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Accueil du site > Actualités > Société > Le modèle français

Le modèle français

Les Français aiment à se poser en originaux. Marqués par le théâtre, élevés durant des siècles dans des mœurs politiques de Cour, auteurs lorsqu’ils étaient démographiquement la première puissance européenne d’une Grande Révolution suivie d’un Empire conquérant et fondateur, accoucheurs pénibles et presque par hasard d’une République (1 seule voix adopta l’amendement Wallon), les Français sont fiers de leur « modèle », malgré la boucherie de 1914, l’étrange défaite de 1940, la dictature paternaliste-rurale de Vichy, les affres d’une décolonisation dont les braises ne sont pas éteintes deux générations après, le coup de force légal de 1958, la révolte de la jeunesse 1968, la mythologie 1981 du « changer la vie », l’école et l’ascenseur social en panne, l’immigration « humanitaire » non gérée et les révoltes des banlieues, la justice restée monarchique jusqu’au scandale d’Outreau, une presse aux ordres de l’émotion et de l’audience, une droite immobiliste et une gauche qui ne sait plus quoi dire...

Un « modèle » peut se voir ainsi comme un « exemple ». Compte tenu du contexte, le modèle français peut apparaître comme archaïque, figé et prétentieux. D’autres pays, plus pragmatiques et moins trompetants réussissent mieux que nous (l’Espagne, l’Irlande, les pays scandinaves pour ne prendre que les plus proches). Un modèle peut se voir aussi comme une « exception ». Historiquement, cela est juste, et nous avons examiné la question dans une note précédente. Mais chaque nation est une exception en elle-même si elle a une quelconque identité, le « modèle » n’est alors que sa façon de s’adapter à la complexité du monde et aux changements de l’histoire. Reste alors le troisième sens du mot : le schéma explicatif. Il s’agit de simplifier une réalité historique et sociale complexe pour fournir une image d’être et de faire, permettant l’action nécessaire pour le futur.

France_industry_1972 Le modèle français apparaît comme une dialectique constante entre l’Etat (tenant de la « volonté générale ») et la société (détruite en individus atomisés). Durant les années de crise, l’Etat autoritaire et centralisé dirige l’économique et le social à la baguette (les deux Empires, l’après-défaite de 1870, la période 1914-1918, Vichy, la reconstruction 1945-1965, l’après second choc pétrolier 1979 avec la gauche). Lorsque tout va mieux, la société conteste et se libère, les «  partenaires sociaux » relèvent la tête et reprennent l’initiative (le combat pour la liberté de la presse et contre l’alliance du trône et de l’autel après le Premier Empire, le libre-échange durant le Second Empire flageolant, la Belle époque début de siècle, les Années folles avant la crise économique et la montée des fascismes, 1968 (libération)-1984 (début des années sida, vache folle et la suite).

Le « dernier modèle » qui engendre tant de nostalgie chez nos commentateurs date de 1945. La société s’est refondée par un nouveau pacte après la faillite politique de la IIIe République, la pusillanimité égoïste des élites collaborationnistes, le trop faible investissement des entreprises dopées au protectionnisme d’avant-guerre, le conservatisme de mœurs et d’épargne d’une société très paysanne et dispersée, vrai « sac de pommes de terre » comme aimait à la décrire Marx (36% des actifs sont agriculteurs en 1945). La génération au pouvoir grâce à la Résistance, adolescente durant la saignée1914-1918, a connu le déclin d’une France éparpillée en féodalités, en corporatismes et en provinces, puis l’humiliation de la défaite et de l’occupation. Les élites issues des grands corps techniques (Polytechnique, Mines, etc.) et de la nouvelle ENA, créée en 1946, se sont senties mobilisées comme instituteurs du redressement d’un pays démoralisé et ruiné, sur le modèle du New Deal américain et du Plan soviétique. Le pouvoir politique, affaibli par le parlementarisme de la Constitution de 1946, laisse agir les technocrates, parce qu’eux restent en poste si les ministères valsent. S’organise une économie concertée, où un secteur nationalisé, mené par une caste issue des grandes écoles, agit comme «  vitrine sociale » et « modèle de productivité » sur un privé délégitimé et sans moyens ni volonté. En charge de l’essentiel (« l’intendance suivra »), l’Etat se veut responsable de la croissance en stimulant la consommation, la recherche, l’investissement et l’exportation. Son rôle moteur durant les Trente Glorieuses est indiscutable, la croissance annuelle du PIB a été en moyenne de 5,4% entre 1958 et 1973. La France s’est modernisée, ouverte aux idées, aux capitaux et aux innovations de l’extérieur, importations et exportations représentaient 10% du PIB en 1960, 15% en 1973, autour de 25% aujourd’hui. Qu’est-ce qui a changé ? Tout, ou presque : les hommes, l’économie, le monde. Ena_timbre

