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Structures de l’innovation

 

Les institutions de l'innovation

Structures de l’Innovation

Organisations des firmes et environnements institutionnels

 

Les entreprises évoluant dans une économie de plus en plus concurrentielle sont de plus en plus soucieuses de concentrer leurs efforts sur les domaines où elles pensent avoir des avantages concurrentiels. L’économie concurrentielle actuelle correspond ainsi de plus en plus à un réseau ou à un maillage d’activités qui se décompose et se recompose continuellement (Schumpeter). Ce phénomène concerne aussi bien les PME que les grands groupes industriels et commerciaux.

 

Dans la société du savoir, l’innovation joue un rôle clé dans la détermination des avantages compétitifs d’une entreprise. Au cours de la dernière décennie, les alliances inter-organisationnelles ont augmenté. La combinaison de ceux deux facteurs placent la problématique des alliances dans la capacité d’innovation des entreprises, au centre de la recherche en stratégie et en organisation.

Concernant la stratégie d’entreprise, l’approche traditionnelle tend à considérer les firmes comme des entités autonomes se concurrençant les unes les autres. Cette approche est peu pertinente dans un environnement où les firmes sont imbriquées dans des réseaux d’associations durables comptant de multiples acteurs. Elles tentent ainsi, à travers ces divers jeux d’associations, de créer et de maintenir des réseaux susceptibles de leur procurer un avantage compétitif.

Une question clé dans la recherche en stratégie est de comprendre les raisons des différences de conduites et de performances qui existent entre les firmes. En répondant à ces questions, les chercheurs ont traditionnellement choisi de considérer les firmes comme des entités autonomes, à la recherche d’avantages compétitifs externes ou à partir de ressources et de capacités internes. Cependant, une conception basée sur un ensemble de firmes atomistiques en concurrence et sans interconnexion, est inadéquate dans un monde où les firmes sont imbriquées dans des réseaux d’associations sociales (Granovetter), professionnelles et d’échange avec d’autres acteurs, pouvant être leurs fournisseurs, clients, concurrents ou d’autres entités. Ces réseaux stratégiques sont composés de liens inter-organisationnels qui sont durables et qui sont un révélateur stratégique pour les firmes qui y entrent. Ceux-ci incluent des alliances, des joint-ventures, des associations acheteurs/ fournisseurs sur le long terme. De plus en plus de firmes construisent des liens avec d’autres organisations ; ces liens inter-organisationnels sont usuellement appelés des réseaux.

La compétence d’une firme en termes d’innovation est traditionnellement liée aux facteurs inter-organisationnels tels que la R&D et aux chercheurs universitaires. Actuellement il est évident qu’il y a un rôle central des alliances inter-firmes dans les déterminants de la capacité innovatrice des entreprises et que l’innovation dans les réseaux inter-firmes, est mise en œuvre dans de multiples contextes. Dans l’économie, les réseaux facilitent la production de biens complexes qui sont difficiles à produire dans leur intégralité au sein d’une seule et même firme. Ces quinze dernières années, il y a eu une augmentation sans précédent du nombre d’alliances inter-firmes. Avant 1975, les alliances stratégiques se constituaient d’abord pour exploiter des ressources naturelles. Ces vingt dernières années, il y a eu une vague d’alliances stratégiques dans les industries de hautes technologies (semi-conducteurs, ordinateurs, logiciels...), centrées sur la R&D, le développement de produits et un haut niveau d’échange de connaissances et de transfert de technologies.

L’innovation est étroitement liée à l’échange et à la recombinaison du savoir et les liens inter-firmes favoriseraient les échanges de savoir. La plupart des recherches en ce domaine ont exclusivement examinées des rapports causaux singuliers et isolés, ce qui a obscurci les effets dynamiques récursifs apparaissant lorsque de multiples effets causaux sont pris en considération. De multiples études ont montré l’existence d’un effet Matthieu ; où les firmes dominantes augmentent constamment leur niveau d’innovation, leur statut et leur importance relative. A long terme il se peut que ce développement soit dysfonctionnel dû à un cloisonnement du réseau, et à un accès limité pour les entreprises nouvelles.

