Pour bien situer le débat, en guise d’introduction, j’ai repris ci-dessous des extraits des définitions de Wikipedia de ces trois termes tabous...
Au sens premier, le libéralisme appelé classique est un courant philosophique né dans l’Europe des Lumières aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui repose sur l’idée que chaque être humain possède des droits naturels sur lesquels aucun pouvoir ne peut empiéter, qui sont le droit à la vie, la liberté et la propriété. En conséquence, les libéraux veulent limiter les prérogatives de l’État et des autres formes de pouvoir, quels qu’en soient la forme et le mode de désignation. Le libéralisme désigne des doctrines politique et économique posant la liberté individuelle comme valeur politique suprême.
Le « capitalisme » correspond à un système économique possédant une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :De manière complètement générique, le terme mondialisation désigne un processus historique par lequel des individus, des activités humaines et des structures politiques voient leur dépendance mutuelle et leurs échanges matériels autant qu’immatériels s’accroître sur des distances significatives à l’échelle de la planète. Elle consiste en l’interdépendance croissante des économies et contribue à l’expansion des échanges et des interactions humaines. La genèse du terme explique que ce processus soit le plus souvent envisagé sous le seul aspect de la mondialisation économique, développement des échanges de biens et de services, augmentée depuis la fin des années 1980 par la création de marchés financiers au niveau mondial. Toutefois s’y ajoutent :
- liberté d’entreprendre avec les risques associés
- propriété privée des moyens de production
- une certaine liberté des échanges économiques
- recherche du profit
- accumulation de capital
- salariat et développement d’un marché du travail
Or ces notions sont différentes et indépendantes. Dans les sociétés réelles, chacune d’entre elles peut exister sans les autres, et chaque trait peut être plus ou moins prononcé. En régime capitaliste, le mobile principal de l’activité économique est la recherche du profit qui trouve sa contre-partie dans le risque.
l’aspect culturel qu’apporte l’accès d’une très large partie de la population mondiale à des éléments de culture de populations parfois très lointaines d’une part et aussi la prise de conscience par les pays développés dans leur ensemble de la diversité des cultures au niveau mondial l’aspect politique que représente le développement d’organisations internationales et d’ONG Fort de ces trois définitions, dont je ne crois pas qu’elles reposent sur le moindre parti pris, on peut définir notre cher pays comme un pays non libéral qui fait passer l’intérêt supposé de la collectivité devant la notion de liberté individuelle. Malgré le mot liberté sur le fronton de nos mairies, une majorité de Français et de leurs représentants se déclare même antilibérale, ce qui signifie qu’elle considère la liberté individuelle comme une valeur politique de second ordre !
On peut également qualifier notre système économique de système mixte dans lequel cohabitent un secteur public puissant et des entreprises privées entraînant une aversion toute aussi forte d’une majorité d’entre nous pour la logique de profit et pour le risque. La sécurité (en tant que contraire du risque) ayant un coût, une grosse part de l’économie n’étant pas drivée par la logique de profit, et les profits étant la seule source viable de financement de ce coût, la contradiction, révélée de façon exponentielle par nos déficits publics, est vécue avec une forme de foi aveugle dans une capacité de la France à être immunisée contre les conséquences arithmétiques de cette antithèse !
Concernant la mondialisation (ou globalisation), nous sommes sans doute officiellement parmi les plus grands défenseurs de ses aspects culturels et politiques mais restons totalement ambigus quant à ses conséquences économiques : ravis de vendre des Airbus à la Chine ou de la maroquinerie de luxe aux nouveaux riches russes, fiers de quelques multinationales d’origine française, très forts consommateurs de produits à bas prix fabriqués par les pays émergents mais terrorisés par la moindre fermeture d’usine, la moindre concurrence apparaissant dans le paysage mondial (à l’exemple des vins du nouveau monde) et ultra-suspicieux vis-à-vis de tout capital traversant l’une de nos frontières (on blâme tout autant les Français qui décident d’investir en dehors de France que l’on accueille avec défiance les investisseurs étrangers, pourtant nombreux, qui investissent en France !).
Ce « génie français », tel que décrit fort démagogiquement par notre dumasien Premier ministre, nous vaut, à l’étranger, interrogations, incompréhensions et, de plus en plus, commisération, tant le paradoxe et les contradictions sont forts et délibérément suicidaires pour qui aurait la moindre conscience économique...
La France est un vieux pays catholique (ceci n’est pas neutre du tout, quand on le compare aux nations historiquement protestantes dont le libéralisme classique est fondateur) qui est toujours collectiviste (malgré l’échec flagrant de ces systèmes au siècle dernier). La France a séparé son Eglise et son Etat il y a cent ans mais une majorité de Français semble avoir troqué durablement sa religion pour une adulation idolâtre de son Etat collectiviste, infantilisant et irresponsable économiquement ! Certains la nomment la Grande Nurserie (cf. cet ouvrage), on pourrait hésiter entre l’orphelinat et l’hospice !