1968, une nouvelle génération arrive à l’âge d’homme et secoue les tutelles rigides de la génération précédente, austère, disciplinée et contente d’elle-même. L’« esprit de Mai » marque l’essor de l’individu contre le collectivisme technocratique et idéologique. C’est la fin du baby-boom, les femmes se veulent maîtresses de leur corps et veulent travailler comme les hommes. Elevée dans la société de consommation, la génération 68 n’a pas cet esprit de revanche qui a incité aux efforts productivistes ; au contraire, la « qualité de la vie » prime.

1973, l’économie s’impose brutalement aux politiques, avec le choc pétrolier, et plus encore en 1979. La facture énergétique française passe de 13 milliards de francs en 1973 à 184 milliards en 1984. Pour conserver le niveau de vie atteint, il faut exporter, donc mieux s’insérer dans l’économie mondiale, s’appuyer sur l’Europe en construction pour négocier avec les Etats-Unis, la Russie et les nouveaux blocs en émergence (Japon, Asie du Sud-Est, en attendant Chine, Inde, Amérique du sud, Nigéria), recentrer son industrie sur des créneaux de savoir-faire (agro-alimentaire, tourisme, nucléaire, aéronautique, génie civil). Le monde change, l’époque n’est plus aux Etats contrôlant tout aux frontières. Migrations, traités internationaux, construction de l’Europe, internationalisation des entreprises obligent à penser global lorsqu’on agit local.

France_gene_lumineuse

1983, la tentative de retour au modèle jacobin par la gauche tourne court, la croissance s’effondre, trois dévaluations rythment les deux premières années de lyrisme. La France a le choix : s’isoler, ou se discipliner. François Mitterrand consulte, écoute, réfléchit. Il décide de suivre la voie Delors/Attali de la rigueur, contre la voie Bérégovoy/Chevènement de la sortie du SME et des dévaluations, hier «  compétitives », aujourd’hui handicapantes alors que l’on doit acheter le pétrole en dollars et attirer les capitaux dans l’investissement. Fin du « modèle » étatiste né en 1945, la pression des hommes, des techniques et des choses l’oblige à se transformer. Non sans soubresauts corporatistes et égoïstes, des agents de l’Etat à statut aux agriculteurs subventionnés, aux producteurs de cinéma protégés, aux médecins financés, aux associations nombreuses qui vivent de la manne étatique, aux retraités qui voudraient bien conserver leur niveau de vie. Mais les aspirations individualistes de la société, les exigences économiques de l’énergie et de la démographie, l’irruption du tiers-monde dans la compétition mondiale, obligent à s’adapter.

« Transformer » le modèle ne veut pas dire le mettre à bas et le remplacer par un autre, « anglosaxon » ou « allemand ». Transformer, c’est prendre une autre forme, évoluer, agir autrement, comme un organisme vivant. C’est secouer ce conservatisme foncier qui est la maladie des Français, heureux en castes, en statuts et en privilèges. 1968, changement de génération ; 1973, changement de paradigme économique ; 1983, choix de rester intégré dans l’Europe, donc dans le monde. Il n’y a pas de « fatalité » ni de « pensée unique », mais le vaste mouvement d’une génération nouvelle confrontée à des chocs inédits et à l’irruption dans l’histoire d’un monde qui se taisait.


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21 réactions à cet article    


  • Richard Taft (---.---.130.11) 2 mars 2006 19:47

    Un article tres bien fait.


    • Thomas (---.---.120.75) 2 mars 2006 23:19

      Un article très bien fait... et très bien renseigné bravo !


      • Christophe (---.---.235.218) 2 mars 2006 23:47

        Félicitations pour cet article très percutant, illustré par des faits et des épisodes historiques précis, et qui dit l’essentiel en une page des maux de notre beau pays. Ecrivez nous plus souvent ! :)


        • QUIBERON (---.---.168.179) 3 mars 2006 09:41

          Article pertinent pou les non-informés ! J’ajoute qu’il serait souhaitable que ce type d’article cite.....quelques sources cela serait « mieux » et permettrait à ceux qui veulent creuser sérieusement puissent le faire.


