cas pas actuellement une priorité du Président Nicola Sarkozy. Et échaudée par ses hésitations pour reconnaître la légitimité de Marc Ravalomanana en 2002, la France risque bien de précipiter sa reconnaissance d’une situation de fait et pas de droit.


Un pas vers l’inconnu

Bref, avec la démission de Marc Ravalomanan, la situation politique va entrer dans une période de grande incertitude institutionnelle, et, grâce à l’appui de l’armée, le sort de Madagascar semblerait s’orienter en faveur d’Andry Rajoelina, jeune tribun populiste et futur dictateur de la nouvelle espèce.

Comme cela s’est fait pour la Mauritanie et plus récemment pour la Guinée-Bissau, la suspension probable des aides financières internationales va avoir de graves conséquences sur la vie du peuple malgache.


« Putsch : Coup d’État ou soulèvement organisé par un groupe armé en vue de s’emparer du pouvoir. » (Petit Larousse)


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 mars 2009)


Pour aller plus loin :

Inquiète malgache (27 janvier 2009).

La révolution orange voit rouge 1 (11 février 2009).

La révolution orange voit rouge 2 (11 février 2009).

Orange glauque 1 (19 février 2009).

Orange glauque 2 (19 février 2009).

Informations sur Madagascar.


Documents joints à cet article

Le putsch malgache du 17 mars 2009 Le putsch malgache du 17 mars 2009 Le putsch malgache du 17 mars 2009 Le putsch malgache du 17 mars 2009 Le putsch malgache du 17 mars 2009

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9 réactions à cet article    


  • zelectron zelectron 17 mars 2009 18:15

    Quel rapidité ! bravo Sylvain ! mini-Dossier bien résumé.


    • Avérroès Avérroès 17 mars 2009 18:56

      Hélas l’Afrique continue de broyer ses enfants sous le regard presque amusé de l’occident. N’ayant aucune ressource naturelle digne d’intérêt, la Grande Ile ne pouvait constituer un enjeu sérieux alors que la crise financière est à son comble. Car pour les malgaches, peuple pacifique à l’extrême, l’incursion de la violence était la pire des choses qui pouvait lui arriver. Ce sont probablement les morts lors des manifestations qui ont provoqué un revirement –salutaire ?- de l’armée. D’où son engagement aux cotés d’Andry Rajoelina, le jeune leader populiste afin de pousser le président vers la sortie. Mais le putsch est bien réel et il aura parfaitement fonctionné, reste une inconnue : comment gérer la suite sans violer la loi fondamentale du pays qui fixe  l’âge du président à 40 ans ? C’est à partir de là que l’on saura si le jeune leader se transformera en un dictateur. Dans ce cas, ce sera pire qu’avant et rien n’aura changé, par contre si le bon sens l’emporte, tous les amis du peuple malgache ne pourront que s e féliciter de cette première transition en Afrique. Qui aura tout de même couté à la vie à 135 innocentes victimes. Paix à leurs âmes. 


      • Bleu Montréal 17 mars 2009 21:34

        Je ne comprends pas pourquoi vous qualifiez Andry Rajoelina de futur dictateur. Pouvez- vous dévelpper.

        Le voleur dans l’affaire, c’est bien Ravalomanana avec son avion privé aux frais de la princesse, avec ses contrats privilégiant la main d’oeuvre étrangère plutôt que malgache, etc...

        Je pense que le peuple Malgache va dans la bonne direction. À suivre. 


        • baska 18 mars 2009 01:24

          Tout à fait d’accord avec vous Sylvain, ce jeune loup qui a pris le pouvoir d’une manière anti-constitutionnelle c’est le moins qu’on puisse dire va certainement régner en autocrate. Mais ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est le soutien du peuple malgache à ce voyou. Il a 34 ans aujourd’hui et comme l’âge limite pour la présidence étant de 40 ans, il va sans doute modifier la constitution pour pouvoir participer aux élections qu’il a promises dans 24 mois si toutefois il tient ses promesses. Le peuple malgache va vite déchanter. Pauvre Madagascar !


          • pierrot123 18 mars 2009 13:19

            Mr. Ravalomanana, en Février 2002, ne s’était-il pas autoproclamé Président ?
            Comme le temps passe vite....


            • aquad69 18 mars 2009 13:25

              Bonjour Sylvain,

              cet évènement nous paraît extrêmement représentatif, cas d’école même, de ce qui nous arrive partout, et dans tous les pays, sous des formes diverses :

              Un changement devant lequel on reste perplexe quand à son intérêt pour le peuple malgache, mais manifestement appuyé en douce par les médias -et donc les pouvoirs qu’ils servent- qui présentent le nouveau candidat comme "soutenu par la rue", ce qui sous-entendrait que l’on voudrait, paradoxalement, lui prêter une légitimité. 

              Mais "la rue", celà représente quelle proportion de la population ? Il est très facile de provoquer des manifestations et d’apparents soulèvements, et il existe d’ailleurs des professionnels dont c’est la spécialité ; rappelons-nous par exemple comment des boites de com américaines avaient participé à l’organisation des "mini-révolutions" dans les pays de l’Est après la chute de l’URSS ( Ce que l’on a appelé, si je me rappelle bien, les révolutions oranges) .

              Quand on consulte d’autres sources que les médias officiels - le net, bien sûr- , on se rend compte que le Président légitime malgache n’était pas si impopulaire que l’on voudrait nous le faire croire, que son bilan ne serait pas si négatif que celà, et que le tableau que l’on nous présente est faussé et mensonger.

