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Commentaire de JP94

sur Un documentaire antiscientifique diffusé au nom de la science sur France 5


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JP94 7 juillet 2012 23:07

Je n’ai pas vu ce documentaire mais j’ai lu le commentaire .et déjà une remarque : pour s’opposer au point de vue du film, on lui objecte et on ne nous propose qu’un argument d’autorité : « un scientifique chrétien parle » .
Cela n’a pas de validité scientifique et l’on voit bien que personne n’est convaincu parmi ceux qui attendent une argumentation rationnelle .

La Religion , historiquement , a souvent vu un ennemi dans le travailleur scientifique , mais il lui a fallu s’adapter face à la force irréfutable des résultats produits par la science moderne .
Elle a alors cherché à se cautionner non plus contre mais par la Science devenue puissante ( saber es poder) , comme elle avait été amenée à s’appuyer sur les Puissants de ce Monde ... dont le pouvoir , réciproquement se cautionnait par l’idéologie religieuse .

Notons que pour les Romains , la religion était leur système de croyances polythéistes , tandis que le Christianisme était superstition ( « placer au-dessus ») .

Bien entendu qu’il existe des scientifiques chrétiens produisant un travail scientifique rigoureux ... tant qu’ils ne cherchent pas à y concilier leurs convictions religieuses , car à ce stade , ils butent sur des contradictions et ne font plus oeuvre scientifique .
Mais même un grand scientifique peut s’avérer métaphysicien ou platonicien , sans être chrétien ni croyant . Et il cherchera tout autant à concilier ses vues philosophiques avec ses résultats scientifiques et se heurtera tout autant à des contradictions .
Le positiviste affirmera l’impossibilité ad vitam aeternam de connaître ce qu’il y a dans les étoiles 10 ans avant que la spectrophotométrie ne le permette .
Tous les scientifiques ne sont pas athées - ne serait-ce que par leur origine sociale . Mais athéisme et science font bon ménage , dans la mesure où un athée se préoccupe peu d’introduire Dieu ou son contraire dans ses résultats : la Nature existe indépendamment de la pensée du physicien , même si celui-ci interfère un peu par son action avec elle .
La valeur d’un travail scientifique ne dépend pas du degré de croyance du travailleur scientifique

L’autre point est justement la théorie de la connaissance  : il est question de mécanique quantique , de Niels Bohr et de l’impossibilité théorique de connaître simultanément vitesse et position de l’électron . Certes , mais est-ce que cela est un appui à l’existence de Dieu ? Absolument pas et Niels Bohr lui-même a répondu à cette question de façon révolutionnaire dans un recueil d’articles ( édité chez Vrin ) . Prétendre que c’est une limite à la connaissance c’est déjà user d’une conception philosophique particulière de la connaissance - même si elle a l’air d’aller de soi .
Niels Bohr répond donc que la Nature est parfaitement connaissable mais qu’il nous faut adopter une nouvelle théorie de la connaissance . Argument très dialectique .
A l’époque de Bohr naissait la mathématisation des probabilités .
Est-ce , par exemple , ne pas savoir si mon dé va faire un 1 ou un 6 signifie que je n’ai pas connaissance du phénomène ? au contraire , j’ai même une théorie pour l’expliquer. j’ai une connaissance probabiliste . c’est pareil pour l’électron : j’ai une détermination probabiliste de la densité de charge .
Vouloir savoir les coordonnées x y et z d’un électron est cela la connaissance de l’électron ? Non , cela présuppose déjà qu’il serait ponctuel . C’est aussi avoir une conception finie de la connaissance puis le supposer correspondre a priori a un modèle définitif , ce qui est antiscientifique . La science sait qu’elle évolue .
Lui dénier la possibilité de savoir est supposer le savoir fini , c’est avoir une conception fixiste des choses ... bref , il y a derrière cela un idée divinisante , ou peu s’en faut .

Pour Anaximandre , qui a repris le nom de son ancêtre , je dirai que coexistent toujours 2 représentations et je pense , depuis les débuts de l’Humanité : il y a partout coexistence de croyants et d’incroyants . Héraclite pourfendait les mythes ... il pourfendait Homère ! Pour lui , le mythe empêchait la compréhension du logos., c’est à dite du cours du monde . Rien de religieux dans cette revendication . Les choses doivent être énoncées telles qu’elles sont .
Bien sûr le religieux ne se réduit pas à la croyance en Dieu ... ( ce qui est une construction )

La démarche rationnelle et scientifique des Grecs anciens est le corollaire de l’apparition de la Démocratie .( Voir JP Vernant et le cercle) . Evidemment cette démocratie avait ses limites , et les avancées scientifiques grecques aussi ... Mais tous les Grecs n’étaient pas également religieux . Il y a une pensée non religieuse grecque et c’est peut-être ce qui a fondé la démonstration géométrique : mesurer est une démarche quantitative , pas qualitative .
Notre vision des Grecs anciens est aussi conditionnée par ce qui s’est avéré après et notamment les matérialistes grecs ont vu leurs oeuvres détruites ( Héraclite , Démocrite ...) ... reste un héritage un peu bancal : on retient Platon et on oublie Démocrite , le plus fameux philosophe à son époque . Mais on retient les mathématiciens .

La pédagogie a changé mais la démarche de démonstration en géométrie par laquelle on forme la faculté de raisonnement des élèves - en principe - est héritée des Grecs . Tous les élèves connaissent Thalès et Pythagore ( bien plus que les procédés du Moyen-Age ) ou le nom d’Archimède , un certain nombre Euclide , Eudoxe , Apollonius etc ... il y a bien un héritage reconstruit à la Renaissance . Enfin là on s’éloigne un peu ...


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