          • argoul (---.---.18.97) 3 mars 2006 09:52

            Vous avez des exigences « universitaires » qui dépassent le format et l’ambition d’un article en forme d’essai. il vous suffit de taper « modèle français » (avec guillemets) dans Google (par ex.) pour trouver tout ce dont vous avez besoin, notamment un Dossier du journal Le Monde sur le sujet, un Que sais-je ? fort bien documenté et divers points de vue. Vous pouvez aussi aller directement sur mon blog http://argoul.blog.lemonde.fr où, dans la catégorie « France » sur l’échelle à gauche, vous trouverez diverses réflexions sur le sujet. Il vous reste également le site de la Documentation Française qui est une mine pour tout étudiant, chercheur ou citoyen. Mais la lecture des ouvrages d’histoire récente, par ex. dans la collection Points Histoire en poche, vous fournira tous les faits et analyses nécessaires à alimenter toute réflexion que vous voudrez bien entreprendre. Sans oublier les mémoires des hommes politiques comme le « Verbatim » de Jacques Attali et autres. Penser par soi-même, ce n’est pas citer à tout va mais élaborer une réflexion à partir de faits. Sur l’histoire réente, la mise à disposition des faits bruts, ce n’est pas ce qui manque ! Un peu d’initiative personnelle, Cher Monsieur, n’attendez pas tout de l’Etat ou des autorités, fussent-elles chercheuses. C’est ça aussi le « modèle » transformé.


          • (---.---.15.115) 3 mars 2006 10:51

            Merci pour cet article intéressant. Néanmoins je voudrais vous faire part de mon avis sur l’évolution historique du modèle français et son problème actuel.

            Il existe fondamentalement en France 3 forces antagonistes :
            - Le « réactionisme »
            - Le conservatisme
            - Le progressisme

            Le réactionisme, c’est la Restauration de 1815, et les tentatives monarchistes de 1848 et des années 1870-80. C’est bien sur le gouvernement de Vichy. Mais c’est aussi la répression de la Commune, et celle (sans comparaison) de mai 68. Les réactionnaires ont quelques idées obsessives :
            -  Les acquis républicains sont dangereux. (C’était mieux avant)
            -  L’Ordre doit primer par-dessus tout. (Le progressisme c’est le chaos)
            -  Il faut Copier les autres pays qui ne sont pas pervertis par la République. (Ex Vichy copiant l’Allemagne Nazi)
            -  Il y a forcement un coupable au problème de la France (Républicain, Juif, Gauchiste, Racaille)

            Les réactionnaires sont plus souvent de droite, bien qu’une certaine frange populistes de la gauche puisse souvent les rejoindre un certain temps.

            Le progressisme, c’est l’esprit de la révolution, celui de 1830, de 1848, de la Commune, de Jaurès en 1914, du front Populaire en 1936, du gouvernent provisoire de 1944-1945, de mai 68, de l’arrivée de la Gauche en 1981. Les progressistes parlent souvent du sens de l’histoire et du progrès perpétuel. Ce sont des idéalistes, utopistes et éternels insatisfaits. C’est la Gauche lorsqu’elle a été privée du pouvoir pendant longtemps (1936 et 1981). Mais c’est aussi une partie de la Droite qui réagit à un régime violent et sanguinaire (1944-1945). Mais le progressisme peut lui aussi prendre des formes sanglantes : Terreur de 1793, et dérive de la Commune de Paris en sont les principaux exemple en France.

            Maintenant abordons le problème des conservateurs. Etre conservateur c’est principalement être satisfait de la société dans laquelle on vit, ou du moins ne pas vouloir tenter le diable en modifiant l’équilibre atteint. Sont conservateurs les nanti, le notables. Ils peuvent être de gauche comme de droite, peut importe. Le conservateur est protectionniste car il ne veut pas perdre ses acquis (ou privilège). Les deux empires ont été des exemples de conservatisme, la monarchie de juillet aussi. La 3éme République a souvent aussi été dans ce camps là.

            Quel est le problème politique actuel de la France ?

