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Accueil du site > Actualités > International > Inde : l’assassinat de Rajiv Gandhi, il y a 30 ans

Inde : l’assassinat de Rajiv Gandhi, il y a 30 ans

« Aujourd’hui, l’Inde semble être revenue à ses vieux démons, aux oppositions sanglantes entre castes, ethnies, religions et partis politiques. On est bien loin de l’image de l’homme à la rose qu’aimait projeter Nehru, ou de celle d’un pays paisible vivant sous les enseignements de "non-violence" de l’hindouisme. » (Patrice De Beer, "Le Monde" du 23 mai 1991).

Il y a trente ans, le 21 mai 1991, l’ancien Premier Ministre indien Rajiv Gandhi a été assassiné à Sriperumbudur, une ville du Tamil Nadu, en Inde, à l’âge de 46 ans (né le 20 août 1944 à Bombay). Il était en pleine campagne électorale lorsqu’il a été assassiné dans un attentat suicide commis par des séparatistes tamouls (une jeune fille de 17 ans a porté la bombe). Les élections législatives avaient lieu à partir du 20 mai 1991 pendant quelques jours et Rajiv Gandhi présidait depuis 1985 le Congrès national indien (ou Parti du Congrès), l’un des principaux partis indiens, parti fondé en 1885. Une bombe a explosé dans un panier de fleurs porté par une militante tamoule qui l’a salué et s’est approché de ses pieds.

La victime était l’une des figures emblématique de l’Inde moderne, celle depuis son indépendance. Rajiv Gandhi était issu d’une grande famille politique, les Nehru-Gandhi, qui a dominé la vie politique indienne depuis le début du XXe siècle. Il a été le fils et le petit-fils de Premier Ministre, lui-même Premier Ministre.

Le patriarche était Motilal Nehru (1861-1931), lui-même issu d’une famille de dirigeants indiens, et il a présidé le Congrès de 1919 à 1929 et de 1928 à 1929. Son fils Jawaharlal Nehru (1889-1964) lui a succédé à la tête du parti de 1929 à 1930, puis de 1936 à 1937, enfin de 1951 à 1954. Jawaharlal Nehru fut le premier Premier Ministre de l’Inde indépendante, du 15 août 1947 au 27 mai 1964 (à sa mort d’une crise cardiaque). Nehru a conduit une politique socialiste de planification tout en développant un certain capitalisme. Pendant les années 1930, il avait milité avec le Mahatma Gandhi pour l’indépendance de l’Inde.

Une année après sa mort, sa fille Indira Gandhi (1917-1984) est devenue Premier Ministre de l’Inde du 24 janvier 1966 au 24 mars 1977 et de 14 janvier 1980 au 31 octobre 1984 (à son assassinat). Son nom n’a rien à voir (en parenté) avec celui du Mahatma Gandhi, il s’agit de celui de son mari Feroze Gandhi (1912-1960), directeur de journal et député de 1952 à 1960 (à sa mort d’une crise cardiaque).

Indira Gandhi a conduit les destinées de l’Inde d’une main de maîtresse et fut l’une des premières dirigeants politiques femmes d’un État moderne, avec Golda Meir en Israël et Benazir Bhutto au Pakistan. Son assassinat le 31 octobre 1984 par deux de ses gardes du corps, sikhs, a bouleversé le destin de son fils Rajiv. Et des milliers de sikhs furent tués en réaction à cet assassinat.

Initialement, c’était le fils cadet qui était prédestiné à poursuivre l’action politique d’Indira Gandhi, Sanjay Gandhi, qui a pris une influence énorme au sein du pouvoir lors de l’état d’urgence entre 1975 et 1977. Ce dernier, après un premier échec en 1977 (élections qui ont vu aussi l’échec du Parti du Congrès), s’est fait élire député le 6 janvier 1980 mais un accident d’avion en a décidé autrement : Sanjay Gandhi est mort dans le crash le 23 juin 1980 et Indira Gandhi a convaincu son fils aîné Rajiv de reprendre le flambeau en se faisant élire député à la succession de son frère. Après l’assassinat de sa mère, le Parti du Congrès le désigna rapidement pour lui succéder et Rajiv Gandhi est devenu Premier Ministre le 31 octobre 1984. Dans la foulée, il a provoqué de nouvelles élections législatives pour ratifier sa présence à la tête de l’Inde.

