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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Les grands concertos pour orgue

Les grands concertos pour orgue

L’orgue est assurément un instrument à part, avant tout dédié à la célébration des offices religieux dans les églises. C’est là qu’était – et qu’est encore assez largement - sa place naturelle. Les compositeurs ont pourtant peu à peu réussi à affranchir l’orgue de ce seul rôle rituel pour lui donner une dimension concertante profane. Voici un florilège de concertos pour orgue qui, comme tous les exercices de ce genre, n’engage que son auteur...

L’organisation d’un concert destiné à l’orgue et à l’orchestre pose, on l’imagine aisément, des problèmes particuliers, et peu de salles possèdent un orgue de grande qualité ou disposant des « jeux » exigés par telle ou telle partition concertante. C’est sans doute la raison pour laquelle le répertoire de l’orgue est beaucoup moins étoffé que celui des instruments solistes de l’orchestre, excepté dans le domaine des musiques sacrées (messes, cantates, oratorios, motets) où la richesse sonore de ses timbres et l’amplitude des sons produits servent parfaitement la solennité des rites religieux. Il y a pourtant dans le répertoire concertant dédié à l’orgue de superbes opus. 

Il est impossible de résumer en quelques mots l’évolution, au fil du temps, d’un instrument à vent aussi complexe que l’orgue dont le « buffet » en bois recèle bien des secrets, à commencer par la soufflerie, de même que les différents tuyaux, ici à bouche biseautée telles les flûtes à bec, là à anche libre tels les hautbois, ou à anche battante telles les clarinettes. Mais que ce soit dans ses formes les plus anciennes, sans pédales ni jeux étendus, dans ses formes plus évoluées, augmentées de « jeux gambés » destinés à reproduire les sons des cordes, ou dans ses versions contemporaines les plus perfectionnées, l’utilisation de cet instrument dans la musique concertante ne s’est jamais totalement démentie, malgré un intérêt moindre des compositeurs pour cet exercice au cours du 19e siècle. L’aventure débute tout naturellement dès la période baroque.

Si l’on excepte Antonio Vivaldi (1678-1741) dont on ne connaît que des doubles ou triples concertos faisant appel à l’orgue, et probablement destinés à être joués par les demoiselles de La Pietà, c’est en effet à Georg Friedrich Haendel (1685-1759), lui-même organiste de grand talent, que l’on doit la première incursion dans le domaine de l’orgue concertant. Dès 1730, il écrit des œuvres destinées à servir d’intermèdes aux oratorios qu’il a composés. Avec 16 concertos dédiés à cet instrument, principalement groupés dans les opus 4 et 7 du compositeur, Haendel nous offre une belle illustration de son génie créatif, et l’on comprend pourquoi Beethoven avait une admiration sans borne pour lui. Le concerto en sol mineur opus 4/1 et plus encore le concerto en si bémol majeur opus 7/1 illustrent parfaitement cette incontestable réussite, marquée par la virtuosité, la gaîté et un incontestable charme mélodique.

Jean Sébastien Bach (1685-1750) tient évidemment une place de tout premier plan dans le répertoire des grands organistes, et pas seulement pour ses préludes, toccatas, fugues et autres chorals. Bach n’a jamais composé de concerto pour orgue, les 5 œuvres inscrites à son catalogue étant des transcriptions de partitions de Vivaldi et du prince de Saxe-Weimar. La plus remarquable de ces œuvres est incontestablement le concerto en ré mineur, en réalité une transcription-réduction pour orgue seul du concerto pour 2 violons, violoncelle et cordes opus III/11 tiré du fameux recueil L’Estro Armonico de Vivaldi. L’orgue dialogue ici avec lui-même dans ce qu’André Isoir qualifie de « Chef d’œuvre chez Vivaldi, et sommet de la série transcrite par Bach ». D’aucuns préfèrent le concerto en la mineur, lui aussi transcrit et réduit à partir d’un autre concerto de L’Estro Armonico (opus III/6), composé par Vivaldi pour 2 violons et cordes. À chacun de juger.