            L’absence d’un progressisme crédible. La droite est dominée maintenant par les réactionnaires : Sarkozy, de Villier , le Pen. Les conservateurs y sont de plus en plus rares : même de Villepin propose de plus en plus des solutions réactionnaires. La gauche est partagée entre conservatisme doux principalement au PS, et progressisme populiste teinté par moment de touches réactionnaires (comme le vote contre la constitution Européenne le montre) dans la partis d’extrême gauche. On peut rajouter l’idéalisme souvent béat et niais des Verts.

            Voici en conclusion les trois choix proposés aux français : Vichy, la monarchie de Juillet ou la Terreur !


            • argoul (---.---.18.97) 3 mars 2006 13:49

              En « amalgamant » M. Sarkozy à Vichy, vous ne faites pas honneur à votre réflexion, quoi qu’on pense de ses propositions politiques. Vous prenez sans doute une seule dimension, l’immigration et les banlieues pour dire ça. N. Sarkozy a aussi une vision moins « volonté générale » et plus initiative individuelle qui peut en effet faire penser à la Révolution Nationale anti-jacobine de Vichy. Mais il prend ses sources plus chez les anglosaxons que dans l’Ancien Régime monarchiste et catholique de Vichy... Et où sont les nazis occupants ? Attention à ne pas confondre tout.

              Pour le reste, vous avez raison entre conservateurs et progressistes, sachant quand même que les syndicats de la Fonction publique crispés sur les privilèges des retraites, ou les médecins crispés sur leur petit euro de plus, sont probablement plus « conservateurs » (au sens de garder jalousement ses Zacquis) que le PDG de Danone ou le patron cosmopolite de Renault... De plus, cette distinction entre « je suis content » et « je voudrais que ça change » se trouve dans absolument tous les pays. Si la France politique se résumait à ces deux partis, comme en Angleterre, aux Etats-Unis, au Japon et dans les principaux pays parlementaires, nous y verrions sans doute plus clair.

              Malheureusement, il n’en est rien. Il y a une droite « révolutionnaire » qui veut changer les choses ; peut-être M. Sarkozy y appartient-il (je ne sais pas trop). En revanche, il y a belle lurette que M. Le Pen n’y appartient plus, question d’âge peut-être. Tout comme il y a une gauche « conservatrice » à laquelle le PC et une partie des Verts aspire. Quand José Bové entonne un hymne à la terre, on peut penser au « la terre ne ment pas » de Pétain... Je ne dis pas que José Bové partage TOUT avec Philippe Pétain. Mais je veux vous montrer que rien n’est simple, que comparaison n’est pas raison, que l’histoire ne cesse de se faire. Des thèmes de gauche (le plébiscite qui donnait la parole au peuple) est passé de la gauche à la droite ; le « patriotisme » de la droite 1914 à la gauche 1945 avant de revenir à droite sur les entreprises tout récemment ; l’écologie était un mouvement fondamentalement conservateur, l’âge d’or de la nature inviolée loin des villes, il est passé à gauche avec le libertarisme post-68 et le Larzac avant de revenir « conservateur » (faut-il dire « à droite » ?) avec le catastrophisme sur l’énergie et le « retour à la terre » des souverainistes. Pas simple, vous dis-je.

              En revanche, il semble bien y avoir deux projets politiques en France : 1/ faire l’Union européenne, donc se couler dans la globalisation et déserrer les contraintes économiques pour libérer les initiatives ; 2/ se replier frileusement sur un modèle idéalisé, déja dépassé parce que la démographie et le prix du pétrole ne sont plus ceux des années 50 et 60. Lequel est « de droite », lequel « de gauche » ? Je crains qu’autant dans la nébuleuse de la droite que dans l’arc en ciel de la gauche, il y ait les deux tendances. Il n’y a que M. Bayrou qui se veuille au milieu, conservateur révolutionnaire ou progressiste sans risque, difficile de savoir.


            • Antoine (---.---.31.20) 3 mars 2006 21:53

              « penser global lorsqu’on agit local »

              C’est le contraire qu’il faut faire :

              « agir global et penser local » ?

              Cette phrase on la lit très souvent, et souvent ds des bouquins de management lié au changement et a l’innovation.

              Je dois dire que l’on ne sait plus très bien dans quel sens il faut l’énoncer ?


              • argoul (---.---.18.97) 6 mars 2006 22:18

                « Agir global et penser local », ne serait-ce pas le mal français ? Avec nos petits préjugés hexagonaux, « nous » pensons agir pour le Bien du Monde entier, s’offrir en Exemple ! Un cure de l’envers nous ferait peut-être le plus grand bien... De même qu’à la planète. Car cela signifierait agir sur ce qui est à notre portée, tout en ayant considération pour ce qui arrive à la terre tout entière : l’énergie, le climat, la population, les maladies... Non ?


