De la guerre d’Algérie - n° 9
DE LA GUERRE D’ALGERIE – n° 9
L’AFFAIRE DE SETIF, GUELMA - Suite et fin.
« Controverses et tentatives de bilan de la répression ».
NB : Dans son ouvrage, Sétif, Guelma, massacres en Algérie, cité par mes soins dans mes précédents articles, Roger Vétillard nous donne un tableau non exhaustif des victimes, des deux côtés. Il s’appuie pour cela sur des documents officiels et irréfutables, des témoins oculaires des violences et massacres commis sur les Européens et les Musulmans acquis à la France, par les rebelles, ainsi que les victimes dans les rangs des insurgés, de la répression [par les autorités françaises] qui suivit immédiatement les tueries des rebelles, le 8 mai 1945, dans le département de Constantine.
Au total, « on relève du côté des civils européens, entre 109 et 113 tués, 245 blessés graves ».
Mais depuis 70 ans, « on omet de recenser les indigènes francophiles qui ont été exécutés [par les insurgés]...Plus de 800 d’entre-eux ont été exécutés par les rebelles en 1945 et que nombre d’indigènes francophiles ont été éliminés ensuite par les nationalistes algériens de 1945 à 1962. Ces assassinats se poursuivront jusqu’en 1962, les harkis, leurs familles et les militants du MNA, formant l’essentiel des victimes ».
Rétablissement immédiat de l’ordre, légitime défense et reprise en main de l’ordre par l’armée.
« Les troupes, tirailleurs sénégalais, tabors marocains, légionnaires et autres soldats de l’armée française passent à l’action ».
La loi martiale est décrétée.
Des milliers d’insurgés sont arrêtés et maintenus dans des camps à peine salubres, entassés dans des cachots. (Selon M. Dib Lahoussine, cité par R. Ainad-Tabet.) Cependant ces déclarations qui se multiplient sur les « exactions commises par les militaires français… avec la complicité de l’encadrement... », ne reposent que sur des témoignages invérifiables et sujets à caution. Comme cet exemple d’exaction cité à plusieurs reprises : « Dans un jardin, un bambin musulman cueille des fleurs ; un sergent français passe et tire sur l’enfant, par amusement, comme on fait un carton dans une fête foraine ».
Le problème est que « cette affirmation difficilement acceptable sur le plan humain et invérifiable, a été reprise par plusieurs auteurs dans les mêmes termes, mais en des lieux toujours différents, ce qui n’est pas un gage d’objectivité ».
D’autre affirmations sujettes à caution également voudraient que les Européens se soient livrés à des « représailles sanglantes », comme à St-Arnaud, Kerrata ou Sétif.
Pourquoi ces affirmations doivent être prises avec la plus extrême prudence ?
Car les personnes incriminées [voir l’ouvrage de R. Ainad-Tabet, p. 71], au moment des faits étaient absents de la région comme les dénommés : Rossi, Barral, ou Cullet, mobilisés dans l’Armée d’Afrique en France ou en Italie.
Petite précision : n ‘oublions pas que nous sommes en 1945, et que le gros des troupes n’a pas encore été complètement démobilisé.
Les dénommés Colombo : 15 ans, - Grima : 16 ans, Jeannot Léocata : pas encore 16 ans, ne pouvaient être dans la police ou l’armée à ce moment. De plus, le jeune Léocata était malade (témoignage de sa sœur mme Berger, cité in Villard- p. 31).
Quant à M. Prudent, incriminé aussi, il venait d’être libéré d’un camp de prisonniers en Allemagne, et ne sera incorporé qu’en 1946 dans la police.
« 449 plaintes sont déposées à Sétif et dans sa région, concernant la disparition d’autant de personnes ».
Affirmation également sujette à caution.
Car il s’avère que « certaines plaintes enregistrées concernent des personnes parties dans le maquis pour échapper à une probable arrestation ».
Selon B. Mekhaled, « des milices ont été constituées à Guelma, Fedj M’Zala, St-Arnaud et Bône ».
« Il n’y a aucune preuve d’une activité meurtrière de ces milices », dont le rôle essentiel consistait à patrouiller le secteur.
Le 9 mai, Bône.
150 hommes s’arment et patrouillent encadrés par des policiers d’État.
Le 10 mai, 10 hommes reçoivent des armes des autorités à Fedj M’Zala.
