Ce n’est pas seulement l’emploi qui est victime du code du travail
A delà de l'emploi c'est aussi et surtout contre l'employabilité que joue l'actuel code du travail
Le code du travail repose sur l'idée dépassée d'un travail stable, durable et industriel
Le code du travail a consisté depuis le milieu du XIX ème siècle a empiler (accumuler) des droits, des obligations, des règlementations pour organiser le travail (du seul secteur privé) dans les temps industriels où la France rurale déclinait et une France moderne, urbaine et industrielle émergeait.
De ce modèle (passé) la division du travail et des fonctions dans la société était claire et lisible.
- un temps pour apprendre entre 5 et 16 ans : l'école fournissait (ou devait fournir) l'essentiel des connaissances nécessaires à la future vie du travailleur et du citoyen
- un temps pour travailler : autour de 16-20 ans le jeune entrait dans la vie active avec un bagage scolaire ou technique suffisant pour intégrer et se développer dans un marché du travail qui le happait très rapidement
- une vie professionnelle qui se déroulait d'une façon linéaire avec un nombre limité d'employeurs (2 à 3 tout au plus), employeurs qui assumaient quelques ajustement éducatifs mais au final très peu de formation à leurs salariés
- une retraite récompensant 45 années de vie active, couronnant une vie professionnelle rectiligne et qui permettait au travailleur de souffler un peu en jouissant durant quelques années (moins de 5 années souvent) d'un revenu de substitution à son travail.
Les temps étaient divisés tout comme les catégories socio-professionnelles
L'organisation scientifique du travail (Fayol et Ford) installait le morcelement et la parcellisation du travail (le travail en miette) et le salariat (plus de 90 % des travailleurs contre moins de 50 % en 1945) le répertoriait en grandes catégories sociaux professionnelles en opposant :
-les personnels d'exécution (manoeuvre, ouvriers, employés) dont on attendait qu'ils travaillent sans guère (y) penser
-l'encadrement ou les ingénieurs qui eux devaient penser le travail et l'organiser
Ce modèle industriel classique n'a plus cours depuis les années 70 mais notre pays s'est employé depuis 40 ans à ne pas en prendre acte.
La France a perdu depuis les années 70 un grand nombre de ses ex-avantages concurrentiels
- son passé industriel : celui-ci n'a plus la même importance. De nombreuses usines sont devenues des usines Kleenex (ce n'est pas le salarié qui est jetable mais le travail !) qu'on peut implanter en tout point du monde, là où les conditions sont les plus avantageuses durant quelques années.
- son éducation : Celle-ci est à la fois devenue primordiale mais aussi sujette à toutes les remises en cause. Le triptyque bâti depuis le moyen-âge avec un maître, un manuel (le programme) et un lieu unique (l'abbaye, puis l'université ou le collège) ce triptyque est dépassé : on apprend en tout lieu, on apprend tout au long de la vie et on apprend selon des moyens ultra diversifiés.
- ses protections : la protection des marchés ou des travailleurs n'est plus possible : depuis Colbert la France s'était mise à l'abri en élevant des barrières (douanières) ou tout un fatras de réglementations (la dentelle de Calais et ses protections) qui n'ont plus cours sur une planète globalisée
Avec un milliard de travailleurs supplémentaires depuis l'an 2000 aucun pays ne peut rester à l'écart de la mondialisation (sous peine de devenir une nouvelle Albanie ou cette menaçante et grotesque Corée du Nord).
Le travail à l'ère postindustrielle est devenu une co-construction dans laquelle la motivation, le savoir apprendre, le savoir être ou les capacités à travailler avec les autres (y compris avec son patron) prennent une place majeure.
L'employabilité est devenue plus fondamentale que l'emploi
Dans ce nouveau terrain du travail et de l'activité les débats actuels sur le code du travail (véritable évangile pour certains), ces débats sont d'un autre âge.
Les discussions sur le montant des indemnités (plafonnées ou non en cas de licenciement) ou de la durée du CDD (2 fois ou 3 fois renouvelables) sont des combats d'arrière garde, les problèmes majeurs de la France laborieuse sont autres.
Le code du travail version 2008 organisait une lutte des classes devenue évanescente, des rapports sociaux conflictuels (le fameux rapport de force pour obtenir une part plus importante du gâteau) mais déphasé avec le travail réel aujourd'hui (comment compter ses 35 h quand le travail peut être réalisé en tout lieu et si les neurones ne se mettent pas en route au coup de sifflet ?)
Les enjeux du travail aujourd'hui vont bien au delà du maintien ou non de l'emploi ou des supposées libertés accordées à l'employeur pour licencier ou recruter, ils tiennent d'abord à l'employabilité et en la capacité des travailleurs à se former tout au long de la vie (pas seulement à l'école).
Le CICE doit servir à la formation et non pas à détruire des emplois
Les discussions actuelles sur le travail doivent porter sur le financement de la formation via le CICE. Le Parlement vient de démontrer (rapport de la commission des lois sur l'application de la loi du 5 mars 2014) que les entreprises disposent de moins de 6 milliards d'euros par an (et non ce montant illusoire de 32 milliards par an) et que le CPF (remplaçant du DIF) n'est pas financé.
Le Medef a certes obtenu en 2014 la fin de la cotisation obligatoire du Plan de formation (le 0.9%) et du DIF mais notre pays n'a pas réglé pour autant ses problèmes de compétitivité (et donc de compétences). Il va falloir rapidement consacrer bien plus de fonds à la formation (le premier ministre souhaite 400 h de CPF pour les salariés sans qualification mais cela représentera encore des milliards que les entreprises ou l'Etat vont devoir trouver).
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