              • François Fonlac 2 décembre 2007 00:40

                « Agir global et penser local », ne serait-ce pas le mal français ? Avec nos petits préjugés hexagonaux, « nous » pensons agir pour le Bien du Monde entier, s’offrir en Exemple ! Un cure de l’envers nous ferait peut-être le plus grand bien... De même qu’à la planète. Car cela signifierait agir sur ce qui est à notre portée, tout en ayant considération pour ce qui arrive à la terre tout entière : l’énergie, le climat, la population, les maladies... Non ?

                Souvenez vous de ce monsieur des Antipodes du film Ridicule qui préféra rentrer chez lui s’occuper des malheureux de son marais plutôt que de compter sur les intrigues de Cour jacobines pour recevoir l’argent nécessaire à son asséchement. N’est ce pas la bonne attitude, agir à son petit niveau sans attendre tout, hier de Versailles puis Paris et maintenant de Bruxelles. Quant à nos petits préjugés hexagonaux nous les avons refilés en gigantesque à notre grand frère américain. Ici on pense, on agit, on se comporte en paroquial, en paroissien et on veut à partir de ce tout petit périmètre avec une violence terrible agir pour le bien de l’ensemble de la Planète


              • Argoul Argoul 2 décembre 2007 12:23

                Donc agir LOCAL et penser GLOBAL, comme j’avais dit initialement. Vous avez raison, le film « Ridicule » est un concentré de tous les maux français. Un exellent film pour qui tente de comprendre nos contemporains.


              • Antoine (---.---.31.20) 3 mars 2006 23:35

                Modèle français ?

                La France est parfois pour son propre malheur et aussi pour son bonheur (salvateur) trop franco-française.

                Je suis belge et donc un francophone du nord, là ou se matine l’esprit germain et latin.

                Nous citons nous souvent le modèle hollandais comme étant une belle réussite, je dirais « citions », car depuis se modèle tant apprécié par les commentateurs avertis a aussi pris du plomb dans l’aile.

                Ceci pour dire que s’il y a crise de modèle, il n’est pas que français et je me demande si, tout en interrogeant des allemands, on en arriverait pas aussi à une critique du modèle allemand.

                Bref, j’ai comme l’impression que le malaise n’est pas unique et qu’il est de l’air du temps. Et donc pour moi, il me parait intéressant de s’interroger sur la période que nous vivons comme un changement actuellement sans réponses.

                Un changement qui n’apporte pas encore de réponses, bref un manque de visibilité total.

                No man’s land, hard time to see the future coming because nobody knows where is the montain to climb up.


                • Christophe (---.---.58.18) 5 mars 2006 17:59

                  Un changement qui n’apporte pas encore de réponses, bref un manque de visibilité total.

                  Je pense, mais ce n’est qu’un avis, qu’il ne peut y avoir de réponse dans une projection dans l’avenir. Nous sommes plutôt à la croisée d’un chemin entre ce que les philosophes anthropologiques appel l’homme-perspectif et l’homme-présent.

                  Pour simplifier, citons Zaki Laïda dans son ouvrage le Sacre du Présent : L’homme fait aujourd’hui l’expérience d’une nouvelle condition temporelle : celle de l’homme-présent. Un homme qui aurait décidé d’immoler l’avenir au bénéfice du seul présent.

                  Ce présent est sans cesse reconduit, un présent éternel qui se suffit à lui-même. Alors que la culture française (voir européenne) nous conduit à l’homme perspectif, avec l’idée de la perspective qui se marie à celle de l’histoire dans une continuité temporelle. Le présent est vu comme un pivot entre l’histoire et l’avenir.


