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Commentaire de therasse

sur La journée de la pute


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therasse therasse 24 mars 2010 19:09

La prostitution ne pose pas grand problème en tant que tel, c’est à dire si des conditions optimales sont réunies. 


Et je sais de quoi je parle pour avoir été client des bars à champagne belges il y a quelques années ; c’est précisément de cette expérience dont je tenterai de parler ici. 

Le propriétaire du bar met son immeuble, souvent très confortable, à la disposition des filles, qui travaillent librement sans contrainte. Le gâteau (champagne et passes) est partagé à parts égales.

Jusque là, c’est honnête.

Le problème, c’est que, si les patrons de ces bars se comportent généralement assez « honorablement », les filles (hôtesses) ont souvent un protecteur à l’extérieur qui met la pression pour que l’argent rentre. Toutes les filles semblent ne pas avoir de mac mais un certain nombre en ont (pas facile de se faire une opinion car elles n’évoquent que les protecteurs de leurs collègues, jamais le leur).

Par ailleurs, beaucoup de ces « travailleuses du sexe », quand elles débutent dans le métier, sont très jeunes et se voient proposer (au début gratuitement) un petit doping pour les aider à « affronter » leurs premiers clients. Dès qu’elles deviennent accro, ce doping, le plus souvent de la coke, devient payant. Dès lors, leur moitié de gâteau se réduit comme peau de chagrin. 

Résultat des courses, elles finissent par ne plus gagner grand chose et leur addiction les rend de plus en plus dépendantes de leur activité. Leur liberté s’étiole ainsi pour se transformer progressivement en un esclavage accepté.

J’ai connu beaucoup de filles dans ces endroits, dont quelques unes en tant qu’habitué ; je précise qu’il s’agit des bars à champagne qu’on trouve sur les grands axes routiers, notamment en Flandre. Les prostituées qui n’acceptent pas le cercle vicieux de la cocaïne, et qui restent prudentes à l’ égard de certains clients, au départ particulièrement généreux, mais qui ensuite peuvent se révéler plus « protecteurs », s’en tirent bien et gagnent très bien leur vie.
Par ailleurs, elles adoptent le rythme de travail qui leur convient. Certaines ne travaillent que le week end , d’autres 3 ou 4 jours semaines. Les horaires dépendent des bars et peuvent être modifiés en cours de contrat à la demande de la fille. 
 

Il semble, aux dires de certaines gérantes, que des « arrangements » du type « win win » sont conclus entre certains hôteliers et les forces de l’ordre, pour que les contrôles de police restent très superficiels et ne concernent que la sécurité et les contrats de travail, à l’exclusion des « produits dopants » dont question précédemment. Des filles coucheraient également gratuitement avec certains policiers « afin d’entretenir de bonnes relations ». Il n’est pas simple de se faire une opinion quant à la véracité ou non de cette possible corruption ; ce ne sont que des ouï-dires, mais récurrents dans plusieurs de ces maisons.

Personnellement, si je conseillerais plutôt à une jeune fille de faire des études et de trouver un autre job, je reste favorable à la prostitution libre en maisons closes, ce pour plusieurs raisons :
-La liberté individuelle : Dès lors qu’il s’agit d’une relation entre adultes consentants, je ne vois pas de quel droit on empêcherait un homme et une femme d’entretenir une relation intime. Quant à la rémunération, il arrive que des gens concluent également des mariages à but lucratif ou acceptent des relations passagères où l’un des deux amants est plus intéressé qu’amoureux.
 -Le tableau que j’ai dépeint ci-dessus me semble nettement plus confortable et sécurisant pour les prostituées que la rue, les bois ou des clubs clandestins où l’esclavage sexuel risque de devenir la règle , pour autant que des contrôles de police rigoureux et effectués par des policiers intègres aient lieu régulièrement (ici réside peut-être le côté un peu utopique de ma vision des choses).
-Les filles arrêtent ou modifient leurs horaires quand elles le souhaitent. La motivation des filles est strictement pécuniaire à l’exclusion de la violence et l’intimidation. 
-L’hygiène (douches, jacuzzis, etc...), le rythme de travail (temps de prestation partagé entre les consommations au bar et les passes). 

Il est clair que la frontière est mince entre sécurité et insécurité dans ce système ; tout dépend des hommes qui graviteront autour des prostituées, hôteliers, macs éventuels à l’extérieur, qualité des contrôles de police, flics intègres ou corrompus. 
 
Le job consistant également à boire du champ, il n’est pas rare que des filles consomment jusqu’à 4 ou 5 bouteilles de champagne par jour, ce qui générera inévitablement des problèmes de santé à terme, liés à l’alcoolisme.

Il existe en Belgique, d’autres modes de prostitution, notamment dans les vitrines bruxelloises, qui ressemblent plus à de l’abattage, où les filles doivent travailler 7 jours sur 7, à raison de 12h par jour. J’y suis peu allé, et je connais donc moins bien ce système où les filles sont plus discrètes, quand elles parlent français. Souvent il s’agit de filles de l’Est.   

Le débat reste ouvert, mais peut on vraiment dissuader efficacement une femme de se prostituer si elle le souhaite ? J’en doute. J’ai connu dans ce milieu une grande variété de cas différents qui m’a amené à conclure qu’il n’y a pas une typologie uniforme, un profil type de la prostituée. La gamme va des nombreuses musulmane qui, souhaitant échapper à la dictature violente des mâles de leur famille ont trouvé ce moyen pour gagner facilement et rapidement de quoi subsister, à la femme mariée, qui ne travaille que le samedi soir pour arrondir ses fins de mois et qui avait un travail plus « normal »par ailleurs. J’y ai rencontré une universitaire, un ancien mannequin, beaucoup de françaises qui échappent ainsi aux tracasseries policières françaises, quelques filles de l’Est. La plupart rentrent chez elles au petit matin ; un système de va et vient en taxi les ramène chez elles. D’autre dont les domiciles sont plus lointains logent sur place, certaines trouvent au sein de l’établissement un substitut familial. 

Par ailleurs, de nombreuses femmes se trouvent, pour des raisons extrêmement diverses, dans des situations où, paradoxalement, elles sont heureuses de trouver cette solution pour échapper à des vies bien plus sordides. 
 
Dès lors, autant concentrer son attention et son énergie sur la sécurité de ces filles et éventuellement une prévention sous forme de conseils, peut-être notamment en milieu scolaire plutôt que de légiférer et condamner de nombreuses filles à des conditions de vie réellement sordides.

Le contenu de ce post est volontairement nuancé ; j’ai tenté de dresser un tableau diversifié, qui reste éminemment subjectif, mais qui montre en toile de fond les problématiques qui gravitent autour de cette sexualité rémunérée. J’ai décrit les facettes que j’ai pu observer sous un angle de vision nécessairement limité, ce qu’on a bien voulu me dire de ce monde. Chaque cas est particulier, individuel. J’y ai rencontré des filles épatantes, certaines semblaient avoir choisi cette vie et s’y plaire, d’autres, finalement peu nombreuses, affichaient un visage moins épanouï. La drogue et le mac me semblent les grands dangers de ce milieu. J’ai connu des hôtesses qui semblaient avoir évité ces écueils. 

En tous cas, l’image d’ensemble que j’en ai conservé est assez différente de celle que de nombreuses émissions tentent de nous imposer à la télé. Mais il est vrai que l’objet de mon propos est clairement circonscrit à une prostitution bien spécifique, le bar champagne, ce qui se rapproche le plus des maisons closes évoquées par l’article de l’auteur.    


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