• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Pascal

sur Chirac, Sarkozy, Royal, Buffet et l'évolution implacable de la réalité française


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Pascal (---.---.43.252) 11 janvier 2007 20:37

Est-ce si étonnant ?

Royal est un agent des lobbies européens qui cherchent une manière de « gérer sur des bases saines » (à savoir, revenus et avantages sociaux les plus faibles possible, les gens qui n’osent pas trop bouger, une administration musclée et expéditive...) les 800 millions de personnes des pays du Conseil de l’Europe.

Et l’actuel gouvernement va dans le même sens avec ses prétendues « simplifications » du fonctionnement des administrations.

Il y a un autre article très intéressant d’Isabelle Debergue, de juillet dernier :

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11856

Europe, justice et « macro-gestion » de populations

Un an après le référendum, les « pré-candidats » aux présidentielles de 2007 parlent peu de l’Europe. Personne n’évoque, par exemple, une justice européenne qui ne ressemble guère à la justice qu’a connue la France après la Libération. Les évolutions des deux types d’institutions ont été très différentes, jusqu’au moment où l’Europe a été en mesure d’influencer le fonctionnement de la justice française. Cette interaction a fait apparaître des problèmes de notre justice, mais en a créé bien d’autres. La Cour Européenne des Droits de l’Homme, dont l’autorité s’étend sur 45 pays et 800 millions de citoyens, applique un « droit minimal » avec des procédures expéditives et sommaires. L’ensemble, « importé » par les tribunaux français, se solde par des pertes de droits pour le citoyen justiciable. La question se pose même de savoir ce que devient la notion d’un droit égal pour tous.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) émane du Conseil de l’Europe. Elle ne dépend pas de l’Union Européenne, mais d’une entité plus vaste : la « grande Europe » de l’Atlantique au Pacifique, Russie comprise. Le statut et le rôle de la CEDH, instance de rang supérieur aux hautes juridictions françaises (Conseil d’Etat et Cour de Cassation), montrent que la véritable force motrice de la « construction européenne » est le Conseil de l’Europe. Conséquence naturelle du potentiel économique et stratégique global des quarante-six pays qui le forment. Mais que deviennent les droits des citoyens à l’intérieur d’un tel conglomérat politique et institutionnel ? Ne risque-t-on de voir s’instaurer une sorte de traitement « à la louche » des affaires individuelles du plus grand nombre ?

La lettre type

Le « petit français » pour qui les institutions avaient été des entités relativement proches, et qui saisit la CEDH croyant que c’est pareil, déchante lorsqu’il reçoit une lettre type lui signifiant sans autre explication :

« Je porte à votre connaissance que la Cour européenne des Droits de l’Homme, siégeant le (...) en un comité de trois juges [noms des juges formant un »comité"] en application de l’article 27 de la Convention, a décidé en vertu de l’article 28 de la Convention de déclarer irrecevable la requête précitée, les conditions posées par les articles 34 ou 35 de la Convention n’ayant pas été remplies.

Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.

Cette décision est définitive et ne peut faire l’objet d’aucun recours devant la Cour, y compris la Grande Chambre, ou un autre organe. Vous comprendrez donc que le greffe ne sera pas en mesure de vous fournir d’autres précisions sur les délibérations du comité ni de répondre aux lettres que vous lui adresseriez à propos de la décision rendue dans la présente affaire. Vous ne recevrez pas d’autres documents de la Cour ayant trait à celle-ci et, conformément aux directives de la Cour, votre dossier sera détruit dans le délai d’un an à compter de la date d’envoi de la présente lettre. La présente communication vous est faite en application de l’article 53 § 2 du règlement de la Cour."

Aucun exposé du contenu du recours, aucune réponse circonstanciée aux demandes et arguments de son auteur. Non, l’Europe n’est pas « la France, mais en plus gros »...

Pour 800 millions d’habitants, la CEDH compte 45 juges. Un par Etat signataire de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales. Dans l’esprit de l’institution, sa saisine est une démarche exceptionnelle. En aucun cas, une voie « normale ». Certes, aux termes de l’article 45 de la Convention, « les arrêts, ainsi que les décisions déclarant les requêtes recevables ou irrecevables, sont motivés ». Mais la lettre type correspond à une « déclaration d’irrecevabilité » (article 28) émanant d’un comité de trois juges (article 27), pas à une « décision » d’une chambre décrite dans l’article 29. Est-ce cette subtilité qui permet d’écarter la plupart des recours sans expliquer vraiment pourquoi ? Le justiciable peut estimer que les procédures éliminatoires posent un réel problème. Un arrêt décrivant la requête et répondant à ses moyens avec un minimum de précision permettrait à l’intéressé de savoir comment le droit lui est appliqué et de vérifier que son application est la même pour tous. Pourquoi l’équité de la Cour au quotidien doit-elle être un article de foi, au lieu d’émerger clairement dans une pratique transparente ?