Deux sortes d’explications ont été proposées pour expliquer la formation des liens inter-firmes ou aux alliances entre concurrents potentiels. Un premier jeu d’explications s’est centré sur les besoins stratégiques ou de ressources des firmes ; selon cette approche, les firmes forment des liens pour avoir accès aux facteurs leur permettant d’apprendre de nouvelles, manager leur dépendance sur d’autres firmes ou maintenir une parité avec d’autres firmes concurrentes. Un second jeu d’explication affirme que ce sont les positions d’une firme dans la structure d’un réseau donné qui déterminent les liens inter-firmes. Ahuja (2000) développe un cadre d’analyse exprimant la dualité du processus de formation d’un lien, observé dans les approches précédentes, et également une approche sur des structures sociales et sur des besoins stratégiques.

L’approche de Walker (1998) se propose d’identifier les facteurs qui déterminent la formation et la longévité d’un réseau. D’autres chercheurs ont examiné les effets de la coopération inter-firmes sur l’organisation. En fait pour qu’une alliance inter-firmes naisse, il faut qu’il y ait un courant de projets industriels qui va ainsi générer une coopération entre partenaires pour pouvoir vendre et acheter des biens. Walker souligne qu’il y a deux approches pour comprendre la façon dont la coopération se produira et combien de temps elle durera. L’approche économique met l’accent sur le différentiel de capacités de production entre un acheteur et un fournisseur. Cette asymétrie de compétences conduisant à une coopération est présente surtout dans les industries de biotechnologie. L’autre approche formulée par Walker (1998) est fondée sur les différentes contraintes ou opportunités des nations, ou des régions, pour la coopération inter-firmes (approche institutionnelle). Il existe d’autres déterminants institutionnels de coopération inter-firmes : le réseau lui-même en ce sens que celui-ci se développe, en réponse à un comportement stratégique, à une contrainte de régulation

Trois facteurs semblent jouer sur la durabilité des réseaux. D’abord, la vie du projet : chaque association de coopération dans le réseau implique un projet. La vie planifiée du projet est une source de longévité de l’association. En deuxième lieu nous avons les structures du marché : les organisations deviennent liées autour de projets à façonner, à développer conjointement ou à fournir des accès à quelque activité ou à une ressource : une technologie, un marché, une opération de production telle que la fabrication, ou des pratiques logistiques ; chacune de ces activités ou ressources appartiennent à un marché qui détermine leur valeur ; quand l’activité est fortement valorisée, les alliances durent. Kogut (1991) a montré que les joint-ventures pouvaient être perçues comme une option à l’extension d’une position de marché dans une industrie. En dernier lieu, on trouve les dynamiques au sein de la relation : chaque alliance est fondée en partie sur la connaissance de chaque partenaire et les attentes sur les capacités des autres. La façon dont l’apprentissage progresse a d’importantes implications sur la longévité de l’alliance.

Réseaux et innovation

Traditionnellement, les chercheurs distinguent l’invention de l’innovation. Dans cette perspective, l’invention se définie comme la découverte de quelque chose qui n’existait pas auparavant alors que l’innovation se définie comme la recombinaison ultérieure des connaissances en produit commercialisables. D’autres études écartent cette distinction afin de définir l’innovation comme un processus d’itérations qui inclut simultanément les découvertes et les recombinaisons contribuant à une certaine émulation. Au cœur du nouveau cadre d’analyse, on trouve l’échange de savoir qui faciliterait à la fois les découvertes et leurs recombinaisons. Les liens inter-firmes favoriseraient donc les échanges de savoir. Cette connaissance diffère des autres marchandises car elle a les caractéristiques d’un bien public. L’une des caractéristiques spécifiques d’un bien public est sa non-appropriation. La question de l’appropriation vient du fait que la connaissance peut être transféré mais néanmoins restée en possession de son propriétaire. La non-appropriation de la connaissance conduit à des difficultés quant à la détermination de la valeur de cette connaissance avant l’échange sur un marché, car si le contenu de la connaissance est révélé à l’acheteur afin qu’il puisse évaluer son prix, cet acheteur potentiel ne sera pas obligé de l’acheter, jusqu’à ce qu’il soit mis à sa disposition. L’appropriation du savoir, donc, rend difficile les relations standards du marché.