Le 11 mai, St-Arnaud
100 hommes s’arment. Ils patrouillent dans les rues.
Les tirs de la marine.
Entre le cap Aolas et les Falaises, des tirs de marine retentissent (sur le territoire de la commune d’Oued Marsa). Ils feront des victimes dont le nombre a fait l’objet de plusieurs évaluations.
Les chiffres selon « plusieurs sources sont proches de 200 tués. » J.P. Peyroulou.
Toujours invérifiable « à Tachoda à quelques kilomètres de Chevreul, le colonel recevant la reddition demande à la population française de reconnaître les incendiaires. Le soir, 400 Algériens sont fusillés ». selon MTLD « Le génocide de mai 1945 ».
Cependant, il s’agit ici également de prendre ces chiffres avec prudence, car les « seuls témoignages accablants, concordants et similaires, émanant de sources diverses – tant européennes que musulmanes – concernent la région de GUELMA. Il apparaît que l’essentiel de l’imagerie et la plupart des légendes relatives aux méfaits allégués des milices puisent leur inspiration dans ce qui s’est passé dans la cité guelmoise et ses alentours ».
C’est également confirmé par un courrier du 25 mai 1945, adressé au gouverneur général ». repris par R.A. Tabet,
En effet, le commissaire Buisson, Chef de la brigade mobile de Guelma, donne les identités précises des rebelles au nombre de 9, arrêtés (de 19 à 28 ans) – et qui ont été fusillés « sur ordre de Achiarry, après un simulacre de procès ».
Le Sous-Préfet de Guelma, A. Achiarry, agissant sur ordre d’Alger.
Il organise un plan de protection.
« La révolte des Musulmans qui éclate le 8 mai 1945 est pour les Français de Guelma et d’Algérie, la grande insurrection qu’ils redoutaient et attendent depuis longtemps. Les uns y voient l’aboutissement d’un complot politique aux ramifications mondiales, les autres la grande révolution arabe qui les jettera à la mer. C’est en réalité une gigantesque émeute, imprévisible et terrifiante en termes politiques dont, ni la répression, civile et militaire, ni l’amnistie qui suit peu après ne parviennent à éteindre les braises et dont les conséquences politiques sont lourdes et immenses d’autant plus que le pouvoir métropolitain n’en mesure pas l’entière dimension ».
Le Sous-Préfet Achiary prévient, bien en amont les autorités, quelques semaines auparavant ; les rumeurs d’un soulèvement – depuis 1942 au moins, enflent. Des soupçons sur une éventuelle ingérence de l’Intelligence Service » sont évoqués, en effet les Anglos-Saxons sont accusés par le général A. qui craint pour sa vie, croyant que l’Intelligence Service veut le faire assassiner. Selon R. Montagne.
Cependant, « la progression de l’exaspération raciale… chez les indigènes », est indéniable.
La bataille des chiffres.
Le chiffre des victimes varie de 11 000 à 80 000.
Du côté européen, les morts ont été « comptabilisés ».
109 (dont 7 blessés décédés en Juin/Juillet)
Les blessés graves : 250
Pas de décompte des blessés légers.
Du côté musulman, les sources militaires et autorités civiles indiquent 2 628 tués.
1500 par les forces civiles,
755 par les unités terrestres,
173 par la gendarmerie,
196 par l’aviation,
4 par la marine.
Les dégagements des villages :
(Nord de Sétif)
250 victimes
(Autour de Guelma)
150 victimes. (Selon M. Faivre – Sétif-Guelma 1945, une désinformation historico-médiatique – La voix de Constantine – mai 2005) cité par R. Vétillard dans son ouvrage, p. 201.
Journal de marche de l’escadron de la garde républicaine – Kerrata.
200 morts
Périgortville – 8 et 9 mai 1945, Pascal, Colbert et St-Arnaud.
470 morts
Mr. Villard s’en tient aux rapports officiels.
Européens :
103 tués par les rebelles.
Musulmans :
tués dans les combats par la gendarmerie : 173
par la police : 123
par l’armée : 757
Et ceux relevant des autorités civiles : 1500, soit au total 2541 tués.
800 Musulmans francophiles assassinés par les rebelles. Ce chiffre est incontestable puisque les décès ont été déclarés aux autorités par les familles.
La propagande du Caire :
Pour des besoins de propagande politique, les chiffres du nombre de victimes ont été « gonflés ». En mai 1945, la radio du Caire annonce 45 000 victimes.