Relativement méconnu en France, l’organiste bohémien František Xaver Brixi (1732-1771), titulaire durant 44 ans de l’orgue de la cathédrale Saint-Guy de Prague, a principalement composé des messes et autres pièces religieuses comme le voulait sa charge. Mais c’est moins à ces œuvres sacrées qu’il doit aujourd’hui sa notoriété qu’à ses 8 concertos pour orgue qui occupent une place de choix dans le répertoire. Tous sont caractérisés par une remarquable inspiration mélodique qui a valu à Brixi une grande popularité en son temps et le respect sincère du jeune Mozart. Le concerto pour orgue et orchestre en fa majeur est sans doute celui qui illustre le mieux le talent de ce compositeur.

Également connu dans une version pour flûte, le concerto pour orgue en sol majeur de Carl Philip Emmanuel Bach (1714-1788), composé peu après 1750, fait partie des œuvres favorites des organistes. Il est ici interprété de superbe manière par l’Orchestre de chambre Jean-François Paillard et l’inoubliable Marie-Claire Alain. Enjouée, brillante, cette œuvre de celui que beaucoup considèrent comme le plus doué des fils Jean Sébastien Bach mérite incontestablement sa place dans les anthologies de l’orgue concertant.

L’organiste, pédagogue et éditeur de musique Michel Corrette (1707-1795) a écrit 6 concertos pour orgue qui ont fait de lui le pionnier du genre en France après que Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755) ait ouvert la voie de la musique concertante dans notre pays. Ces œuvres sont groupées dans l’opus 26, publié en 1756. Encore très marquées par l’écriture baroque, elles témoignent d’un sens inné de la mélodie et d’un remarquable savoir-faire qui justifient pleinement que ce compositeur émerge peu à peu du trop long oubli dans lequel il était injustement confiné, sans doute victime de la légèreté de ses « Concertos comiques » reprenant ou paraphrasant des chansons populaires pour chasser la « mélancolie ». Il est difficile de détacher un concerto de cet opus 26. Eu égard à la brièveté des œuvres (8 à 12 minutes), le mieux est encore de les écouter toutes, par exemple dans l’excellente version (lien) qu’en ont gravé René Saorgin et l’Ensemble baroque de Nice.

Antonio Soler (1709-1783) est un cas à part. Les 6 concertos de ce compositeur espagnol, destinés à être joués en duo avec l’Infant Gabriel, appartiennent en effet à un genre particulier. Pas d’orchestre ici, mais 2 orgues (ou deux clavecins) qui se répondent dans un dialogue galant, tout à la fois joyeux et brillant, aux antipodes de l’ambiance austère de l’Escurial où, sous l’œil de l’Inquisition, vivait et composait le Padre au service de l’Infant d’Espagne. Le concerto n°3 en sol majeur est une excellente illustration du style du compositeur, directement influencé par le très fécond Domenico Scarlatti (1685-1757).

Dans l’immense production de Joseph Haydn (1732-1809), difficile de dire combien le génial musicien a composé de concertos pour orgue (ou clavecin) et orchestre. Les musicologues s’accordent toutefois à considérer comme incontestables les concertos numérotés de 1 à 6 dans le groupe XVIII de la nomenclature Hoboken, le n°7 étant la transcription d’un trio antérieur. Composés avant l’entrée à la cour du Prince Esterhazy en 1761, ces concertos sont intéressants en cela qu’ils montrent une inspiration de transition entre le baroque, dont Haydn se détachait de plus en plus, et cette écriture classique dont il allait devenir sinon le père fondateur, du moins le pilier le plus emblématique avant l’avènement gu génial Mozart. Le concerto n°1 en ut majeur et le concerto n°2 en ré majeur illustrent bien le talent mélodique du jeune Haydn et l’on comprend, à leur écoute, comment a pu se développer l’engouement pour celui qui allait devenir l’un des plus grands compositeurs de l’Histoire.  

Principalement réputé de son temps pour ses talents d’organiste, le Bohémien Johann Baptist Vanhal (1739-1813) a laissé à la postérité un concerto pour orgue et orchestre à cordes en fa majeur qui mérite de figurer dans les anthologies du genre et permet de mieux comprendre l’estime que lui portait Mozart. Composé, de manière très classique, en trois mouvements (allegro moderato, adagio, finale allegro), ce concerto est une illustration parfaite du style galant qui prévalait alors dans les cours des rois et des princes.

