Théoriquement, les papes sont les successeurs de saint Pierre,
mais en fait, la primauté de l’évêque de Rome ne remonte pas à 2000 ans. Au troisième
siècle, tous les évêques de l’empire romain d’Orient (devenu plus tard l’empire
bizantin) portaient le titre de « pape » - du grec pappas (devenus popes quand
l’églis d’orient est devenue « orthodoxe) - et aucun d’entre eux n’était
jugé infaillible. Du côté occidental, le titre était réservé au Romanus
pontifex (d’où le mot « pontif »), mais au onzième siècle, Grégoire
VII a décidé que l’évêque de Rome serait le seul à être désigné par ce nom en
le qualifiant de « pontifex maximus », héritant ce titre des
empereurs romains, à l’ombre desquels la religion chrétienne s’est développée
depuis la conversion de Constantin, au quatrième siècle. Il s’est aussi
attribué la nomination des évêques jusque là réservée à l’empereur, ce qui a
donné naissance à la formule de séparation des pouvoirs temporels et spirituels
, qui a été pendant des siècles, la particularité de l’Europe et, pendant huit
siècles, le pape a régné sur les « états pontificaux », une partie des
territoires aujourd’hui italiens et français.
La vertu d’infaillibilité en matière spirituelle a été
octroyée par le concile Vatican I à Pie IX en 1870 (l’année où la maison de Savoie, en train de procéder à
l’unification nationale de l’Italie, a pris possession de la ville de Rome et mis
fin à l’existence des Etats pontificaux. Une sorte de lot de consolation.
En 1929,le Traité du Latran a accordé l’indépendance à la
cité du Vatican qui, du coup, constitue une puissance diplomatique, même si l’état
en question ne comporte que le palais du Vatican, les jardins environnants, la
cathédrale Saint-Jean de Latran et la résidence de Castelgondolfo (en tout 44
haectares, moins que la principauté de Monaco). Cela ne fait pas du pape une
puissance temporelle. « Le pape, combien de divisions ? » demandait Staline.
Oui, mais comme l’a écrit Régis Debray, « L’Europe de
l’Ouest, ce Clochemerle désenchanté, nous voile le réenchantement en cours de
l’Afrique, de l’Amérique et de l’Orient. En dehors du petit cap de l’Asie, le
nombre des catholiques et des protestants ne cesse d’augmenter. »
La boutade de Staline ne doit pas escamoter le réseau et l’influence
du pape : il nomme cardinaux et évêques, promulgue et explicite les
dogmes, peut convoquer les conciles. L’Eglise catholique est extrêmement
centralisée sa structure de pouvoir est quasi-monarchique. Si l’église
catholique a pu subsister pendant deux millénaires, c’est grâce à son
hyper-centralisation. Développer la collégialité et encourager la « démocratie »
serait un sabordage et toute la difficulté du skipper consiste à manœuvrer de
telle sorte que les actes et les discours
aient chacun leur raison d’être, indépendamment l’un de l’autre. Les
populations d’Amérique Latine sont prises dans ce piège, qu’il s’agisse de la
Bolivie, du Brésil ou du Vénézuéla.