                • argoul (---.---.18.97) 6 mars 2006 21:44

                  Je crains que la phrase « Le présent est vu comme un pivot entre l’histoire et l’avenir » ne vous ait échappée... En effet, comment enfoncer une porte plus grande ouverte ? C’est sûr que l’avenir est écrit nulle part. Et que le passé est bel et bien le passé. Nous voilà donc au présent. Bon, et maintenant ? On fait QUOI ? Ce que je tente de montrer dans cet article c’est qu’un « modèle » comme « exemplaire » existait. Il était dû à la génération de la guerre. Ce modèle n’est plus exemplaire parce que la génération suivante n’a plus les mêmes valeurs, que le monde est plus interconnecté et que les vieilles lunes romantiques ne font pas rêver les chômeurs ni les exclus ni les faciès ni les trop vieux ni... Ca commence à faire du monde ! Donc exit le modèle comme exemplarité. Il nous faut en trouver un autre. C’est là où les hommes politiques responsables montrent le chemin : notamment les impasses (F. Mitterrand à gauche ; on pourrait peut-être citer N. Sarkozy à droite). QUI faut-il choisir, sur quel PROJET l’an prochain ? Inutiles d’être « exemplaires », à mon avis, contentons-nous de faire - comme les autres pays - du mieux possible pour résoudre nos problèmes concrets et immédiats, au lieu de toujours vouloir révolutionner l’univers au nom des GRRRAnds Prrrrinccippps ! C’est ce que je dénonce.


                • Christophe (---.---.58.18) 7 mars 2006 10:30

                  Je crains que la phrase « Le présent est vu comme un pivot entre l’histoire et l’avenir » ne vous ait échappée... En effet, comment enfoncer une porte plus grande ouverte ?

                  Dans le cadre perspectif, vous pouvez l’identifier comme l’enfoncement d’une porte grande ouverte. Mais il est préférable d’enfoncer une porte ouverte que de ne pas la franchir. Car l’homme-présent ne souhaite plus franchir les portes.

                  C’est sûr que l’avenir est écrit nulle part. Et que le passé est bel et bien le passé. Nous voilà donc au présent. Bon, et maintenant ? On fait QUOI ?

                  Que nenni ! pour l’homme-présent, l’avenir est un aujourd’hui éternel ; il n’est plus nécessaire de l’écrire ; ni même d’oser le penser.

                  Ce que je tente de montrer dans cet article c’est qu’un « modèle » comme « exemplaire » existait. Il était dû à la génération de la guerre. Ce modèle n’est plus exemplaire parce que la génération suivante n’a plus les mêmes valeurs, que le monde est plus interconnecté et que les vieilles lunes romantiques ne font pas rêver les chômeurs ni les exclus ni les faciès ni les trop vieux ni...

                  La notion de modèle est une nécessité matérialiste. Il n’existe pas vraiment de modèle ; au mieux un mode de vie. Il est par contre exact que le choix français ne fait pas rêver les exclus qui ne sont pas la résultante de ce que vous nommez le modèle français mais l’interaction entre le mode de vie et les contraintes mondiale présentes. Or, ce sont ces contraintes qui ne font plus rêver qui pourtant prône ce présent immuable.

                  Ca commence à faire du monde ! Donc exit le modèle comme exemplarité. Il nous faut en trouver un autre.

                  Si un modèle ne peut être une exemplarité, pourquoi en chercher un autre ?

                  QUI faut-il choisir, sur quel PROJET l’an prochain ? Inutiles d’être « exemplaires », à mon avis, contentons-nous de faire - comme les autres pays - du mieux possible pour résoudre nos problèmes concrets et immédiats, au lieu de toujours vouloir révolutionner l’univers au nom des GRRRAnds Prrrrinccippps ! C’est ce que je dénonce.

                  Les Grands Principes, qui semblent péjoratifs à vos yeux, sont justement ceux qui permettent d’entrevoir un avenir. Le fatalisme que vous semblez prôner met en exergue que l’homme ne construit plus son avenir mais il le subit.

                  La problématique est bien celle que j’entrevoie ; vous demandez comme avenir l’adaption au présent sans autre perspective. Cela est tout à fait respectable ; même si nous ne serons pas d’accord sur ce point car vous négligez un point essentiel : notre responsabilité envers les générations futures. Ce que vous appelez des Grands Principes ne sont que des perspectives non matérialistes ; des objectifs à vocation humaine ; et il me semble, mais peut-être suis-je dans l’erreur, que l’Homme est au centre des Sociétés et donc du monde. Partir du postulat qu’une technique, une science ou tout autre objet artificiel devient l’épicentre de l’évolution des sociétés, donc de l’humanité, est à mon sens une hérésie.

                  Certes, je vois votre propos : quelle utopie ! Cela ne préjuge aucunement que des adaptions matérialistes doivent prendre forme tant que le monde n’est régit que par cette vision que vous semblez défendre. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l’évolution reste un facteur humain ; et poser le postulat que nous sommes à l’aboutissement de notre évolution me semble présomptueux !


