À contre-sens
Le plastique c’est dramatique.
Le bon sens n’est pas toujours près de chez vous même si les intentions sont aussi louables que peuvent être les convictions des organisateurs. Mais hélas, pour faire venir le public, il est parfois nécessaire d’aller à l’encontre de ce qu’on défend avec l’espoir de convaincre des gens qui n’avaient sans doute jamais songé à réfléchir à la question. Puis, la salle pleine, il demeure l’espoir de convaincre, d’apporter un peu d’eau au moulin de ce combat vital avant que le buffet de clôture ne vienne mettre tout à bas, ouvrant une fois encore grand les portes de tous les travers de notre société.
Voilà un prologue volontairement abscons afin de résumer l’étrange conférence à laquelle j’ai assisté. J’avais été attiré par le sujet de la présentation : « De l’aventure à l’écologie maritime ! » sans me méfier outre mesure du premier terme de l’accroche ; j’avais tort ! Nous eûmes droit tout d’abord à des extraits vidéos à grand renfort de musique et de bruitage, pour nous convaincre que face à nous, se dressait un véritable héros des temps modernes : Yvan Bourgnon, grand navigateur de l’impossible.
Les applaudissements nourris attestaient le bien fondé de la démarche publicitaire. Pour aborder un sujet grave, il convient d’avoir un nom connu, d’avoir fait des choses extraordinaires, d’avoir risqué sa vie et parcouru la planète en tous sens pour devenir crédible chez le béotien de base. La suite n’étant alors qu’un moment moins exaltant pour le spectateur amateur de sensations fortes.
Pourtant c’est bien avec le second volet que le conférencier joue sa crédibilité et défend la cause qu’il a à cœur. L’Océan est devenu une décharge, les plastiques constituent des continents flottants et mettent en danger nombre d’espèces. Il faut agir au plus vite. En voilà un autre qui a abandonné la gentille théorie du Colibri pour venir secouer le cocotier. L’urgence est à l’action collective et massive, ne faire que sa part n’est plus suffisant.
Je pouvais applaudir des deux mains même si manifestement le propos était au final de présenter un projet à l’horizon de 2025. L’urgence est telle que la Planète n’a plus le temps d’attendre. Ramasser les plastiques à bord d’un bateau autonome en énergie, une véritable usine de nettoyage et de transformation des déchets sera une pierre dans le marigot de nos océans. Une goutte d’eau nécessaire mais largement insuffisante.
Tant que les gouvernements et les instances internationales ne prennent pas à bras le corps ce dossier, les petits ronds dans l’eau ne seront que cautères dérisoires. Je ne remets pas en cause la bonne foi de notre navigateur converti à la sauvegarde de l’environnement même si la suite allait mettre à mal les belles paroles.
Il en avait terminé de sa belle présentation, convaincante et sincère. Il fallait en passer alors à l’appel de fonds, la générosité homéopathique d’une assistance qui ne figure pas dans la liste des grandes fortunes de ce système absurde. Puis, la conférence achevée, le raz de marée pouvait commencer. La salle se vidait bien plus vite qu’elle ne s’était remplie ; un buffet constituait la cerise sur le gâteau.
Nos joyeux écologistes d’opérette se bousculaient avec enthousiasme et une jeunesse retrouvée pour s’en mettre plein la panse. Sur les tables dressées par un traiteur qui ignorait sans doute le thème de la soirée, trônaient majestueusement des boissons dans des bouteilles plastiques sans que personne ne s’en aperçoive.
L’émotion était déjà oubliée, l'indignation renvoyée aux calendes grecques qui elles aussi ne sont guère propres. La société de consommation avait retrouvé ses serviteurs zélés et gourmands, la planète pouvait attendre. Je fuis ce spectacle horrifié sans même pénétrer dans cette illustration parfaite du naufrage actuel. À l’entrée, Yvan Bourgnon dédicaçait à tout va des livres et des CD, des récits d’aventure. C’était bien le clinquant et non l’essentiel qui avait fait venir ces braves gens. Comment le leur reprocher ? À leur âge, avec un peu de chance, ils ne verront pas la grande catastrophe à venir. Ils peuvent partir le ventre plein...
Désespérément leur.
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