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Commentaire de Voltaire

sur Réchauffement : Débat à huis clos à l'Académie des sciences


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Voltaire Voltaire 21 septembre 2010 13:26

A la lecture de cet article, on hésite entre hilarité et consternation.

L’hilarité, c’est pour l’accumulation de contre-vérités si enfantines, que l’on se demande vraiment comment une argumentation aussi faible peut être publiée.

La consternation, c’est bien sûr de voir que ce type de contre-vérité peut encore être accepté par des lecteurs fort honorables, simplement parce qu’un bel enfumage habillé d’erreurs affirmées avec aplomb et de foutaises pseudo-scientifiques sera toujours plus convaincant que la meilleure des argumentations rationnelles.

L’espace manque ici pour répondre à l’ensemble des éléments de l’article, alors arrêtons-nous juste sur quelques points.

Notre consultant d’auteur glisse rapidement dans son introduction sur les raisons du huis-clos du débat qui va se dérouler à l’académie des sciences. Il a tort...
Le fond du sujet, est que des membres de l’académie des sciences, Mrs Courtillot et Allègre, sont accusés de fraude scientifique par leurs collègues. Et qu’étant fort dommageable pour la science, ce type de discussion se règle encore dans l’intimité en France. Notons que cela risque de changer si les recommandations en matière d’éthique scientifique qui vont être transmises au ministre dans les jours à venir sont un jour mises en place, mais c’est un autre sujet.

Pour être tout à fait exact, il faut d’ailleurs dissocier les deux protagonistes : dans le cas Allègre, il n’y a pas de publication scientifique en cause, mais simplement un ouvrage politique, dans lequel les falsifications sont nombreuses et même reconnues par l’auteur. mais faute d’être un ouvrage scientifique, on demeure dans la liberté d’expression (imagine t-on un politique condamné pour mensonge...). Le cas Courtillot est plus grave, car ce sont de réelles publications scientifiques qui sont contestées. Rien à voir avec le « climategate » ici, il n’est pas question d’interprétation erronée mais bien de bidouillage de courbes etc...

Lassés de se voir insultés par des climatosceptiques qui ne respectent pas la plus élémentaire déontologie scientifique, de nombreux chercheurs ont donc demandé un rappel à ces règles élémentaires. Dans les couloirs feutrés de l’académie des sciences, le débat promet d’être sanglant, même si au dehors nul n’en verra trace ; car Allègre fait peur, malgré une communauté scientifique ulcérée, et ceux qui osent l’affronter sont l’objet de nombreuses intimidations.

Le mépris de notre auteur vis-à-vis des journalistes est assez typique. Bien entendu, reconnaitre qu’il existe des journalistes scientifiques compétents, qui font bien leur travail, ne serait pas vendeur. Surtout que ceux-ci, dans leur quasi totalité, ont pris le temps d’examiner les « preuves » des deux camps, et conclus qu’Allègre et Courtillot avaeint non seulement tort mais fait preuve de mauvaise fois. On lira avec intérêt ce que rapporte à ce sujet les journalistes scientifiques du Monde, de Libération, de la Recherche, de Science&Avenir, mais aussi de Nature ou de New Scientist en Angleterre par exemple.

La présentation de ce qu’est le GIEC par l’auteur est aussi comique. Le GIEC est un organe intergouvernemental dépendant de l’ONU, qui a pour rôle d’analyser l’intégralité des publications scientifiques sur le sujet du climat afin de présenter l’état des connaissance à un temps T, et les perspectives les plus probables d’évolution. Le GIEC n’a pas de données propre, puisqu’elles proviennent de la communauté scientifique dans son ensemble. Impossible donc de cacher ses données... Que le GIEC ait fait des erreurs, c’est uen évidence : conçu au début des années 90, cet organisme a simplement été dépassé par l« ampleur de la tache, et la centaine de scientifiques qui travaillent à analyser ces innombrables publications ne peut plus assurer une revue parfaite de toutes ces informations. Mais, comme le confirme la récente évaluation de l’IAP, l’essentiel des travaux du GIEC est fiable. En revanche, la traduction »politique" d’éléments probabilistes issus de modèles complexe est toujours sujette à caution, mais cela n’est plus du ressort des scientifiques.

Aussi risible est la comparaison entre l’action du GIEC et celle de Courtillot. Le GIEC ne se contente bien sûr pas d’analyser un seul paramêtre, l’accroissement de la température par rapport au CO2, contrairement à ce qu’à fait Courtillot (qui a lui seulement regardé l’évolution de la température sur quelques années, en Europe, par rapport à l’activité du Soleil). Tous les paramètres sont analyses par le GIEC : les différents gaz à effet de serre, l’activité solaire, l’ensoleillement, l’activité volcanique etc... Certes, le modèle est complexe. L’auteur le souligne à juste titre. Mais c’est par ces analyses multiples que l’effet de l’activité solaire a pu être écartée comme seul facteur de réchauffement, et qu’au contraire l’activité humaine parait comme l’hypothèse la plus probable, avec un très haut coefficient de probabilité. A l’inverse, les méthode statistiques utilisées par Mr Courtillot sont hautement contestées...

Vincent Courtillot, comme Claude Allègre, sont respectivement géophysicien et géochimiste. Ils n’ont jamais travaillé sur le climat de façon interdisciplinaire, comme l’exige la compréhension d’un mécanisme aussi complexe que le climat.
Alors que les climatosceptiques exigent une totale transparence de la part des experts du climat, il est frappant combien leurs propres activités sont peu transparentes.
Et dans le cas cité, elles sont couplées à des suspicions de fraude scientifique, ce dont les experts du GIEC ont été totalement exonérés par différentes analyses indépendantes. A l’inverse, ont aimerait voir de telles enquêtes indépendantes être menées sur les travaux des sceptiques...

La science du climat est une science complexe. Elle a bien sûr besoin d’un débat contradictoire, et les travaux doivent être financés sans a priori. Mais chacun doit respecter une certaine déontologie scientifique, déclarer ses éventuels conflits d’intérêt (Vincent Courtillot est en partie financé par Total), et respecter les travaux des autres.
Il ne fait guère de doute que l’analyse des experts du GIEC est imparfaite, tant ce sujet est complexe. Qu’il existe de nombreux lobbies de part et d’autre. Que de nombreux politiques de chaque camp cherchent à instrumentaliser les résultats. La seule parade est de conserver une méthode scientifique rationnelle, indépendante, de se soumetre à l’évaluation de ses pairs. Et de ne pas tolérer la fabrication ou la falsification de données...


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