                • argoul (---.---.18.97) 7 mars 2006 12:30

                  Vous faites une réponse détaillée mais qui se place d’un point de vue de Sirius, certes fort philosophique, mais peu en prise avec ce qui se passe vraiment. Je ne suis pas immobiliste, contrairement à ce que vous suggérez ; je parle de « faire ». On ne fait qu’au présent, ça c’est sûr ! Mais toujours avec une idée pour avenir et un schéma pour le passé. Les sens du mot « modèle » sont multiples et j’ai pris la précaution de les distinguer dans l’article ; ne faites pas comme si rien n’avait été déjà écrit. Que l’homme soit le centre de toute chose humaine, je ne sais pas qui saurait ne pas le croire, les dinosaures, peut-être ? Mais « l’homme » a aussi plusieurs sens : l’individu grec, doué de raison autonome - et le collectif biologique où l’individu doit se fondre. La Révolution française a mixé les deux de façon hasardeuse et fort artificielle en décrétant que la Nation est tout, douée de volonté et s’imposant à chacun, mais qu’elle n’est que l’agrégation de ceux qui veulent s’y associer (le sol, pas le sang). Donc « l’homme », c’est quoi ? L’égalitarisme collectiviste de la volonté générale ou du peuple fasciste ou du peuple incarné dans sa classe historiquement élue ? Ou la liberté des individus dont l’exercice permet l’initiative et la fraternité ? C’est que ces distinctions ne sont pas innocentes, elles ont des conséquences politiques concrètes.


                • Christophe (---.---.58.18) 7 mars 2006 14:27

                  Ma première réponse était simplement une approche de la réflexion d’Antoine : « Un changement qui n’apporte pas encore de réponses, bref un manque de visibilité total. » qui m’a semblé fort pertinente dans le sens où les changements qui s’imposent ont un but pour lequel l’adhésion ne peut être totale que si l’intention, le but à atteindre est clairement défini.

                  Vous jugez la réponse éloignée de ce que vous considérez être la réalité. D’un point de vue matérialiste, nous sommes d’accord sur la situation actuelle, mais ma réponse ne se pose aucunement sur ces bases ; elle tente d’entrevoir l’intention qui anime le monde car au moment de bifurquer il serait hasardeux de prendre un mauvais chemin (malgré certaines incertitudes, mais elles sont le lot de l’intention). Afin d’éviter de faire erreur, il serait souhaitable de connaître la finalité, l’objectif.

                  Par ailleurs, je ne vous considère pas comme immobiliste, au contraire. Je ne me permettrai pas plus de vous classifier dans une catégorie d’homme. J’admets votre approche comme une démarche dans la recherche d’un chemin permettant de trouver des solutions concrètes aux problématiques actuelles. La seule « motivation » manquante pourrait en être l’intention, le but. L’Homme a, de tout temps, tenté de s’adapter à son environnement. Dans cette évolution, nous avons créé des outils pour pouvoir mieux appréhender le monde. Aujourd’hui, ne nous demande-t-on pas de nous adapter à nos outils ? Ne devrions-nous pas créer des outils mieux adaptés ?

                  Pour le « modèle » il faut reconnaître que vous l’utilisez avec des restrictions sémantiques dans votre article. Peut-être un terme trop usité comme un point de référence dans notre monde actuel mais il faut reconnaître que vous ne le traitez pas ainsi.

                  L’Homme représente une unité de pensée autonome que seule la liberté permet de mettre en lumière. Cette liberté doit permettre l’initiative et la fraternité ; mais ne doit en pas opposer l’initiative à la fraternité !