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En raison de la forte émotion suscitée par la disparition d’Indira Gandhi, le Parti du Congrès gagna une nouvelle fois ces élections du 24 au 28 décembre 1984, avec 48,1% des voix et 415 sièges sur 541 à la Lok Sabha. Rajiv Gandhi n’avait alors que 40 ans, ce qui était jeune et nouveau pour diriger le gouvernement indien.

Pendant cinq ans, il a réformé le pays avec un élan moderniste, oubliant l’alliance trop proche de l’URSS initiée historiquement par son parti pour se rapprocher du libéralisme économique pour promouvoir les entreprises et moderniser l’économie indienne. Il se rapprocha aussi diplomatiquement des États-Unis et il a pris des mesures très fortes pour favoriser les femmes dans la société.

En outre, il a fait adopter une loi de prévention d’activités terroristes en 1985 qui a institué des détentions préventives et des tribunaux d’exception pour lutter contre le terrorisme dans le Penjab. En raison des critiques des défenseurs des droits de l’homme, cette loi fut abrogée en 1995.

Une affaire de corruption touchant de près le clan familial a favorisé l’échec du Parti du Congrès aux élections législatives des 22 au 26 novembre 1989. Le parti de Rajiv Gandhi n’a obtenu que 39,5% des voix et 197 sièges sur 545, battu par une coalition dirigée par V. P. Singh, dont le parti, le Janata Dal, avec 40,7% des voix, n’a obtenu que 143 sièges mais qui a pu former le nouveau gouvernement, certes minoritaire mais soutenu sans participation par les 85 députés du Bharatiya Janata Party (BJP) et les 45 députés communistes.

Rajiv Gandhi quitta le pouvoir le 2 décembre 1989 et se retrouva dans l’opposition. Après l’échec du gouvernement de V. P. Singh (le BJP lui avait retiré son soutien en raison de l’abandon de la construction d’un temple hindou à la place d’une mosquée à Ayodhya), un gouvernement minoritaire dirigé par Chandra Shekhar a bénéficié du soutien du Parti du Congrès, soutien dont le retrait provoqua la dissolution de la Lok Sabha le 13 mars 1991 et des élections législatives anticipées.

Elles furent organisées pour commencer le 20 mai 1991 et furent reportées aux 12 et 15 juin 1991 en raison de l’attentat. En effet, favori pour revenir à la tête du gouvernement, Rajiv Gandhi fut assassiné dans une forte explosion à Sriperumbudur le 21 mai 1991 alors qu’il faisait campagne dans le Tamil Nadu. C’était un attentat suicide commis par une militante tamoule dans lequel au moins quinze personnes ont perdu la vie (dont une enfant de 10 ans et une étudiante de 17 ans), et quarante-trois autres furent grièvement blessées. Trois terroristes, dont la jeune fille qui a porté la bombe, sont morts dans l’attentat. Son gouvernement était intervenu militairement au Sri Lanka du 29 juillet 1987 au 24 mars 1990 contre les indépendantistes tamouls. Le retrait des troupes d’intervention indienne (IPKF) avait été décidé par le successeur de Rajiv Gandhi.

L’une des raisons de cet attentat, selon la Cour suprême, aurait été l’interview accordée par Rajiv Gandhi dans le magazine "Sunday" du 21 août 1990 où il avait annoncé qu’il enverrait l’IPKF (Force indienne de maintien de la paix) pour désarmer les LTTE (Tigres de libération de l’Îlam tamoul, séparatistes tamouls). Il avait aussi soutenu l’accord conclu entre l’Inde et le Sri Lanka. Le rapport final de l’enquête judiciaire, remis en juin 1992, a conclu que la sécurité avait été adaptée pour Rajiv Gandhi mais que les dirigeants locaux du Parti du Congrès avaient perturbé les dispositions prises.

Rajiv Gandhi aurait été prévenu plusieurs fois des menaces qui pesaient sur lui en cas de présence au Tamil Nadu. Mais une délégation des LTTE aurait rencontré Rajiv Gandhi à deux reprises, le 5 mars 1991 puis le 14 mars 1991 à New Delhi. Cette délégation lui aurait dit qu’il n’y avait aucune menace pour sa vie au Tamil Nadu. C’est pourquoi, selon le journaliste d’investigation Ram Bahadur Rai, Rajiv Gandhi avait été négligent sur les règles de sécurité lors d’une quarantaine de ses meetings. Les LTTE ont été éliminés par l’armée sri lankaise en 2009 après une longue guerre civile.

