Mouvement Démocrate : quelle physionomie, quelle stratégie d’alliance ?
Après le très grand succès de sa campagne présidentielle, François Bayrou se retrouve au pied du mur, alors qu’il tente de concrétiser les attentes de son électorat à travers un nouveau mouvement politique central. Cette tribune a pour ambition d’une part de suggérer une structuration de ce futur « Mouvement Démocrate » en cohérence avec la diversité de l’électorat rassemblé à l’élection présidentielle, et d’autre part de suggérer une stratégie d’alliance originale et adaptée en vue des élections législatives.
La campagne présidentielle menée par François Bayrou a été une très large réussite.
Le simple fait qu’il soit passé du statut de « petit candidat » à 6 % dans les sondages, au statut de finaliste et vainqueur potentiel, pour finir finalement avec une troisième place et 18,6 % à l’arrivée, en témoignage. Cette prouesse s’est en outre accomplie dans un contexte de très forte bipolarisation, et d’effondrement voire d’atomisation des autres candidats alternatifs aux deux grands favoris, laissant même un candidat aussi solidement établi que Jean-Marie Le Pen sur le carreau. Il s’agit là de la preuve claire que le projet porté par François Bayrou correspondait à une attente profonde d’une partie de l’électorat.
François Bayrou a réussi à proposer un projet original et sérieux, et à conduire avec beaucoup de courage et en prenant tous les risques une campagne très innovante.
Avant tout, c’est le message de rassemblement de toutes nos forces, le nécessaire dépassement des clivages et des postures, afin de nous mettre en situation de construire un nouveau projet de société à même de répondre aux grands défis actuels, qui est le message fort ayant permis à François Bayrou de faire mouche au court de cette campagne.
Ce message de rassemblement a été l’un des trois grands moments forts et constructifs de cette très longue campagne, avec le « moment écologique » porté par Nicolas Hulot, qui a fait prendre conscience à une très large majorité de français des menaces qui pèsent sur la survie de notre planète, et le « moment démocratique » des « débats participatifs » de Ségolène royal, qui a traduit une demande de « plus démocratique » du pays et de « faire de la politique autrement » (thématique que François Bayrou a également largement contribué à développer).
Le « Mouvement Démocrate » : un nouvel acteur politique pertinent autant qu’essentiel pour la vitalité des forces politiques françaises
Ce sont près de 7 millions de français qui ont adhéré au message porté par François Bayrou et à sa démarche nouvelle. Il s’agit de 1 millions et 200000 électeurs de plus que ce qu’a rassemblé Jacques Chirac au 1er tour de l’élection présidentielle de 2002.
Ce mouvement se doit de pouvoir s’inscrire sur long terme dans le paysage politique de notre pays, et jouer un rôle important dans le jeu politique.
L’existence sur l’échiquier politique d’un mouvement occupant un espace allant du centre-gauche au centre-droit, est indispensable non seulement pour représenter l’électorat qui s’est reconnu en François Bayrou, mais peut-être surtout pour que les messages qu’il a portés puissent être entendu et intégrés dans les pratiques et projets politiques des autres partis.
Une telle force politique, même limitée en termes d’élus, agirait comme aiguillon auprès des deux grands partis de gouvernement, en exerçant une pression concurrentielle qui contraindrait le PS comme l’UMP à évoluer dans le bon sens.
D’une part, le PS aurait une contrainte encore plus forte d’opérer sa nécessaire rénovation, sous peine de voir définitivement capté l’électorat de centre-gauche par ce nouveau parti.
D’autre part, la concurrence électorale de ce parti central éloignerait l’UMP et Nicolas Sarkozy d’une éventuelle tentation de poursuivre sa dérive vers une « droite extrême », sous peine de se voir ravir l’électorat de droite modérée dans les échéances électorales futures.
Toutefois, et malgré la très franche réussite de leur campagne présidentielle, François Bayrou et ses proches s’apprêtent à traverses des moments très difficiles avec les élections législatives qui se profilent. Paradoxalement, va se jouer la survie politique d’un homme et d’un mouvement qui viennent de connaître un succès éclatant au premier tour de l’élection présidentielle.