                • argoul (---.---.18.97) 7 mars 2006 18:10

                  Merci de ces précisions. Votre question « Aujourd’hui, ne nous demande-t-on pas de nous adapter à nos outils ? » appelle deux interrogations : QUI vous demande de vous adapter à QUOI ? Si vous évoquez l’économie, vous pourrez lire dans mes autres notes sur Agoravox que je la place en second, la politique (gestion des affaires de la cité humaine) primant. Mais étant donné l’échec avéré des tentatives de planifier la production et la distribution des biens rares (qui ont toujours donné des totalitarismes), l’outil capitalisme se révèle le seul efficace, au point même que la Chine communiste l’a adopté avec les conséquences à terme que l’on peut imaginer (la fin du communisme, mué d’ailleurs aujourd’hui en simple gestion autoritaire - jacobine ? - de la société). Ne pas confondre (je l’ai dit) capitalisme comme outil et libéralisme économique comme idéologie. Ce dernier voudrait que les sociétés soient gérées en économy first, le reste venant après. Ce n’est pas comme ça que ça marche et les USA de G. Bush le montrent. S’adapter à cet outil capitalisme (si c’est ce que vous visez par votre question), c’est surtout apprendre à s’en servir. Comme un tournevis, une fois bien en main, il servira à son tour à tout ce que vous voudrez bâtir. Mais voilà... les Français, ignares en économie parce que mal enseignée et avec ce mépris catho-marxiste pour « l’argent », sont devant l’outil comme une poule devant un couteau ! Dès lors, un apprentissage s’impose. Avant de dire que l’outil commande, il faudrait avant tout avoir appris à commander l’outil.


                • wwww.jean-brice.fr (---.---.129.247) 4 mars 2006 20:42

                  Je pense que dans votre étude détaillée, vous oubliez une chose : la fameuse conférence de presse du Général DE GAULLE et des articles concomitants de Jacques RUEFF dans le Monde (4/2/65) : cette politique préconisée par ces deux personnages hors du commun a été refusée par l’ensemble de la classe dirigeante sous la houlette de M. GICARD D’ESTAING. Le résultat en est la situation actuelle, mais cette politique EXISTE TOUJOURS...


                  • philippe montagne (---.---.171.175) 7 mars 2006 03:32

                    il n’y a pas de modele francais.pour qu’il y ait modele,encore faudrait-il que le systeme francais soit 1]un systeme [cad pense,elabore,puis realise] 2]qu’il y ait des entites quelquepart dans ce monde enclins a le suivre.

                    *notre modele n’en est pas un .seulement un amoncellement de reactions pitoyables d’adaptation globales et tardives au monde moderne [les revolutions,de gaulle], ou de micro-decisions protectionnistes qui entrainent la france encore plus loin vers la faillite et l’eloignement de la realite du monde [le nombre de fonctionnaires, leurs retraites, les actions ruineuses de l’etat dans le domaine economique comme les innombrables « plans » -calcul,machine-outils,textile...-,les nationalisations, suez-gdf,ect...]

                    *qui suit notre modele de pres ou de loin ? certainement pas les pays democratiques de l’ocde,il ns faudrait plutot lorgner vers les regimes autoritaires.

                    en verite,la france et ses dirigeants [vous croyez vraiment qu’un de villepin a le profil de celui qui menera la france vers la modernite ?] ont peur de l’avenir et refusent toute forme d’adaptation, nous sommes devenus des pleutres, voila tout.

                    heureusement que de gaulle -probablement a cause de son mepris pour le commerce - a decide en son temps d’echanger la protection de nos paysans contre l’ouverture des frontieres [a noter ,toujours ce gout pour le court-terme et l’absence d’evaluation des consequences, cette fois benefique ! ],et c’est cette appartenance a l’europe communautaire, puis l’omc, qui en nous forcant a etre partie prenante de la globalisation nous sauvera . mais certainement pas une action volontaire des francais, nous n’en sommes pas capables. heureusement que nous sommes un pays qui a de la chance ....

                    a part ca, bravo ,pour votre article ,mr.argoul, clair,construit,documente, un modele de clarte francaise [ah,en voila un de modele !]


                    • argoul (---.---.18.97) 7 mars 2006 12:37

                      Merci de vos compliments. Tout comme la plupart des commentateurs, qui n’ont retenu du texte qu’ils viennent de lire que certaines idées, je précise à nouveau que le mot « modèle » a plusieur sens, que j’ai bien pris soin de distinguer au début. La définition que je retiens est celle-ci : « Reste alors le troisième sens du mot : le schéma explicatif. Il s’agit de simplifier une réalité historique et sociale complexe pour fournir une image d’être et de faire, permettant l’action nécessaire pour le futur. »

                      En dehors des leaders charismatiques, comme le fut De Gaulle, il existe aussi une autre façon d’adapter l’Etat, moins spectaculaire et tout aussi efficace : celle de Michel Rocard. Je viens d’écrire une note à ce sujet dans mon blog : http://argoul.blog.lemonde.fr Peut-être Agoravox la reprendra-t-elle ?

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