Écrit, probablement en 1779, pour la pianiste aveugle Theresa von Paradis, le séduisant concerto pour orgue et orchestre en ut majeur d’Antonio Salieri (1750-1825) est une œuvre en deux parties (allegro ma non molto, allegro assai) dont l’effectif est déjà beaucoup plus coloré, notamment par l’apport des trompettes. Un véritable plaisir d’écoute pour les amateurs.

On doit à Josef Gabriel Rheinberger (1839-1901) non seulement deux concertos pour orgue, mais aussi d’avoir été l’un des principaux moteurs de la renaissance de cet instrument, assez largement tombé en désuétude au cours du 19e siècle. Paradoxalement, le 1er concerto en fa majeur opus 137, d’une couleur résolument sombre, donne moins la parole à l’orgue que le second, écrit en mode mineur. D’une remarquable richesse mélodique, le 2e concerto pour orgue en sol mineur opus 177, créé à Munich en décembre 1894 sous la direction de Richard Strauss, s’inscrit déjà résolument dans le post-romantisme. Il demande une grande virtuosité à l’organiste, mais lui procure également une réelle satisfaction, comme le confirme le célèbre élève de Rheinberger, le médecin et organiste Albert Schweitzer  : « J’ai rarement joué de l’orgue avec autant de plaisir que lorsque j’ai interprété votre concerto. » On croit sans peine le bon docteur.

Bien qu’elle ne soit pas dénommée « concerto », la symphonie pour orgue et orchestre écrite en 1924 par Aaron Copland (1900-1990), alors qu’il étudiait encore la composition auprès de Nadia Boulanger, prend toute sa place ici, à la fois pour la grande qualité de son inspiration et pour sa structure originale. Composée de 3 mouvements de longueur croissante, cette « symphonie » débute par une sorte d’élégie pastorale qui laisse ensuite la place à une inspiration résolument moderne, et parfois jazzy, que vient conclure un final enlevé. En réalité, cette œuvre, où se côtoient des incursions contrapunctiques dissonantes, des références à l’écriture d’Igor Stravinsky, des clins d’œil à la culture de Brooklyn, et même une brève citation d’« Au clair de la lune », n’est ni un concerto ni une symphonie. Il s’agit plutôt d’une fantaisie qui n’a pas grand’ chose à voir avec la célèbre symphonie en ut mineur de Camille Saint-Saens (1835-1921) où l’orgue est délibérément une partie d’orchestre lorsqu'il intervient dans les 2e et 4e parties de l’œuvre.

Incontournable, le concerto pour orgue, cordes et timbales en sol mineur de Francis Poulenc (1899-1963) figure au répertoire de tous les grands virtuoses. Écrit, de manière atypique, en un seul mouvement comportant 7 tempos, cette œuvre maîtresse, immédiatement reconnaissable par son introduction puissante, est caractérisée par un style inspiré à Poulenc tout à la fois par la musique baroque et par l’élan spirituel qu’il ressent depuis sa rencontre avec... la Vierge noire de Rocamadour. Une première privée, avec Maurice Duruflé à l’orgue et Nadia Boulanger à la direction, a lieu le 16 décembre 1938 chez la duchesse de Polignac, commanditaire de l’œuvre. Après quelques petites retouches, la première publique intervient le 21 juin 1939 à la salle Gaveau, toujours avec Duruflé à l’orgue, mais sous la direction de Roger Désormière.

De nombreux autres compositeurs ont écrit des œuvres dignes d’intérêt pour l’orgue concertant. Parmi eux, l’on trouve notamment (dans l’ordre alphabétique) Hendrick Andriessen (1892-1981), Thomas Arne (1710-1778), Charles Avison (1709-1770), Enrico Bossi (1861-1925), Carl Heinrich Graun (1703-1759), Giuseppe Sammartini (1695-1750), ou Charles Wesley (1757-1834). À chacun d’explorer le répertoire pour constituer sa propre collection de « favoris ». Bonne écoute à tous !

 

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41 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 2 décembre 2014 10:11

    Bonjour Fergus,

    Merci pour cette ouverture musicale, utile en cette journée de ciel bas et de morosité météorologique
    On n’oublie pas la First Lady, plus interpréte que compositrice, mais quelle interprète !


