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Accueil du site > Actualités > Technologies > Un petit pas vers la résurrection du mammouth laineux ?

Un petit pas vers la résurrection du mammouth laineux ?

L’idée existait avant, mais Jurassic Park, de Michael Crichton (porté à l’écran par Steven Spielberg), a coïncidé avec des tentatives de reconstitution d’animaux disparus aux temps historiques ou préhistoriques récents.

Il en fut ainsi du thylacine ou loup marsupial, une sorte de carnivore australien apparenté aux kangourous (plus précisément, aux dasyures) exterminé par les colons au milieu du XXe siècle, après avoir été poussé dans les retranchements insulaires de la Tasmanie par l’introduction, aux temps préhistoriques du dingo, descendant du chien des aborigènes australiens. Jusqu’ici, les tentatives se sont bornées à des effets d’annonce avortés, tant paraissaient insurmontables les difficultés à retrouver et à isoler de l’ADN un tant soit peu exploitable. Il semblerait que cette fois-ci, un petit pas en avant ait été effectué par des chercheurs allemands de l’Institut Max Planck de Leipzig.

En tout état de cause, à moins de réussir à reconstituer intégralement l’ADN du mammouth, sa résurrection pleine et entière est improbable ; mais au moins peut-on espérer reconstituer un animal ressemblant, grâce à la survivance de son proche cousin, l’éléphant. L’idée est de remplacer des brins du génome d’un ovule d’éléphante par leurs équivalents mammouthesques. Plus facile à dire qu’à faire, mais théoriquement réalisable. On obtiendrait ainsi une chimère, sorte d’hybride génomique, d’éléphante et de mammouth. Reste qu’un organisme ainsi reconstitué par rapiéçage génomique a peu de chances d’être viable s’il manque beaucoup de pièces au puzzle, en particulier dans le cas du thylacine, qui n’a pas de proche parent vivant.

Dans le cas du mammouth, l’entreprise est moins hasardeuse, même si le génome n’est qu’imparfaitement reconstitué, du fait que l’un de ses plus proches parents est encore bien vivant : il s’agit de l’éléphant d’Asie. Notons au passage que contrairement à ce qu’en disent les dépêches, l’analyse de l’ADN du mammouth n’a fait que confirmer ce que l’on savait déjà depuis longtemps, à savoir que l’éléphant d’Afrique n’est apparenté que de plus loin aux mammouths (au pluriel, car il en existe diverses espèces) que son cousin asiatique. À tel point que mammouth laineux et éléphant d’Asie ont dans le passé été classés dans le même genre, Elephas, contrairement à l’espèce africaine (en réalité, les deux espèces africaines : Loxodonta africana et L. cyclotis). Ajoutons que contrairement à l’image populaire que véhiculent volontiers les médias, Elephas, et plus encore Mammuthus, sont les plus évolués de la lignée des proboscidiens (« animaux à trompe »), prospère tout au long du cénozoïque, la période géologique qui s’étend de l’extinction des dinosaures à nos jours. Loin d’être les grosses brutes stupides promises à une extinction inéluctable qu’on se complaît à imaginer, les mammouths étaient doués de la même intelligence que celle qui fait l’émerveillement et la richesse de travail d’un cornac indien. Au sommet de l’évolution des éléphantidés (eux-mêmes les plus évolués de l’ordre des proboscidiens), les mammouths étaient caractérisés par des dents adaptées à la trituration des végétaux ligneux, d’une complexité maximale, même par rapport à leur cousin africain encore vivant, dont les dents sont un léger cran en dessous, en termes de spécialisation.

Pourquoi les espèces septentrionales ont-elles disparu, alors que leurs cousines méridionales sont encore vivantes ? La question est débattue, mais il apparaît de plus en plus que l’habitat nordique plus chiche des mammouths ne permettait pas de maintenir des populations d’une densité élevée, comme c’est le cas en Asie ou en Afrique, et que les différentes espèces en ont été vulnérables aux bouleversements brutaux de leur environnement. Parmi ces bouleversements, beaucoup ont été pour le moins des facteurs aggravants, mais le principal coupable reste encore et toujours l’expansion d’un singe nu social, effroyablement opportuniste, capable de s’adapter à toutes sortes d’environnements et d’exploiter la biomasse sous toutes ses formes, surtout les plus accessibles, lorsqu’elle se concentre sous forme d’individus de grande taille. Et voilà pourquoi, alors que l’augmentation de la taille est généralement le signe d’un point culminant de l’évolution, depuis l’essor de l’industrie humaine préhistorique, elle est devenue synonyme de concentration alimentaire, de vulnérabilité et d’extinction. Et là encore, contrairement à ce que l’on croit généralement, les derniers mammouths n’ont pas disparu en quelque époque reculée où ils disputaient un habitat gelé aux hommes primitifs, désemparés lors du recul des glaciations qui leur aurait été fatal, mais bien aux temps historiques ou protohistoriques. De nombreux vestiges, directs ou indirects, sur diverses îles méditerranéennes attestent de l’existence de formes insulaires naines d’éléphants, apparentées soit aux espèces africaines (Loxodonta), soit à l’espèce asiatique, et donc aux mammouths. (Le terme de mammouth, en réalité, est surtout lié à une pilosité abondante, parfois partiellement présente chez certaines populations d’éléphants indiens septentrionaux.) Ainsi, le mythe des cyclopes de l’Antiquité grecque trouve vraisemblablement son origine dans la découverte de crânes d’éléphantidés, caractérisés par un orifice de grande taille en son milieu, censé représenter un orifice oculaire unique (en réalité, le foramen nasal, spectaculaire du fait de la taille extraordinaire de l’appendice lié chez les proboscidiens). Plus encore, des découvertes récentes ont mis en évidence un mammouth nain sur une île de l’Arctique au large de l’Alaska, disparu il y a quelque quatre mille ans, bel et bien aux temps historiques, à la suite de l’accostage des premiers humains. Ce mammouth nain fut apparemment le dernier d’une série de victimes de l’invasion humaine du continent américain, qui comptait jusqu’à il y a quelque 11 000 ans plusieurs espèces de proboscidiens, dont un mastodonte laineux primitif, aux dents moins épaisses et spécialisées que celles des éléphantidés, et possédant une paire de défenses vestigielles réduites en sus des principales.

C’est à la lumière de ces gâchis, de plus causés par l’expansion humaine, qu’il apparaît si estimable de tenter de reconstituer le mammouth. Loin de la bigoterie sirupeuse du film hollywoodien sur la vanité de faire revivre des espèces dont « Dieu a décidé l’extinction », il s’agit ni plus ni moins de nous faire profiter du spectacle d’un animal dont la fascination qu’il provoque sur le grand public justifie amplement la résurrection, et cela, même si la présence de matériel issu de l’éléphant d’Asie dans le génome de l’animal reconstitué n’en fera vraisemblablement qu’un mammouth imparfait. Plus précisément, s’il est reconstitué (nous n’en sommes pas encore là), l’animal ressemblerait à un hybride naturel des deux espèces, voire à une sorte d’ancêtre commun entre elles.

Reconstitution partielle du génome de Mammuthus primigenius :

A propos du mammouth nain de Wrangel Island, dans l’Arctique :

Le mastodonte d’Amérique récemment éteint, dont le nom scientifique est fortuitement... Mammut americanum :


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