 Williamson (1975, 1985, 1996) affirme que les transactions ont une chance de passer du marché à l’entreprise lorsque l’échange entraîne une grande complexité et une incertitude et lorsque l’échange rend possible l’opportunisme individuel. Dans la théorie des coûts de transaction, la solution traditionnelle pour l’échange de connaissances serait l’intégration verticale. Une autre solution suggérée par Nelson serait d’en faire un bien gratuit en laissant la responsabilité de sa production aux institutions universitaires. Une alternative à la théorie des coûts de transaction, au niveau de l’intégration verticale, serait les alliances stratégiques. La coopération inter-organisationnelle élimine le problème de l’appropriation en soumettant les échanges de savoir à des accords contractuels. La recherche empirique, cependant, montre que les accords contractuels ne sont pas suffisants pour faciliter l’échange des connaissances. Un haut degré de confiance entre les entreprises coopérantes est également nécessaire. Les réseaux en tant que forme d’organisation offre une alternative au marché et à la hiérarchie dans les entreprises. Les réseaux éliminent certains problèmes dus à l’appropriation.

 Les universitaires ont cependant identifié des conséquences négatives dans la formation des alliances, comme par exemple le gaspillage d’énergie dans la coopération, les limites de la liberté d’action. De plus, il y a des coûts dans le maintien des liens. Sortir du marché et intégrer un réseau d’alliances afin d’éviter le problème de l’appropriation peut avoir des conséquences négatives inattendues. La connaissance que nous avons des relations entre les alliances et l’innovation reste encore assez lacunaire. Ces lacunes proviennent du fait que de nombreuses études sur la relation réseau/innovation se sont focalisées sur des liens de causalité singuliers et isolés, par exemple, l’impact des alliances sur l’innovation (Ahuja, 2000) et l’innovation sur les alliances (Ahuja, 2000). Le fait de se focaliser sur des liens de causalité de cette façon empêche d’observer les dynamiques qui ont lieu souvent lorsque de multiples liens de causalité sont pris en considération. En combinant plusieurs liens de causalité, il y a une possibilité de formation de boucles de rétroaction. Selon Edquist, un système d’innovation doit remplir cinq critères pour être considéré comme un vrai système : 1) les éléments 2) les liens entre eux. Dans l’analyse des alliances et de l’innovation, les organisations constituent les éléments et les alliances constituent les liens entre elles. 3) Le système doit correspondre à tout un ensemble cohérent. Chaque organisation au sein d’un réseau joue le rôle de producteur de connaissance et il y a partage des ressources pour atteindre un but commun. 4) Il doit y avoir une raison pour justifier l’existence du système. Dans l’étude des alliances et des innovations, le fonctionnement du système accentue l’innovation des entreprises partenaires. 5) Il doit y avoir une certaine manière d’identifier ce qui est et ce qui n’est pas une partie du système.

 

Ahuja, G. (2000) “Collaboration Networks, Structural Holes, and Innovation : A longitudinal Study.” in Administrative Science Quaterly.

Kogut, B. (1988) “Joint Ventures : Theorical and empirical perspectives”, The Journal of Industrial Economics, Vol.38 (2).

Walker, G., B. Kogut, et W. Shan. (1997) “Social Capital, Structural Holes and the Formation of an Industry Network”, in Organization Science, p.109-125.

Williamson O.E. (1985) The Economic Institutions of Capitalism, Free Press. Trad. française (1994) Les institutions de l’économie, Inter-éditions.

 


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2 réactions à cet article    


  • Zolko Zolko 26 novembre 2018 14:43

    Publireportage


    • Anatine 27 novembre 2018 04:15

      Sujet complexe et central.

      L’innovation est un processus social où des acteurs trouvent des interets propres mutuels à adopter une invention. Une invention objective un processus d’innovation.

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Alexandre Miguel

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