    • Fergus Fergus 2 décembre 2014 11:03

      Bonjour, Zen.

      Merci pour ce commentaire et pour l’hommage à Marie-Claire Alain, la grande dame de l’orgue français, non seulement comme fabuleuse interprète reconnue par les plus grands musiciens de la planète mais également comme pédagogue. Hier soir, je réécoutais les concertos pour 2 orgues de Soler enregistrés avec Tagliavini. Un régal !


    • Garance 2 décembre 2014 10:51

      Merci Fergus pour cet article rafraichissant


      Qui permet d’oublier les vicissitudes du temps générées par des oligarques malfaisants

      Le choix de vos liens montre à l’évidence que vous êtes un mélomane sur ce genre de musique

      L’acoustique des églises et encore plus des cathédrales est quand même une chose extraordinaire ou écouter de l’orgue y devient féerique

      A écouter sans modération

      • Fergus Fergus 2 décembre 2014 11:18

        Bonjour, Garance.

        Merci à vous pour cette incursion dans le monde de l’orgue, effectivement très éloigné du spectacle trop souvent affligeant qui nous est donné par nos « élites », toutes couleurs politiques confondues.

        Le fait est qu’écouter un récital d’orgue dans un édifice religieux prend une dimension supplémentaire car à la musique s’ajoute le spectacle de l’architecture et des vitraux. Et le volume de la musique y prend une ampleur exceptionnelle. Certains athées refusent de mettre les pieds dans les églises au motif qu’ils sont d’inconditionnels ennemis de la religion : ce sont des sots !


      • Garance 2 décembre 2014 12:16

        Fergus


        Des sots ? : le mot est faible

        En partant de votre lien sur Vanhal ; je viens d’écouter tous les liens l’environnant

        La musique .... voir la joie des musiciens l’interpréter : que du bonheur.... !!!!!!

        Merci encore

        • Fergus Fergus 2 décembre 2014 13:00

          @ Garance.

          Quand la partition est bonne et le public réceptif, les musiciens prennent en effet beaucoup de plaisir à jouer. Et les spectateurs beaucoup de plaisir à écouter leur interprétation. Bref, du bonheur pour tous.

          A propos de Vanhal, si sa musique vous intéresse, voici un lien sur son célèbre concerto pour violoncelle en ré majeur.

          Merci à vous au nom des musiciens.


        • ahtupic ahtupic 2 décembre 2014 13:57

          Je ne suis pas mélomane mais, Fergus, pourriez-vous nous faire un ou plusieurs articles sur les concertos pour pipeau que nous ont joués d’abord Sarkozy puis la reprise en do mineur de Flamby.  smiley


          • Fergus Fergus 2 décembre 2014 16:30

            Bonjour, Ahtupic.

            Nous sommes tous en mesure d’apprécier à leur juste valeur les compositions pour pipeau de Sarkozy et Hollande. Le premier nommé est d’ailleurs en train décrire, pour cet instrument, un nouvel opus dont il a donné quelques extraits ces dernières semaines.

            Blague à part, il existe un vrai compositeur nommé Sarközy. On lui doit notamment une symphonie concertante pour clarinette et orchestre. Son prénom : Istvan.


          • LeGluonDuPoste LeGluonDuPoste 2 décembre 2014 13:59

            Hello,

            j’adore l’orgue (pleins de Naxos chez moi) mais quand vous dites :

            Relativement méconnu en France, l’organiste bohémien František Xaver Brixi (1732-1771), titulaire durant 44 ans de l’orgue de la cathédrale Saint-Guy de Prague

            Donc, avoir tenu cette charge pendant 44 ans alors que sa durée de vie est de 39 ans ... ça parait curieux ... smiley

            Bien à vous ... intéressant sinon ...  smiley


            • Fergus Fergus 2 décembre 2014 16:42

              Bonjour, LeGluon.

              Houla, quelle belle coquille ! Merci de me l’avoir signalée. Brixi est devenu organiste de Saint-Guy en 1749 et a gardé cette fonction jusqu’à sa mort en 1771. C’est donc 22 ans et non 44 qu’il fallait lire. Toutes mes excuses aux lecteurs d’AgoraVox.

