Deux grands empires
ont été démantelés au lendemain de la Première guerre mondiale,
deux systèmes où une minorité règne sur une majorité, l’Autriche
et la Turquie, les allemands de « l’empire de l’Est » sur
essentiellement des slaves et les turcs essentiellement sur des
arabes.
Si les Autrichiens
se sont résignés à cette réduction drastique de leur territoire,
il n’en a pas été de même pour les turcs qui ont la nostalgie de
leur puissance passée.
En 1918, les
dirigeants turcs ont ont cherché les causes de leur défaite. Elle
était d’abord due à celle de leur grand allié, qu’ils croyaient
invincible, à savoir l’Allemagne du kaiser. Mais aussi à
l’archaïsme d’une société musulmane naturellement passéiste,
naturellement indifférente ou hostile aux modernités techniques et
sociales de « l’Occident chrétien ».
D’où l’arrivée au
pouvoir de Kémal pacha qui, pour avoir une armée efficiente, va
adopter plusieurs de ces modernités occidentales (d’autres nations
l’avaient précédés sur cette voie bien avant, la Russie d’abord
sous l’impulsion de la grande Catherine (une allemande de naissance)
et des tsars créant St-Pétersbourg (un nom allemand !) et d’autre
part le Japon de l’Ère Meiji. Plus tard, ce sera au tour de la Perse
de faire sa mutation militaro-technique grâce à l’argent du
pétrole, sous l’impulsion du shah d’Iran. Le mouvement, pourtant
ultra-réactionnaire, impulsé par Khomeiny, ne remettra pas en cause
cette importance des savoirs techniques. Car les imams ont compris
qu’ils sont nécessaires pour que cette puissance chiite résiste à
ses ennemis sunnites en l’absence de puissants alliés occidentaux.
Une des plus
symboliques mesures prises par Kémal sera l’adoption de caractères
latins pour écrire la langue.
Dans les faits, ce
dépoussiérage d’une vieille civilisation a sans doute permis à la
Turquie de conserver la partie occidentale du Bosphore et la perle
turque, Constantinople, volée aux Grecs en 1453 par une victoire
militaire des musulmans contre les chrétiens.
La laïcisation à
marche forcée de la Turquie par Kémal « Attaturk » ("Père
des Turcs") fut remise en cause dès après sa mort par un
clergé s’appuyant, comme tous les clergés, sur les peurs
métaphysiques des classes populaires analphabètes.
Et si, comme en
Tunisie ou en Égypte, les officiers issus des classes « bourgeoises »
et urbaines réussirent à maintenir une apparence de modernité
laïque à la Turquie, la vague de fond religieuse issue en
particulier d’Anatolie l’a rapidement réduite à un vernis.
En 1915, les troupes
turques firent presque jeu égal avec les troupes russes, bien
occupées par ailleurs à combattre les Allemands et les Autrichiens.
En 2015 et malgré le soutien US, l’armée turque n’est qu’un pou en
face du lion russe. Erdogan, au fond, refuse de tout son être cette
réalité qui fait de lui un « sultan » d’opérette.
Mon point de vue
reste que l’attaque de l’avion russe au-dessus de la Syrie était
bien sûr préparée de longue main par l’armée de l’air turque sur
ordre d’Erdogan, mais que les États-uniens s’y seraient opposés
s’ils avaient été informés du plan. En effet, leurs experts
auraient objecté que le prix à payer pour cette victoire sans
gloire (Je suis persuadé que les pilotes de chasse du monde entier,
y compris donc les pilotes US se sont mis à la place de ceux qui
effectuaient leur mission sur le Sukhoi et non de ceux qui les ont
tirés, sans déclaration de guerre, comme des lapins. Cela rappelle
l’attaque « infâme » de Pearl Harbor.) serait
"contre-productive.
Et cet impulsif
imbécile d’Erdogan mesure maintenant toutes les mesures de vengeance
que pourra prendre contre elle la puissante Russie. Mais c’est trop
tard.