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Commentaire de morice

sur Syrie : qui veut comprendre ce qui s'y passe réellement ?


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morice morice 17 avril 2012 09:00

Vous apprendrez que l’accès à la presse est libre en Syrie,


c’est un GROSSIER MENSONGE.

En Syrie, aucun régime ne s’est montré tolérant à l’égard de la presse et des journalistes. En un siècle d’existence, qui n’a connu qu’une brève période de démocratie, de 1954 à 1958, la presse n’a donné naissance à aucun titre durable, à l’exception des journaux officiels du parti Ba‘th. Aucun organe de presse n’a produit d’institution jouissant d’une réelle réputation journalistique, dotée d’une histoire rédactionnelle, d’une orientation intellectuelle et de traditions propres. Tous les titres sont restés au stade de l’essai, de l’expérience, confinant la presse dans un état permanent d’adolescence. À part la permanence de la censure, à laquelle elle a fini par s’adapter, elle a dû à chaque nouvelle ère politique repartir à zéro. Les conditions historiques imposées par les pouvoirs en place l’ont toujours empêchée de grandir, de se développer et de jeter les bases d’un métier qui se nourrit de savoir-faire et d’accumulation d’expériences. De telles conditions ont empêché la naissance d’une presse indépendante du pouvoir, capable d’affronter et de contredire le discours et les décisions de celui-ci.

1963-2001 : La presse devient un prolongement du pouvoir

« Avant le 8 mars, il y avait dans ce pays une presse qui s’est employée à défendre les clivages, les intérêts du capitalisme et la réaction, qui a comploté contre les acquis du peuple. Il était donc tout à fait naturel que la révolution brise de tels média car la presse est le visage véritable du peuple et elle doit être entre les mains du peuple ». Éditorial du journal al-Ba‘th, numéro 1, 8 mars 1965

  • 2 Hassan Abbas, “La réalité de la presse syrienne”, étude publiée sur internet, 2003.

12Quelques jours après le coup d’État militaire qui l’a porté au pouvoir, le régime issu de la révolution du 8 mars 1963 a émis un décret abrogeant la concession des journaux et des magazines, sans indemnisation compensatoire. Les imprimeries et tout le matériel appartenant aux propriétaires des journaux ont été confisqués et certains journalistes ont été privés de leurs droits civils « car ils ont trahi la foi du peuple arabe dans le nationalisme arabe, ou répandu des idées confessionnalistes » (‘Abd al-Rahmân, 2003 : 31). Le nouveau régime, d’origine provinciale et dominé par les militaires, a nourri une grande méfiance à l’égard de la presse et de son pouvoir potentiel et l’a confisqué pour en faire un moyen de mobilisation et d’endoctrinement, tout en maintenant la fiction de la propriété du peuple sur les médias2.

13C’est en fait la loi d’urgence, encore en vigueur aujourd’hui, qui régule pour l’essentiel le domaine de la presse, donnant pouvoir aux autorités de censurer, avant leur diffusion, les lettres, les communications téléphoniques, la presse, les imprimés, les livres, les publications, les radios et tous les moyens d’expression, de propagande et de publicité (‘Abd al-Rahmân, 2003 : 28). Cette loi est l’un des éléments fondamentaux du système établi par le parti Ba‘th, depuis 40 ans, pour fabriquer une société totalitaire.

Dans le nouveau paysage médiatique syrien, quels sont les moyens d’informations disponibles qui forment la conscience des jeunes ou reflètent leurs idées, leurs appréhensions et leurs problèmes ? Les trois journaux officiels consacrent des pages spéciales aux jeunes, vouées surtout à des rubriques sur la littérature, ou à des conseils pédagogiques et éthiques. Forts de leur monopole, ces journaux ne manifestent aucune inventivité. Ces trois journaux réunis vendent 50 000 exemplaires, dont une grande partie est constituée des abonnements des institutions de l’État. Les sommes consacrées annuellement par le ministère de l’Information aux grandes institutions de presse atteignent 80 000 dollars9, sans parvenir à satisfaire le lecteur. Le plus souvent, les rédacteurs en chef de ces journaux, désignés suivant des considérations politiques et partisanes et non professionnelles, sont étrangers au métier lui-même. Après 2000, certains rédacteurs en chefs “historiques” ont été remplacés par des hommes nouveaux. Ce fut notamment le cas de la rédaction du journal al-Thawra, confiée pour la première fois à un journaliste, Abd al-Fattâh ‘Awad, qui s’est attaché à professionnaliser cette publication et à attribuer une place plus importante aux enquêtes et aux reportages. Pour autant, ces changements ne sont pas parvenus à rapprocher la jeunesse de la presse officielle.

28S’il n’existe aucun chiffre concernant leur vente ou leur distribution, il est néanmoins assuré que les magazines associés aux organisations populaires et aux corporations professionnelles sont entrés dans une phase de mort clinique depuis longtemps. Ils sont plus médiocres encore que la presse officielle du point de vue du savoir, de la technique et du professionnalisme ; ceux qui y travaillent ne sont même pas des journalistes. En tête de ce désastre journalistique arrivent les magazines des organisations de jeunesse. Malgré le volume potentiel du lectorat, lié à la mobilisation quasi-obligatoire de la jeunesse, ils ne reçoivent pratiquement aucun écho parmi celle-ci et ne constituent en rien un média propre aux jeunes. L’âge avancé de leurs responsables suffit à convaincre que le système perdure au profit de quelques-uns qui se nourrissent des miettes de ce qui reste de ces organisations, devenues des carcasses vides. Quant aux nouveaux journaux partisans des partenaires du Ba‘th au sein du Front National, ils manient un langage très idéologique qui les coupe largement de la jeunesse.

  • 10 En l’absence de statistiques récentes, j’ai calculé moi-même le nombre d’autorisations accordées et (...)

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