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Commentaire de Luc-Laurent Salvador

sur Lettre à René Girard sur le 11 septembre 2001


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Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 15 septembre 2013 07:04
« ce que j’en tire c’est que nous sommes globalement d’accord... »

Oui, oui, au moins sur des choses essentielles
« Mais toutefois, ce n’est pas parce que nous, c’est à dire une infime minorité, savons reconnaître en ce système un « Cronos », un « Moloch », que le « système ne marche pas » ! »

Là aussi on est bien d’accord.
La lucidité est non seulement rare, elle est limitée dans sa portée.
C’est pourquoi le système fonctionne (avec tout de même beaucoup de propagande et beaucoup de mimétisme).

Je pense que de tout temps, des humains qui ont vécu d’une façon propice à cela ont ouvert leur yeux sur les mécanismes de contrôle social de toute sorte.. sans doute bien avant celui ou ceux que l’on nomme Jésus.

Pensons à Héraclite qui savait si bien dire en son temps l’inanité des sacrifices au travers desquels on tentait de se laver du sang avec du sang.
Mais cette lucidité n’est pas celle d’un homme, elle est celle du époque dans laquelle la crise sociale ébranle le système et laisse affleurer ses structures sous-jacentes.
Il y a eu une lucidité héraclitéenne, mais pas une révélation proprement dite.

On peut imaginer cela dans l’une des « sociétés sacrificielles » les plus terribles, celle des Aztèques... Peut-être même que certains dirigeants utilisaient sciemment ces mécanismes, ou bien les utilisent à présent.

On doit imaginer des élites en quête de pouvoir qui ont pris le contrôle de cet instrument de pouvoir qu’est le sacrifice et qui en ont abusé comme une certaine élite financière a progressivement construit un contrôle total de cet instrument de pouvoiir qu’est la monnaie, instrument lui aussi d’origine sacrificielle. Dans le Vanuatu je crois, la monnaie, c’est les cochons qu’on sacrifie.
Tout se tient.
Ces élites « ne savent pas ce qu’elles font » sur le fond. Elles veulent « juste » un maximum de pouvoir, elles veulent se prendre pour des dieux en somme, faire ce que bon leur semble et traiter les hommes comme du bétail, comme de l’inhumain. Là est le mal.

Comment Girard, juste à partir de l’étude interprétative de textes, pourrait en effet savoir cela ?

Toute la question est de savoir de quels textes on traite. Si on s’adresse aux mythes fondateurs, on peut légitimement espérer dégager des invariants fondamentaux, des « universaux » qui font l’humain.

L’essentiel, c’est que la majorité ne soit pas consciente et se vautre dans le sang des sacrifiés. Ce qui est le cas aujourd’hui ! Même Girard a été floué et ne voit pas que la pierre de faîte soutient toujours aussi bien l’édifice.

Tu veux dire que le sacrificiel est toujours là qui fonctionne n’est-ce pas ?

Ce qu’on pourrait expliquer par sa trajectoire de vie, que je ne connait malheureusement pas très bien.

Non, non, je ne pense pas qu’il y ait une bonne psychologie à faire ici. Girard est un auteur chrétien, et avec ça tout est dit.

Pour résumer, je dirais que certains concepts et interprétations de Girard sont très pertinents mais il ne voit pas que le Sacré y mystifie toujours les foules violentes, il ne constate pas que nous retombons toujours dans un nouvel âge sombre après quelques vagues lueur d’espoir.. Certains anthropogues comme Colette Pétonnet exposent quand à eux un état des lieux plus réaliste que ne le fait René Girard pour la période contemporaine.

Je ne connais pas (encore) Pétonnet mais je me demande s’il n’y a pas un problème ici car Girard est le plus alarmiste des auteurs concernant la période contemporaine. Dans son dernier livre sur Clausewitz il dit noir sur blanc que nous sommes (déjà) dans l’apocalypse. Dans le genre constat réaliste, je trouve que c’est pas mal. Difficile de faire mieux.
Mais cela ne concerne que les faits.
La question c’est de savoir quel modèle explicatif choisir ?
Somme-nous dans un monde où la violence croît parce que :

  1. ’elle n’a plus d’exutoire, le mécanisme sacrificiel ne fonctionnant plus, de sorte que le niveau de violence toujours plus élevé suscite toujours plus de tentatives (ratées) de mise en oeuvre du mécanisme sacrificiel, donc de la violence qui vient s’ajouter à la violence ?
  2. le mécanisme sacrificiel fonctionne toujours très bien, mais de moins en moins dans le registre religieux où la non violence (évangélique) s’installe et le sacrifice de l’autre devient de plus en plus le sacrifice de soi. Se pourrait-il que ce soit dans le seul registre archaïque par excellence, le registre de la guerre, que le sacrificiel tourne de plus en plus vite, de plus en plus fort en faisant de plus en plus de victimes ?

Pour ma part, je penche pour l’explication n°2. Je t’invite à lire ma liste argumentative à partir du point 50 où j’évoque (trop rapidement) cette hypothèse (voir aussi la lettre en v.o.) .

il est difficile d’exposer la réelle violence du système même (et surtout) au moyen de dépictions figurées et fictionnelles.

Merci pour le lien mais j’avoue d’emblée n’être pas très bon pour les métaphores artistiques plus ou moins symbollsées. Je ne suis pas sûr de « voir » ce que tu veux pointer dans ce film.
La séquence de dialogue vers la 53eme minute est intéressante d’un point de vue psycho-scénaristique, en tant que fiction, mais pour le moment, je ne vois pas qu’elle puisse porter la charge de sens de tout ce que nous évoquons.
Je me suis arrêté à la scène où on voit une femme enceinte. Je vais poursuivre, mais je crains le pire...


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