Rajiv Gandhi fut incinéré au cours de funérailles nationales le 24 mai 1991 où furent représentés plus de soixante pays. Un Prix Rajiv Gandhi a été créé en 1992 par le Parti du Congrès. Depuis l’assassinat de Rajiv Gandhi, le 21 mai est considéré comme la Journée antiterroriste en Inde.

Plusieurs procès ont eu lieu appliquant la loi spéciale contre le terrorisme. Le 28 janvier 1998, le tribunal de Chennai (capital du Tamil Nadu) a condamné à mort vingt-six prévenus, ce qui a suscité de vives protestations des défenseurs des droits de l’homme (le procès était à huis clos et l’identité des témoins pas communiquée). En appel, le 11 mai 1999, la Cour suprême a confirmé seulement quatre des condamnations à mort. Sonia Gandhi (la veuve de Rajiv Gandhi) a demandé la clémence pour l’une des condamnés à mort, qui venait de mettre au monde un enfant, la peine fut commuée pour elle en réclusion à perpétuité. Les trois autres condamnés à mort auraient dû être exécutés le 9 septembre 2011, mais deux jours auparavant, la Haute Cour de Madras (Chennai) a suspendu les exécutions pendant huit semaines. La Cour suprême de l’Inde a finalement commué le 18 février 2014 les trois condamnations à mort à la réclusion à perpétuité (elle avait fait de même pour quinze autres condamnations à mort quelques semaines auparavant pour d’autres affaires). Dès le lendemain, le gouvernement du Tamil Nadu a libéré les sept personnes condamnées, encore en prison, ce qui a provoqué les fermes protestations du gouvernement indien.

Le Parti du Congrès remporta les élections législatives de juin 1991 avec 35,7% et 244 sièges sur 545, et, après le refus de Sonia Gandhi, la veuve, de faire de la politique (considérant que les Indiens n’accepteraient pas d’être dirigés par une Italienne catholique), P. V. Narashimha Rao fut désigné comme nouveau Premier Ministre le 21 juin 1991. Par la suite, les nationalistes du BJP ont gagné plusieurs fois les élections et l’actuel Premier Ministre, Narendra Modi, élu depuis le 26 mai 2014 (et réélu en 2019), provient également du BJP.

Le clan Gandhi a cependant continué à influencer la vie politique. D’abord, par Sonia Gandhi (qui accepta finalement d’aller au combat politique), députée depuis octobre 1999, qui présida le Parti du Congrès du 14 mars 1998 au 15 décembre 2017 et (par intérim) depuis le 10 août 2019. Leur fils Rahul Gandhi (50 ans), député depuis mai 2004, aussi présida ce parti du 16 décembre 2017 au 10 août 2019, et fut le leader candidat au poste de Premier Ministre aux élections législatives du 12 mai 2014 et du 19 mai 2019 (qui furent remportées par le BJP, ce qui expliqua sa démission à la tête du Congrès).

Un article du journal "Le Monde" publié le 19 mars 2021 sur Rahul Gandhi évoquait ainsi : « De vingt ans plus jeune que le dirigeant nationaliste hindou, Rahul Gandhi tente de s’ériger en rempart contre le populisme ambiant, contre la répression dont sont victimes les musulmans et les dalits (anciennement appelés intouchables), et contre la menace qui pèse de plus en plus lourdement sur la liberté d’expression dans le sous-continent. Une tâche ingrate, tant l’actuel Premier Ministre fascine par son image d’homme fort qui se targue de dompter l’épidémie de covid-19 et dont le pays distribue miantenant des vaccins par millions dans le monde entier. » (Guillaume Delacroix et Sophie Landrin). C’était écrit avant qu’une flambée épidémique n’ait dévasté l’Inde avec un niveau record de décès (environ 4 000 chaque jour) et de nouvelles personnes contaminées (environ 300 000 chaque jour).

Note du 26 mai 2021 à propos de cette évolution en Inde : Le Président français Emmanuel Macron a eu un entretien téléphonique le 26 mai 2021 avec le Premier Ministre indien Narendra Modi : « Dans le contexte d'une vague épidémique particulièrement meurtrière en Inde, le chef de l'État a réitéré le soutien et la solidarité du peuple français. Afin de répodre à cette urgence exceptionnelle dans son ampleur, une opération de solidarité indéite, lancée le 1er mai dernier ave la livraison de huit générateurs d'oxygène de grande capacité et d'équipements médicaux, se poursuit sos la forme d'un approvisionnement en conteneurs d'oxygène. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 mai 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Rajiv Gandhi.
Mahatma Gandhi.
Inde : le centenaire du massacre d’Amritsar.
Mahatma Gandhi et l’extrême non-violence.
La partition des Indes.
Indira Gandhi.
L’attentat de Peshawar.
Le Pakistan dans le chaos du terrorisme.

