@Fifi Brind_acier
Suis un ancien de 68. Pas spécialement fier. Pas vraiment
honteux non plus, car il était impossible de savoir, dans le feu de l’action,
vers quoi tout cela se dirigeait.
J’ai eu un doute quand un ami tchécoslovaque, réfugié en France
en 68, m’a déclaré que Pompidou serait le rêve pour ses concitoyens et
lui-même.
Votre analyse version « révolution colorée » ne me
convainc pas. Elle me rappelle cependant
un souvenir : j’accompagnais un étudiant dans sa 4L sur le trajet « de la fac à l’AG », et nous avons été arrêtés.
Conduits au commissariat puis dans les locaux des RG. Les tracts que nous transportions
portaient sur la fabrication de cocktails molotov. Le flic en civil qui nous a
gardés la nuit s’ennuyait ferme. Nous avons donc engagé un débat sur mai 68. Sa
thèse était proche de la vôtre : complot des banques pour chasser De
Gaulle. Il précisait des « banques
juives ». Mon copain, conducteur de la 4L, était d’origine juive
autrichienne. Il a apprécié. Nous avons été libérés le lendemain matin, suite à
des coups de fil faisant savoir aux flics que nous étions de futurs ingénieurs,
donc des petits bourgeois à ménager.
Pourquoi je n’adhère pas à la thèse « révolution
colorée » ? Parce qu’il s’agissait d’un mouvement mondial, profond, d’une
cassure, du passage d’une époque à une autre (un changement de paradigme, comme
disent les sachants). Un tel phénomène ne pouvait, à mon avis, être piloté par une quelconque officine,
serait-ce la CIA ou un quelconque Soros de l’époque. Que cela ait été une
opportunité que les Anglosax ont saisie (avec l’aide de Giscard) pour virer De
Gaulle, sans aucun doute.
Là où vous avez raison, c’est sur le sens finalement pris
par mai 68 : une victoire des marchands. C’est aujourd’hui le sens des « révolutions colorées ».
Au « tout est permis » de mai 68 a succédé le « tout est
possible » d’aujourd’hui. La suite logique est anticipée : en route
vers le transhumanisme, vers la satisfaction de tous les désirs humains, pourvu
que leur satisfaction produise du PIB, des dividendes et des bénéfices, sans se soucier des
dégâts collatéraux (dont éventuellement la disparition de l’espèce humaine). On
retrouve d’ailleurs les mêmes acteurs en 68 et aujourd’hui : l’extrême
gauche, les antifas, comme allumette d’un phénomène qu’ils ne contrôlent ni ne
comprennent.
Nous sommes tous, à un moment ou à un autre, des « idiots
utiles ».