En fait, les Français regardent les phénomènes économiques sous un angle politico-moral : le libéral est machiavélique, le capitaliste satanique, et la mondialisation un grand complot organisé par les forces du mal ! A quoi cela peut-il bien servir de comprendre les mécanismes économiques, puisqu’ils sont pervers, dévastateurs et immoraux ?
Stoppons là le lyrisme et recherchons les explications... car je crois avoir identifié l’une d’elles.
Nos concitoyens, qui ont rarement étudié l’économie et à qui une élite cachotière (cf. Les mensonges...) préfère adresser de bons messages démagogico-infantilisants (plutôt que d’engager le moindre débat avec eux), sont vraisemblablement très nombreux à croire que l’économie est un jeu à somme nulle : une sorte de grand Loto où les gagnants sont des tricheurs, et les perdants dédommagés médiocrement pour leur participation honnête par les Gentils Organisateurs (qui, au passage, en gardent une bonne part pour eux-mêmes !).
La vérité est tout autre : la somme des richesses à l’échelle de la planête est immense (quelques pour cent sont localisés en France et/ou détenus par des personnes physiques ou morales françaises) et, surtout, la valeur et la nature de ces richesses évoluent de façon permanente (avec une tendance générale à l’accroissement des richesses disponibles, ce qui permet à chacun d’en avoir un peu plus...). Le jeu économique dans un système capitaliste et mondialisé (puisque c’est ainsi que le reste du monde se présente à nous !) ne consiste donc pas à chaparder les billes des autres comme le ferait un gamin plus costaud que les autres dans une cour de récréation : il consiste, en fait, à trouver les schémas par lesquels travail et capital sont le plus créateurs de valeur.
En langage de consultant ou de financier, cette création de valeur consiste à agir dans une optique d’amélioration des profits futurs. Cela peut prendre des dizaines de formes, allant de l’investissement en capital dans des infrastructures à la mise en place de services à plus forte valeur ajoutée vis-à-vis des clients d’une entreprise. Ces différents efforts, s’ils sont considérés comme pertinents et voués à la réussite, sont ensuite reflétés dans la valeur des entreprises concernées. Une démonstration très simple montre que cette création de valeur ne correspond pas à un transfert de valeur mais bien à une création pure...
Si l’on prend une société côtée en Bourse dont le capital est composé de 10 millions d’actions à 10 euros, sa valeur boursière est de 100 millions d’euros. Si un investisseur (individuel ou institutionnel) place un ordre d’achat pour 100 actions à 12 euros et qu’un actionnaire existant lui vend 100 actions à ce prix, toutes les actions de cette société valent 12 euros à l’issue de la transaction : la valeur boursière de la société a été augmentée de 20 millions en un instant (alors que seulement 1200 euros ont été échangés) et l’ensemble des actionnaires de la société ont fait une « plus-value virtuelle » de 20% (et personne n’a été volé !). Si le cours se stabilise à 12 euros au cours des transactions ultérieures, c’est que les investisseurs ont confiance dans les profits futurs de l’entreprise, la considèrent comme créatrice de valeur et la valorisent 120 millions d’euros. Si le cours revient vers 10 euros, l’investisseur à 12 euros est le seul perdant de l’histoire...
La même histoire peut être racontée dans un scénario à la baisse à 8 euros, on parle alors à l’inverse de destruction de valeur (et personne ne récupère les 20 millions d’euros qui s’évaporent aussi instantanément !)...
Les plus ronchons d’entre nous argueront que l’essentiel de la création de valeur va à l’actionnaire (donc au capital), c’est vrai et faux. C’est vrai si les salariés ne s’intéressent pas à l’économie, mais il y a en fait partage. Une entreprise créant de la valeur est souvent fortement embaucheuse, a des marges de manoeuvre permettant d’augmenter les salaires, peut verser participation et intéressement aux bénéfices, délivre également plus-values, voire des dividendes à ses actionnaires salariés (cf. Actionnariat salarié...) et ceux-ci peuvent également épargner plus et placer leur épargne dans des instruments à forte espérance de gain...
Il est vrai qu’une partie de notre tissu économique vit une période de destruction de valeur due à la pression concurrentielle nouvelle issue de la mondialisation. Il est vrai aussi que, dans une économie des services, de l’immatériel, de l’innovation et de la connaissance dans laquelle la France peine à rentrer, le partage entre actionnaires et salariés est d’autant plus favorable aux salariés que la création de valeur dépend plus de leur travail que du capital investi !
L’économie n’est pas un jeu à somme nulle, le capitalisme mondialisé recèle au moins autant d’opportunités que de préjudices, il va nous falloir bosser, prendre des risques et réformer notre cher pays pour en voir les bénéfices et cela n’a pas vraiment l’air d’intéresser nos candidats à la présidentielle ! La réussite économique serait-elle un objectif de second ordre, comme la liberté individuelle une valeur politique de second rang ?