_yartiGandhiRajiv03
 


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5 réactions à cet article    


  • phan 24 décembre 2021 12:26

    « 
    Cet état a une population estimée à 241 millions de personnes en 2021 et a la population la plus élevée d’Inde. Cela représente près des deux tiers de la population des États-Unis en 2021 et pourtant c’est maintenant une nation exempte de Covid-19. Alors, qu’est-ce que les Etats-Unis pourraient bien faire d’erroné ? Demandons au Dr Fauci.
    L’Uttar Pradesh est le premier état indien à utiliser l’ivermectine de manière aussi précoce et préventive dans tous les contacts familiaux. Et cet état est l’un des cinq où les cas de Covid sont les plus bas de tous les états de l’Inde malgré un faible taux de population entièrement vaccinée de 5,8 % par rapport aux États-Unis qui ont un taux de 54 %. 
    Les États-Unis avaient 179 289 983 personnes complètement vaccinées au 14 septembre tandis que l’Uttar Pradesh en comptait 15 236 150 qui ont reçu leur deuxième dose. 

     »


    • Lynwec 24 décembre 2021 12:35

      Les lecteurs éveillés n’auront pas manqué de remarquer la rareté exceptionnelle des assassinats commis envers les pires criminels d’état de la planète. De là à se dire que seuls les gentils en sont victimes, la transition serait un peu excessive, mais on peut quand même se poser la question.

      Quand aux séparatistes et autres mouvements qualifiés rapidement de terroristes, ils ont le dos large, parfaitement adapté au rôle de coupable d’office, car le faux drapeau, qu’on se le dise, n’existe pas (c’est comme les complots, il n’y en a pas, il n’y a que des vilains mythomanes complotistes d’extrême-droite antisémites...)

      Le cabinet-conseil conclut bien évidemment l’article sur une légère touche de sympathie envers notre bon Jupiter et achève de terrifier le lecteur en relevant « la vague épidémique particulièrement meurtrière en Inde », omettant bien entendu d’évoquer l’utilisation des médicaments qui soignent là-bas et ont permis à l’Inde de voir le bout de cette farce (sauf dans la région qui résiste encore et toujours au bon sens) alors qu’en France, par un curieux phénomène, ils seraient inefficaces ou même toxiques.

      Mais bon, la propagande ne peut s’accommoder de la vérité, il faut choisir son camp.


      • ETTORE ETTORE 25 décembre 2021 09:42

        Ben alors Rakoyonanobis... ?

        .On prépare le bûcher, sur les bords de Seine ?

        Amenez du petit bois, car vos commanditaires sont durs çà cramer !

        Après vous finirez en Sâdhu errant, un peu plus à poil que maintenant !


        • phan 26 décembre 2021 09:40
          Mort de l’archevêque Desmond Tutu, icône de la lutte anti-apartheid.
          Vite Rakoto, un petit article sur l’apartheid vaccinale en France :




          Obligation de se faire inoculer d’un vaccin qui est efficace que 10 semaines ....

          • ETTORE ETTORE 27 décembre 2021 15:22

            C’est étonnant quand même cette cacophonie....

            D’un côté, nous avons les commanditaires à Rakotonanobis, qui nous fournissent des décès en veux tu en voilà....La covid si pourvoyeuse en mortification.....

            Et de l’autre, Rakotonanobis, obligé de chercher dans les archives, des morts consentants, afin d’agrémenter sa rubrique, quand l’Elysée est en manque de schnouf !

            C’est fou, ce delta, entre les deux larrons, à nous faire croire et écrire, des choses si différentes, dans l’abondance manipulée.

            Mais bon, nous savons bien, que la figure tutélaire du Bel zé Buthé Elyséen, ne feras une page Rokototitanesque, que sur commande.

            Certains, dans le temps, commandaient un portrait à un artiste, et même faisaient taper monnaie à leur effigie....Las ! Nous devons nous contenter, d’une fausse monnaie, accouplée à un faux waxxin !

            Alors Rakotonanobis, faux et usage de faux.....Traficante della vita ?

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