Ce qui relève d‘une falsification, au vu « d’un raccourci inacceptable entre le nombre d’insurgés et celui des victimes. »
Cette confusion est savamment entretenue jusqu’à nos jours. C’est une technique classique de propagande de guerre. Mais ces falsifications sont facilement démontables, par exemple :
« Dans le quotidien d’Oran du 8 mai 2003, il est écrit que « des hélicoptères dénommés Bananes (Sikorski - note R. Vétillard en notre de bas de page – page 202), survolaient les lieux de massacres pour achever les blessés.
Les Bananes ont vu le jour en 1952, c’est-à-dire 7 ans après les événements, d’une part,
D’autre part, des auteurs s’appuieraient pour de telles affirmations sur des « estimations officielles », sans préciser lesquelles, donnant le chiffre de 20 000 victimes et les estimations officielles modérées (sic) celui de 40 000 victimes.
40 000 victimes sont le chiffre avancé par Radio-Caire en 1945 et pour des raisons aux buts politiques et d’agitation dans le monde musulman (Panarabisme), sous la houlette de Nasser. Ce chiffre a fait florès depuis.
Un compte-rendu d’une conversation datant de 1946 au Caire entre le Secrétaire Général de la Ligue Arabe et l’ambassadeur des Etats-Unis en Egypte, Pinkney Tuck nous en apprend un peu plus. Voici, à ce sujet ce qu’en dit Hocine Benhamza :
« Le PPA s’est dépêché d’exagérer le nombre des victimes. Les nationalistes algériens ont gardé le silence sur les massacres des civils européens et persistent à le garder. Une thèse controversée prétend que le gouvernement français avait promis des réformes, voire l’indépendance, en contrepartie de la participation des Algériens à la libération de la France. A ce sujet, il existe beaucoup de contre-vérités. J’accorde la plus grande importance à la sincérité, à l’honnêteté intellectuelle. De la période coloniale personne n’est sorti blanc. C’est pourquoi les plaies ont tant de mal à se refermer. Nous continuons, des deux côtés de la mer, à en payer le prix ».
Selon Barbara Vacher dans afrik.com, (cité en notre bas de page par R. Vétillard – page 203) « Il serait plus réaliste de penser que le bilan humain se situe entre 8000 et 10 000 morts ».
Gilbert Meynier dans l’Histoire intérieur du FLN – P 67 Fayard – Editions Paris 2004 (notre de bas de page R. Vétillard page 203), note :
« Le chiffre de 45 000 morts, officiellement produit et répété en Algérie est un chiffre idéologique qui rend compte de l’horreur éprouvée, mais il ne peut être sérieusement retenu par l’historien comme à fortiori le chiffre de 80 000 qui a couru dans le monde arabe et a même été produit par le journal El Moujahid. Les autorités civiles (françaises) ont avoué un maximum de 1500 morts, chiffre tout aussi irrecevable.
Les observateurs américains présents sur les lieux au moment du drame, donnent le chiffre de 10 000 musulmans tués ou blessés.
Un tract communiste donne 6000 victimes.
Enfin… (en privé), deux hauts-fonctionnaires du Gouvernement Général d’Alger donnent entre 5000 et 6000 victimes.
Ce qui rejoint les chiffres du PC. Le Parti communiste se réfère au rapport Rouzé en 1946, avec un chiffre oscillant entre 6000 et 8000 morts.
Les Socialistes entre 6000 et 8000 victimes, sources militaires.
Les Trotskistes affirment que « les aviateurs de Monsieur Tillon qui sillonnaient jour et nuit le ciel d’Algérie ont fait 15 000 morts ».
Or, en 1945, Charles Tillon, « ministre communiste de l’aviation n’avait pas autorité sur l’armée de l’air, ce que les Trotkistes passent sous silence ». (Notre bas de page de R. Vétillard, P. 215.
De leur côté, les Britanniques peu avares d’exagérations, (dans quel but d’en rajouter ?) prétendent qu’à Taher, des milliers de morts musulmans sont à déplorer. Or, dans cette ville « tous les témoignages algériens sont concordants : il ne s’est pratiquement rien passé ».
Enfin, le 9 mars 1946, une loi d’amnistie est votée concernant ces événements. Cette loi exclut les crimes de sang, viols, pillages, séquestrations, coups et blessures.
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