Une physionomie du « Mouvement Démocrate », et une stratégie d’alliance découlant des trois pôles de l’électorat de François Bayrou
Les résultats du premier comme du second tour des élections présidentielles font apparaître un trait remarquable de l’électorat de François Bayrou : le parfait équilibre entre les deux pôles d’électeurs venus du centre-droit et du centre-gauche, auquel il faut semble-t-il ajouter un troisième pole d’électeurs qui ne souhaite plus se définir par rapport à ce clivage.
En conséquence, afin de capitaliser sur les résultats de l’élection présidentielle et poursuivre la démarche engagée, il paraît indispensable de maintenir une cohérence entre ce nouvel électorat élargi de François Bayrou, la composition du nouveau parti en terme de militants comme d’élus, et le large rassemblement que nécessitera la poursuite de la construction de ce nouveau projet de société.
Bien évidemment, la traduction en terme d’élus aux législatives de la diversité de l’électorat que François Bayrou a su rassembler autour de lui, sera plus que difficile à réaliser. Le scrutin majoritaire, profondément injuste, renforce considérablement le clivage bipolaire gauche-droite, et rend virtuellement impossible la juste représentation politique d’un mouvement, même soutenu par 7 millions d’électeurs, qui refuse les alliances avec l’un des deux grands blocs.
Cette tribune vise à tenter de suggérer des solutions propres à combiner d’une part l’exigence de représentation des différents pôles de l’électorat de François Bayrou, et d’autre les contraintes du scrutin majoritaire.
Ces suggestions sont :
- de constituer le futur « Mouvement démocrate » en trois pôles, ayant chacun une certaine autonomie,
- de proposer à la fois au PS et à l’UMP une stratégie d’alliance originale en vue des élections législatives
Physionomie du « Mouvement démocrate » : trois pôles partiellement autonomes
Tout d’abord, en cohérence avec la composition de l’électorat de François Bayrou, le futur « Mouvement démocrate » devrait se constituer en 3 pôles, ayant chacun une certaine autonomie, mais formant un tout cohérent avec son électorat de l’élection présidentielle :
1- un « pôle libéral-démocrate », ou « pôle centre droit »,
espace destiné à représenter les 40% de l’électorat de François Bayrou qui s’est reporté au second tour sur Nicolas Sarkozy.
Ce « pôle centre droit » pourrait rassembler les députés de l’ancienne UDF qui ont soutenu Nicolas Sarkozy au second tour, et souhaitent signer le pacte présidentiel.
Cela leur permettrait d’accéder à leur volonté légitime de s’engager dans la future majorité présidentielle, tout en restant membres, à travers un pôle partiellement autonome, de la grande famille démocrate.
2- Un « pôle social-démocrate », ou « pôle centre-gauche »,
espace destiné à représenter les 40 % de l’électorat de François Bayrou qui s’est reporté au second tour sur Ségolène Royal.
La traduction électorale de ce pôle serait bien entendu à construire, à partir de nouveaux acteurs politiques, ainsi que d’élus de gauche déçus par les partis traditionnels. Ce pôle pourrait choisir de créer des liens avec une gauche traditionnelle en voie de réformation profonde.
3- Un « pôle refondateur », ou « pôle centre »,
espace destiné à représenter les 20 % de l’électorat de François Bayrou qui ont continuer à refuser au second tour de se définir par rapport à l’offre gauche droite.
Cet électorat présente peut-être l’aspiration la plus forte à une refondation radicale des pratiques politiques. Ce pôle pourrait rassembler des élus qui refusent également de se définir par rapport à ce clivage.
Pour les prochaines législatives : une stratégie de double alliance logique et originale
En conséquence, à partir d’une telle composition plurielle en 3 pôles ayant chacun une marge d’autonomie, il est possible d’envisager de négocier un double accord électoral pour les législatives, d’une part avec l’UMP et d’autre part avec le PS, portant à chaque fois sur un nombre limité de circonscriptions :
1- L’accord électoral avec l’UMP porterait essentiellement sur les circonscriptions de la vingtaine de députés UDF qui souhaitent rejoindre la majorité présidentielle, moyennant en contrepartie un soutien et une participation à la future majorité présidentielle.
