La rivière, la poule, le coq et l’œuf
- Cane et canard Photo Orélien Péréol
- La cane n’arrive pas à séduire le canard. Pourtant, elle y met les moyens et quand c’est oui, c’est oui.
Le commencement des phénomènes et des choses ne se laisse que peu fréquemment voir. Cet empêchement à connaître le début peut se nommer « l'œuf et la poule ». L'œuf fait le poulet, femelle ou mâle, et la poule et le coq font l'œuf fécond. Comme d'habitude, on ne voit que la femelle pour faire l'œuf, tout comme si le mâle n'était pas impérativement nécessaire. C'est un autre problème. On verra que ce n'est pas tout-à-fait un autre problème.
D'autres façons de voir prennent le contrepied et prennent ce qui se passe, non dans une boucle sans début ni fin, mais avec une origine et un écoulement. Il y a un début. Avant le début, il n'y a rien. La rivière coule toujours dans le même sens, avec une source. L’expression ce qui nous arrive en témoigne.
Cette épistémologie, ce principe de pensée, est nettement plus facile à recevoir et à partager, surtout si l'on parle d'un malheur qui a franchement l’air de venir vers nous et surtout si sa source est constituée de personnes volontaires pour nous créer ce flot, volontaires, donc coupables, donc punissables... etc.
Par exemple, nombre de discours semblent trouver une légitimité dans le fait qu’ils étaient tenus dans des termes quasiment identiques il y a quelques siècles. On pourrait interpréter le contraire : si tant de siècles d’énonciations, faites dans le but de dénoncer, n’ont servi à rien, c’est qu’il faudrait prendre le problème autrement, qu’on peut plutôt prévoir que continuer cette attitude d’énonciation-dénonciation amènera quelques siècles de permanence du problème qu’on veut résoudre.
Cependant, les discours linéaires qui montrent une source du mal sont irrésistibles et perdurent.
Les boucles sont plus difficiles à percevoir, la cause n'agissant souvent que dans un faisceau de causes ; une cause pouvant être effet d'une autre cause, il y a des rétroactions... Il faut bosser. Il est plus commodes de croire qu’un mal vient tout seul en suivant la pente (le mot désastre vient de là : les désastres descendent des astres, désastre mot bâti comme désordre).
Ceux qui défendent l'idée que les choses ont un début ont un pouvoir de séduction beaucoup plus grand que ceux qui veulent parler des choses en respectant la complexité du monde (choses et phénomènes). Surtout que, la plupart du temps, ceux qui prétendent savoir la source des problèmes, savent aussi que c'est un robinet et savent comment le fermer. Dans cette vision, la solution est simple et aisément praticable, elle comporte contraintes pour les autres, forcément pour les autres (donc prise de pouvoir, mais c’est pour le bien) : si l’on suit cette façon de penser et ses remèdes, on obtiendra la fin du mal sur terre et le règne du bien (ce n’est en général pas explicité, juste sous-entendu).
L'œuf et la poule est une boucle à deux termes, trois en fait, mais on en oublie un tout le temps, question de sexe jamais imputée au sexisme.
Le fleuve va à la mer et la mer ne se remplit pas. Parce qu'en vérité, l'eau remonte sans cesse, par évaporation (chaleur, soleil), cette évaporation se condense (nuages), est transportée (vents) et tombe en neige ou en pluie (précipitations). De plus, il y a de la déperdition : il peut se faire que de l'eau de la rivière soit prélevée par la chaleur, portée par le vent vers la mer, où elle serait allée de toute façon. Globalement, il faut bien convenir que l'eau du robinet, des fontaines, des piscines... qui nous parvient, détournée du fleuve, nous est passé par-dessus la tête sous forme de nuages à un moment ou à un autre.
La rivière qui nous paraît une source et un flux est en fait un segment d'une boucle à six termes : source, fleuve, évaporation, condensation, déplacement, précipitation...
Ce mode de pensée « poule et œuf » me semble le plus apte à comprendre ce qui se passe vraiment. Et de loin !
Au moment où il considère que les grands froids actuels contredisent le réchauffement climatique, Trump choisit un petit segment comme exprimant le tout. Beaucoup lui oppose la distinction climat et météo locale, ils ont raison.
Certains appellent le sexe de la femme, l'origine du monde, comme un tableau célèbre. C'est faux et cette erreur est regrettable. Si l'enfant sort de là, il n'y est « entré » que par une certaine interaction entre la femme et un homme. La vie ne commence pas à l’accouchement. Ce n’est pas l’origine, il n’y a pas d’origine, pas même la conception ; car avant, il y a, disons, projet d’enfant, ce qui peut prendre de multiples et singulières formes. J'ai déjà noté que le binôme œuf/poule était incomplet (il y manque le coq), cet oubli, mettons que ce soit de l'oubli, étant régulièrement pratiqué, et toujours celui-là, pas un autre. Il est amputé, on n’arrive pas à parler de ce qui se passe vraiment.
Toute une offensive existe, soi-disant en vue de l’égalité entre les sexes, sur les jouets dédiés aux garçons ou dédiés aux filles. Certains voient là une injonction qui tomberait sur des petits enfants libres, qui se comporteraient tout-à-fait autrement s’ils ne recevaient pas cette injonction. On leur vole leur liberté, on les contraint, on les assigne… En ce moment, cela passe dans certains discours pour le problème politique le plus grave de la terre, à résoudre en toute urgence en désexuant nominalement les jouets, en déclarant qu’ils ne sont pas dédiés à un sexe, qu’ils n’auraient le droit de l’être que s’ils étaient liés aux organes génitaux, (un message de ce type a circulé sur les netagoras). On ne fait pas segment plus petit que de croire que le masculin et le féminin ne déborde pas des organes génitaux, on se demande pourquoi les voix des femmes sont plus aiguës que celles des hommes, leurs cheveux plus longs, en moyenne, leurs performances sportives si différentes qu’il serait injuste de les faire concourir dans les mêmes compétitions (sauf l’équitation)...etc. Les garçons vont plutôt vers les voitures et les filles plutôt vers les poupées et c’est pour cela que les adultes ont tendance à conduire les garçons vers des gondoles avec des voitures et les filles vers des gondoles avec des poupées. Les enfants l’acceptent, ça leur convient, ça leur ressemble.
Faut-il contrarier ces tendances par souci d’égalité ? L’éducation ne doit-elle pas aider chacun à se réaliser dans son être ? Essayer de contrarier les enfants par le discours, vous verrez bien si vous obtenez ce que vous voulez. Par la contrainte, par la punition ne parait guère envisageable. Les enfants sont de nos jours autonomes et débattent de tout. Il est fini le temps où on leur commandait de ne pas parler à table. Si on conduit des enfants vers des comportements dont ils ne veulent pas, ils se fâchent et ne suivent pas ces « consignes », même implicites, tacites…
C’est précisément parce que nous sommes différents que nous avons institué le principe d’une égalité en droit. S’il n’y avait pas de différences naturelles, il n’y aurait pas besoin de parler d’égalité, l’égalité s’accomplirait dans la société par déploiement libre, sans intervention réfléchie, de l’égalité initiale des humains.
Dans l’idée de la poule, du coq et de l’œuf, les humains ne peuvent obtenir que ce que le réel peut accepter comme transformation. On ne peut pas faire frire un glaçon, pas plus qu’on ne peut promener son chien au milieu des quilles (Ah les quilles et les glaçons !).
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