              Brixi est d’ailleurs un homme de record : sur un site, je me souviens l’avoir vu né en 1732, ce qui est exact, mais décédé en... 1731 ! Trop fort, non ?


            • Diogène diogène 2 décembre 2014 14:05

              Bonjour Fergus.

              Comment faîtes-vous pour écouter et apprécier l’orgue chez vous ?

              La difficulté pour l’orgue, plus que tout autre instrument, c’est qu’il faut disposer d’’un matériel de grande qualité et d’une maison isolée pour l’écouter chez soi.

              Et les concerts n’ont lieu que là où l’instrument est présent : il ne se déplace pas.

              Ces deux contraintes restreignent les possibilités d’auditions dans des conditions satisfaisantes.

              • LeGluonDuPoste LeGluonDuPoste 2 décembre 2014 14:20

                il y a toujours le casque ...


              • Diogène diogène 2 décembre 2014 14:36

                Ce qui me procure le plus de plaisir dans la musique d’orgue est physique, et pas seulement esthétique ou intellectuel. 


                Les fréquences basses en particulier provoquent des vibrations dans le diaphragme et résonnent avec la cage thoracique au point de provoquer des frémissements dans le dos.
                Après la dernière note de la toccata et fugue en ré mineur de Bach, je suis « sonné », comme un boxeur KO.
                En ce qui me concerne, c’est cette réalité qui me procure le plus grand plaisir.

                Un casque ne permet pas ça. Il ne fait de l’effet que sur les oreilles, pas sur l’ensemble de la personne !

              • ahtupic ahtupic 2 décembre 2014 14:48

                Et Flamby le scooter. smiley


              • Fergus Fergus 2 décembre 2014 16:53

                Bonjour, Diogène.

                Je suis bien d’accord avec vous, on ne profite pleinement de l’orgue qu’en concert dans une salle de grande qualité acoustique ou un édifice religieux. Pour autant, doit-on se passer de l’écoute de certaines œuvres que l’on aime au motif que les conditions ne sont pas optimales ?

                C’est d’ailleurs également vrai - dans une moindre mesure toutefois - pour les œuvres symphoniques qui font appel à toutes les ressources de l’orchestre en matière de cuivres, de vents et de timbales. Ecouter la musique de Stravinsky chez soi, c’est l’assurance de ne pas ressentir la même chose qu’en concert.

                Hélas, on ne peut être très souvent présent à des concerts, particulièrement lorsque l’on cherche des interprétations par des musiciens de niveau international. Question de disponibilité, mais aussi de moyens financiers. C’est pourquoi, par la force des choses, on écoute ses meilleurs vinyles et CD chez soi, le cas échéant avec un casque comme cela a été dit un peu plus haut.


              • Fergus Fergus 2 décembre 2014 16:59

                Cela dit, je suis moi aussi sensible à la sensation physique que l’on ressent en écoutant certaines pièces à l’orgue, notamment lorsque sont mis en œuvre les grands jeux de basse. On a alors l’impression d’être totalement immergé au cœur de la musique, et seul l’orgue procure cette sensation de plénitude et de puissance irrésistible. L’image du « KO » me semble juste pour décrire l’impression qui suit l’extinction progressive des sons dans une nef de cathédrale.


              • mmbbb 7 décembre 2014 22:22

                Le tout est d’avoir une bonne chaine Les tres bonnes chaines dans le commerce sont tres cheres Je suis en train de finir des bafles de forme ronde a l’arriere et en beton pour qu’il n’y est aucune resonnance J’utilise du PHL audio une marque francaise de renom dont les hauts parleurs peuvent balancer du 116 db en continu( pression sonore ) avec un faible taux de distorsion avec un rendement de 97 db En medium et aigu du ruban et au printemps je finirai le tout par un ampi a lampe schema eprouve et des composants de qualite J’aime ecouter de la musique mais les sytemes moyens sont trop decevant a l’ecoute


              • wesson wesson 2 décembre 2014 14:08

                bonjour Fergus 


                « Les compositeurs ont pourtant peu à peu réussi à affranchir l’orgue de ce seul rôle rituel pour lui donner une dimension concertante profane. »

                peut-être que cela aurait quelque chose à voir avec le fait que les orgues tubulaires sont principalement dans les églises.