              Celà semble être un exemple de plus de ces "tours de passe-passe politiques", militaires ou électoraux, que l’on inflige régulièrement aux peuples pour leur confisquer progressivement ressources et richesses, au profit de petites "élites" (synonyme : maffias) affairistes et asservies aux grands pouvoirs mondiaux. Pour en comprendre les mécanismes, il faudrait bien connaître les quelques familles qui mènent le jeu, les enjeux économiques et financiers malgaches, et surtout qui en tire les ficelles internationales. 

              Une histoire habituelle, hélas...

              Quand à ceux qui ricaneraient en se disant que celà serait propre aux pays du Sud, et que "l’Afrique sera toujours l’Afrique", on peut leur rappeler que ce qui s’est passé chez nous, depuis un peu plus de vingt ans, sous une forme plus "soft", évidemment, n’est peut-être pas si différent dans le fond : sous le terme de privatisations, par exemple, quand du patrimoine français a été systématiquement bradé à des intérêts étrangers (internationaux...), et quand il apparaît que la majorité de nos personnages politiques, jusqu’aux plus hauts, ont de tels liens avec ces intérêts étrangers que l’on en arrive à se demander de qui ils sont les représentants et qui ils servent réellement.

              Le putsch malgache : une péripétie, une étape de l’intégration de Madagascar au "nouvel ordre économique", peut-être ...

              Cordialement Thierry

               




              • souklaye 18 mars 2009 14:36

                 Une société qui vieillit se retourne fatalement sur son histoire, autant pour se sécuriser sur son identité que pour les promesses imaginaires qu’elle procure à un système qui s’ennuie.

                Quand la violence civilisée a diversifié son activité entre la misère sociale, la précarité conjoncturelle, l’agoraphobie standardisée et le déracinement culturel, il faut bien construire un musée.

                Les pays de l’ancien bloc soviétique ont eu leurs heures de gloire. L’Afrique, à force de crier aux loups et par manque de professionnalisme, a perdu tout crédit et la Yougoslavie n’a pas le potentiel annoncé.

                Concernant les régimes militaires pratiquant l’artisanat et les dictatures bicéphales en Amérique du Sud, le business de la nécrophilie Che Guevarienne et la carte vermeil de Fidel Castro ont pillé tout le substrat romanesque qu’il pouvait rester. Et ne comptez pas sur Chavez, il n’excite que les vierges du NPA et les déserteurs du PCF.

                La suite ici :

                http://souklaye.wordpress.com/2009/03/16/notice-avant-utilisation-–-post-voyeurisme-revolutionnaire/


                • djimitri djimitri 18 mars 2009 17:06

                  C’est bien Sylvain, kel rapidité au point de me demander si je n’étais pas en direct sur une chaîne d’info.

                  Je suis d’autant d’avis avec Sylvain , comment accepter pareil chose ?

                  Où est passée la légalité constitutionnelle Malgache ?

                  Le pouvoir s’obtiendrait désormais par la rue et les armes ?

                  Si tel est le cas, ce pays ne serait pas près de sortie de cette situation, car la non réalisation des promesses engendrera une autre crise (le cas du président déchue Marc Ravalomanana qui figure parmis les causes de cette crise ). Vue la crise économique actuelle il ne faudrait pas croire que le pays se remettrera d’un seul jet de dé.
                  Ou, grâce ses hommes tapis dans l’ombre, ayant leurs intérêts ménacés qui souhaitais le renversement du pouvoir en place afin de se ruer sur leurs parts du gateau ou continuer leur sale bésorgne, ne pourrons sauver la face à un Temps record .
                  Tous nous le savons qu’ aucune personne ne peut arriver à cette étape s’il n’est soutenu par un bras séculier.
                   
                  Il est regretable d’assister à cette situation.

                  Le temps nous permettra d’en savoir plus sur le sort des malgaches....................




                   


                  • Vaza-madagascar 23 août 2009 22:47

                    Bonjour et amitié à tout les Malgaches
                    et Que Dieu vous bénis tous.

                    Je suis un Français, qui ce tient imformer depuit février de la tragédie que le peuple malgache subie, vous savez je prend pas partit ni de l’un ni de l’autre question politiques, mais tout ce que je voie encore ces que ces le peuple paisibles qui prend et qui souffre,
                    je peut vous dire cher(es) peuple malgache que je souffre aussi de voir comment la France a traité cette affaire j’ai honte car la France ce dit un paye de droit et d’égalité bien moi aujourd’hui je croie plus à la France, la France a détruit mon couple et ma santé aujourd’hui je peut vous dire que cela fait 1 ans que j’ai pas vue ma fiancé Malgache elle est triste a 9000km, et la France ne fait rient ;
                    donc ci il a plus d’aide financier pour Madagascar bien ces la mort,
                    j’ai vue ce qui ce passe à Madagascar sur place en 2008 et en 2009 le pris du riz a doublé est ces leur nourriture principal donc je sais pas si Dieu va laisser faire cela, réveillez-vous les grands de ce monde vôtre fortune ne vous emmènera pas aux paradis si vous laisser périr un peuple aussi paisible, moi je peut pas aider tout le peuple Malgache je le voudrait bien mais je peut que aider la famille de ma fiancé et cela je le ferait jusqu’à ma mort vu que la France mon paye veut rien faire pour nous unir et je suis prêt a devenirs Malgache si il le faux.

                    Voila ce que je panse de cette tragédie, des morts et un peuple qui meure de fin, et aucun paye veux intervenir pour venir en aide au peuple Malgache, vous me voyer pas la mes je peut vous dire que j’ai les l’armes aux yeux car tout cela me fait très mal et je pleure Madagascar.

                    Merci peuple Malgache, de m’avoir lu et sachez qu’il y a beaucoup de Français comme moi qui est à vos coté, dix Malgaches vaux un Français coté cœur oublier pas cela.

                    Je ne dit pas Vive la France...
                     mais je dit Vive Madagascar...

                    et que Dieu vous bénis.

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