2- L’accord avec le PS pourrait porter sur quelques dizaines de circonscriptions, de la manière suivante :
* pour un certain nombre de circonscriptions actuellement détenues par la gauche, et fortement menacées par la dynamique de l’élection présidentielle : soutien officiel dès le premier second tour du « Mouvement Démocrate » pour le candidat PS sortant,
* en contrepartie, pour un certain nombre de circonscriptions actuellement « sociologiquement équilibrées » mais actuellement détenues par l’UMP, et sur lesquelles un candidat centriste soutenu par le PS aurait des chances de victoire (par exemple des circonscriptions à gauche en 1997, et ayant basculé de justesse en 2002) : soutien dès le premier tour du PS au candidat investi par le « Mouvement Démocrate ».
En ce qui concerne le premier accord, il s’agirait ni plus ni moins que d’accepter le « pacte » proposé par la nouvelle majorité présidentielle, tout en conservant les parlementaires de l’ancienne UDF au sein du nouveau « Mouvement Démocrate ».
En ce qui concerne le second accord, il s’agirait d’un pacte gagnant-gagnant pour le PS, permettant à ce dernier d’augmenter substantiellement ses chances de conserver quelques circonscriptions menacées, tout en renonçant à une représentation sur quelques autres circonscriptions que de toute manière la dynamique des élections présidentielles l’empêchera de reconquérir.
Cette stratégie de double alliance est cohérente non seulement avec l’électorat de François Bayrou, mais également avec la nouvelle manière de faire de la politique que François Bayrou tente d’installer dans le paysage.
Enfin, la réussite de ce nouveau schéma d’alliance impose d’entreprendre très rapidement des négociations avec les deux autres parties (PS et UMP). Attendre l’entre-deux tours des législatifs, espace trop court pour procéder à une telle innovation, serait bien trop tardif, et vraisemblablement improductif (a fortiori si cette stratégie n’est pas préparée à l’avance par des discussions auprès des deux autres parties).
Il est bien évident que cette stratégie sera très difficile à négocier, bien qu’en principe gagnante pour toutes les parties impliquées. François Bayrou étant une situation de faiblesse, la tentation est évidemment très forte au PS et surtout à l’UMP de tenter de l’éradiquer électoralement.
Toutefois, il m’apparaît qu’il s’agit là de la seule stratégie envisageable qui permettrait au « Mouvement démocrate » d’exister en tant que groupe à l’Assemblée nationale, et de pouvoir se développer électoralement de façon cohérente avec l’électorat des présidentielles.
Le maintient en triangulaire de candidats centristes autonomes, qui arriveront pour la quasi-totalité au mieux en 3ème position au 1er tour des législatives, serait un suicide politique. Un simple accord de désistement au profit du candidat arrivé en 1re ou 2nde position ne serait pas beaucoup plus productif.
Un pari risqué ; et, au bout, un espoir déçu ?...
Il serait absolument anormal, et tout à fait dommageable pour la nécessaire modernisation des projets, des pratiques, et des structures de la vie politique Française, tout comme pour le renouvellement de ses acteurs, que le mouvement d’adhésion au projet et à la démarche de François Bayrou ne puisse pas se concrétiser à travers un grand parti politique à même de représenter la diversité de cet électorat, et en état de jouer son rôle d’acteur important de la vie politique Française.
Ce sont près de 7 millions de Français qui se sont reconnus derrière le projet et la démarche originale de François Bayrou. C’est un projet de large rassemblement afin de construire le nouveau projet de société humaniste de la France du XXIe siècle, et c’est un message de rénovation en profondeur des pratiques politiques, auquel ont adhéré ces électeurs, et qu’il serait logique de poursuivre à travers le développement d’un grand parti central.
Quel que soit le résultat de ce défi qui s’annonce périlleux, l’espoir que François Bayrou a réussi à faire naître est fort, il correspond à une attente profonde du pays, et ne s’éteindra pas quoi qu’il en soit si rien ne change.
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