Les statistiques de la CEDH relèvent qu’il y a eu en 2005 42.933 affaires « terminées » dont 27.612 déclarées irrecevables ou radiées, et 14.363 « terminées administrativement », à savoir « non poursuivies » par les requérants qui reçoivent souvent des lettres peu encourageantes du Greffe. 958 (un peu plus de deux pour cent) ont « eu droit » à un arrêt de la Cour. L’Aperçu 2005 parle de 26.853 requêtes déclarées irrecevables, dont 26.320 par des comités. Une plaquette décrit le « Système des jeunes juristes » dont la durée de l’emploi est « limitée à quatre ans ». On y apprend que « les juristes du Greffe ont pour tâche principale de traiter des requêtes individuelles... » et que « les jeunes juristes consacrent la majeure partie de leur temps à traiter les milliers de requêtes qui sont rejetées chaque année par la Cour pour non-respect des conditions de recevabilité fixées par la Convention ». Mais, dans la lettre type, l’absence d’une apparence de violation de la Convention (appréciation sur le fond) constitue la raison invoquée de la déclaration d’irrecevabilité.

Quand la France « suit l’exemple »

Mon article du 25 juillet évoque les arrêts Kress et Martinie où la CEDH critique le fonctionnement de la justice administrative française sur le plan des garanties d’impartialité offertes aux justiciables. Nos autorités ne semblent pas pressées d’en tirer les conséquences. Mais la jurisprudence de la Cour peut aussi libérer les instances nationales d’obligations à l’égard des citoyens et conduire à une régression du droit national.

La décision d’irrecevabilité partielle opposée par la CEDH le 9 mars 1999 à la requête 38748/97, Société Kosser c. France, rejette un grief qui reprochait au Conseil d’Etat de s’être « borné à rappeler succinctement le contenu du moyen et à le rejeter en énonçant seulement qu’il n’était pas de nature à permettre l’admission » d’un pourvoi en cassation. La Cour « rappelle que le droit d’accès aux tribunaux consacré par l’article 6 de la Convention peut être soumis à des limitations prenant la forme d’une réglementation par l’Etat » et que « l’article 6 [de la Convention] n’exige pas que soit motivée en détail une décision par laquelle une juridiction de recours, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chance de succès ». Il s’en est suivi une modification de notre législation, introduisant pour la Cour de Cassation une procédure éliminatoire analogue à celle des « comités » de la CEDH (loi 2001-539 du 25 juin 2001, article L131-6 du Code de l’Organisation Judiciaire). Les autorités françaises n’ont toujours pas modifié le Code de Justice Administrative de manière vraiment conforme à l’arrêt Kress de 2001. Mais elles s’étaient montrées très diligentes pour utiliser la décision du 9 mars 1999 afin de limiter les droits des justiciables. Pourtant, dans ce dernier cas, il ne s’agissait pas d’une « application » de la décision de la CEDH. Rien n’interdit à un Etat d’imposer à ses tribunaux des normes plus strictes que celles découlant de la Convention européenne.

Le premier président de la Cour de Cassation a présenté, le 20 septembre 2002 à une réunion des premiers présidents de cour d’appel, une communication intitulée : « La procédure d’admission des pourvois en cassation ». Il s’est félicité de l’entrée en application de la loi organique 2001-539 qui restaure « une procédure d’examen préalable pratiquée depuis la création du tribunal de cassation, en 1790, jusqu’à la suppression de la chambre des requêtes, en 1947 » et « permet à la Cour de cassation, en écartant les nombreux pourvois irrecevables ou voués à un échec certain, de se consacrer plus efficacement à sa mission normative et disciplinaire ». Pour le « petit justiciable », cette réforme revient en clair à le priver d’un droit à la motivation de la décision prise qu’il détenait depuis la période ayant suivi la Libération. Le président de la Cour de Cassation écrit : « si l’ouverture de la voie de recours pourtant extraordinaire qu’est le pourvoi en cassation est incontrôlé et oblige dans tous les cas, quelle que soit la valeur de la critique, à une décision motivée selon la technique lourde du pourvoi, les moyens humains et matériels de la Cour doivent être multipliés à l’infini pour faire face à un flux de recours en constante augmentation... » Mais, si trois juges ont examiné le pourvoi, quel travail additionnel comporterait la rédaction d’un arrêt, à Strasbourg ou à Paris, avec les moyens informatiques modernes et les notes que les juges ont dû rédiger ? Quel rapport entre la notion de « décision motivée » et la « technique lourde du pourvoi » ? Et pourquoi y a-t-il autant de recours en cassation ou à la CEDH ?

(...)


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès