Situation critique pour les chercheurs post-doctorants
Les jeunes chercheurs aujourd’hui sont confrontés à l’avarice de l’Etat qui opte pour un double langage... celui d’une excellence à atteindre et d’une réduction de salaires des cerveaux qui font la recherche d’un pays. A l’heure où le président de la République parle de rayonnement de la France, il semble qu’on fasse des coupes franches dans le quotidien de l’avenir de la société de la connaissance française. La fronde gronde au sein des post-doctorants français...
Un jeune chercheur aujourd’hui, c’est tout simplement un homme ou une femme de 23 à 40 ans qui veut donner tout son savoir-faire et son savoir-penser à une cause qui peut s’orienter sur l’infiniment grand (astrophysique, physique des océans, géologie), l’infiniment petit (ARN interférence, génétique de la drosophile, physique des plasmas) voire l’infiniment humain (sciences humaines et sociales)... Face à des thématiques très pointues, les jeunes chercheurs oeuvrent avec enthousiasme et sérieux. Ils font face à leur projet jusqu’à soixante-dix heures par semaines. Ils oublient souvent leurs proches, leur famille pour se donner corps et âme à leur projet. Certains s’obligent à venir le week-end pour éviter les interruptions d’expériences qui leur feraient perdre du temps... En effet, les bactéries ou les mouches ne connaissent pas le week-end et poussent les jeunes chercheurs à rester fidèles au poste.
Outre cette condition de forçats du vivant, les jeunes chercheurs sont souvent désargentés. Certains font leurs recherches sans financement ou dans l’espoir de promesses de directeurs peu scrupuleux et manipulateurs, mais une majorité reçoivent des bourses publiques ou privées. Aujourd’hui, par exemple, certains pensaient recevoir une augmentation de 8% de leur salaire sachant que l’Etat aurait stipulé cela. Mais ils semblent attendre la signature des décrets d’application qui doivent s’empiler dans quelques bureaux poussiéreux d’un ministère peu à l’écoute de la société...
Lorsque la thèse est passée, plusieurs options se présentent en fonction de la chance ou du hasard ou des affinités de caractères. Ainsi, certains seront au chômage avec ou sans indemnités pendant des mois. D’autres iront chercher leur salut à l’étranger... pour ne pas revenir la plupart du temps... ils sont oubliés de leurs encadrants français au fil du temps... Ils sont alors en plein Missouri, au fond du Michigan et fondent leur vie avec les tracas de l’exil économique et humain qu’ils subissent. Ils sont en effet loin de leurs parents et perdent famille et amis restés dans la vieille Europe... Ils sont alors reclus dans leur projet et ne voient plus leur vie qu’au travers d’une loupe ou plutôt d’un microscope... Une minorité de jeunes chercheurs trentenaires reviennent parfois des USA bardés de publications et sont accueillis avec froideur... Là commence le déclassement social. J’ai pour mémoire un couple de chercheurs qui avait vécu un retour hexagonal chez père et mère, avec une perfusion de RMI...
Néanmoins les associations comme la Ligue contre le cancer, l’ARC et le Téléthon arrivaient à donner de l’espoir à ces jeunes... Il existait des salaires spéciaux appelés libéralités, c’est-à-dire un dispositif qui pouvait laisser espérer une liberté financière mais qui était synonyme de misère sociale... En effet un jeune chercheur travaille dur mais ne cotise pas à la retraite, voire au chômage dans le cadre de ces " libéralités "... pour ne pas citer certains qui vivent sur des mi-temps fictifs alors qu’ils travaillent à plein temps... Récemment, l’ARC a annoncé la fin des libéralités et s’est engagé à cotiser pour la retraire de ses jeunes chercheurs. La Ligue aussi s’est calée sur ce principe de considérer le jeune chercheur comme un travailleur. Le 20 octobre 2006, Jean Marc Monteil et Gilles Block, respectivement directeur général de l’enseignement supérieur et directeur général de la recherche et de l’innovation, ont envoyé une circulaire aux présidents d’université stipulant la " fin des libéralités " rappelant que la Charte européenne du chercheur (2005) recommande que les chercheurs bénéficient d’une " couverture adéquate en matière de Sécurité sociale ". La même lettre rappelle que bon nombre de doctorants et post-doctorants ne sont pas en situation d’avoir une " couverture sociale correcte " et perçoivent seulement " une rémunération d’associations à but non lucratif "... Le signal fort était voulu pour mettre fin à la situation de " chercheur sans droits "...
Mais, il n’y a pas plus d’une semaine, un cri d’alerte est venu casser l’optimisme jovial qui régnait à la suite de cette volonté gouvernementale. Un jeune post-doctorant témoignait que son allocation de 1500 euros par mois avait brutalement été amputée... 1200 euros par mois pour un chercheur avec un doctorat (huit ans d’études)... l’auteur involontaire du forfait, la Ligue... qui semble-t-il avait trouvé logique de payer les cotisations du chercheur sur le salaire même de ce dernier... Voilà, ainsi la situation... On transforme les jeunes chercheurs en précaires ou plutôt en " milleuristes "... L’expression a du sens car elle représente ces gens qui s’acharnent à survivre avec seulement 1000 à 1200 euros par mois... En Italie, un journaliste de la Républica avec qui j’avais eu une discussion les appelait " précari ", en Espagne ce sont les " precarios "... Et maintenant la France a franchi le pas aussi. C’est aussi l’Europe de la recherche...
Le risque aujourd’hui est de voir un patron dans une boîte lambda dire à son employé que son salaire doit baisser... Que vaudra le salaire d’un BTS si un jeune docteur est payé 1200 euros... L’autre drame qui se profile est le logement de ces puits de science... Comment brutalement passer de 1500 euros à un sous-salaire sans changer d’appartement... Quel est le prix enfin d’une vocation alors que pour un docteur on peut trouver des salaires de 3000 euros à 4000 euros dans le privé voire plus aux USA... La question de la fuite des cerveaux est donc posée...
Mais alors, la France veut-elle tuer sa recherche ? Je ne pense pas. Mais il faut que rapidement l’Etat propose de financer les charges sociales des jeunes chercheurs pour qu’on n’ajoute pas à la précarité une nouvelle dose d’injustice sociale. Par ailleurs, je rêverais d’une taxe Tobin sur les produits de santé d’environ un centime d’euro prélevé sur chaque boîte de médicament vendue pour payer le mieux-vivre de la recherche... Pour finir sur une note joyeuse, sur la question des conditions dans lesquelles les libéralités sont supprimées, un texte et une pétition ont été rédigés par des chercheurs post-doctorants du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy et de l’Institut de biologie du développement de Marseille-Luminy.
http://www.lapetition.com/sign1.cfm?numero=1193
Selon, des membres éminent de Sauvons la recherche : "La suppression indispensable des libéralités doit s’accompagner d’un plan d’urgence pour les financements en cours. Pour les contrats à venir, si le gouvernement refuse une exonération des charges, cela aboutira inéluctablement à réduire les possibilités de post-doctorat en France. Le financement de ces post-docs est indispensable pour assurer la transition aussi courte que possible- entre la thèse et un emploi privé ou public stable. "
Voilà donc, aujourd’hui, un moment clef de la vie de plusieurs centaines de jeunes chercheurs qui pourraient mieux travailler dans de meilleures conditions que cette insécurité sociale qui plane sans cesse sur eux.
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