                Pour raison de « basket » et de sport en salle, les Américains ont mis pas mal d’orgues tubulaires dans les salles de sport. Ils y ont même construit le plus grand orgue tubulaire du monde, aujourd’hui très endommagé et plus fonctionnel. Toutefois, leur réalisations en qualité et en sonorité n’as jamais égalé celle des instruments d’églises.

                Allez, pour le mélomane, une petite musique de profane (!) qui fut adaptée à l’orgue tubulaire : la danse macabre de Camille Saint-Saëns (à écouter sur du bon matos qui ne craint pas les basses puissantes, malgré une prise de son un peu limite)

                • Fergus Fergus 2 décembre 2014 17:29

                  Bonjour, Wesson.

                  Le mariage de l’orgue et de l’église est né de l’impossibilité pour les communautés religieuses ou les prêtres dans leurs paroisses de s’appuyer en permanence sur des orchestres pour chanter les offices religieux. On a d’abord fait appel à l’orgue « portatif » et à l’orgue « positif » qui, en évoluant et en fusionnant leurs possibilités, ont donné naissance aux premiers véritables orgues, ceux qui ont inspiré les compositeurs baroques. L’orgue était d’autant plus apprécié pour les rites religieux qu’en plus d’accompagner les chœurs, il donnait de la pompe aux offices et impressionnait les ouailles. Il servait donc parfaitement les desseins des prélats.

                  Et ce n’est pas un hasard si Vivaldi a été l’un des tous premiers à composer des œuvres profanes concertantes pour l’orgue, associé au violon ou au hautbois. Malgré sa charge au service de l’Eglise, et donc à l’écriture de nombreuses pièces destinées aux rites, le « prêtre roux », d’une dévotion très limitée, développait une créativité extraordinaire et composait pour quasiment tous les instruments existants afin de toujours plus approfondir l’expérience musicale des Demoiselles de la Pieta (pour la plupart des orphelines) qu’il était chargé d’instruire. Avec l’entrée en lice d’Haendel dans ce type d’exercice, la voie était tracée, le baroque ayant marqué la fin de la prédominance de la musique sacrée au profit de la musique de cour, le plus souvent divertissante, soit pour égayer les banquets (Tafelmusik) et les bals, soit pour fêter des évènements, à l’image des célèbres Water Music et Royal Fireworks Music.

                  Merci pour le lien sur la Danse macabre. Aussi intéressante soit cette transcription, elle ne rend malheureusement pas toute la subtilité de l’œuvre de Saint-Saëns. Mais ce n’est qu’un avis personnel.


                • brieli67 2 décembre 2014 20:45

                  Danke Merci d’évoquer J.Gabriel von Rheinberger aux choeurs et orgues chevillés au corps.

                  très prolixe et très pédagogue --- 
                  l’orgue et l’art lyrique au sommet - 

                  Connaissez vous Leo Sowerby - un autre monde 
                  un peu Hollywood certes....
                  mais j’ aime bien.

                  • Fergus Fergus 2 décembre 2014 22:27

                    Bonsoir, Brieli.

                    Rheinberger a fait énormément pour l’orgue, et pas seulement en composant deux concertos de grande qualité, comme l’a souligné Schweitzer. Dommage qu’il soit si méconnu en dehors du cercle des amateurs d’orgue.

                    Pour ce qui est de Sowerby, j’ai failli le citer en fin d’article. Le fait est que sa musique est plaisante mais donne effectivement l’impression d’avoir été écrite pour le cinéma. Le paradoxe est qu’il n’a, à ma connaissance, pas composé pour le 7e art, contrairement à Copland.


                  • Pascal L 2 décembre 2014 22:15

                    Merci pour cet excellent article qui m’a fait découvrir que je connaissais très mal ce répertoire alors que je suis organiste (amateur). C’est vrai que je n’ai pas souvent l’occasion de disposer d’un orchestre - juste une fois pour le concerto de Haendel op4 n°6 en sib - et je dois me contenter de transcriptions pour élargir mon répertoire vers l’orchestre.

                    Encore une petite erreur dans l’article, je met le hautbois avec les anches battantes. Les anches libres fonctionnent comme l’harmonica, mais avec un résonnateur digne de ce nom. On n’en trouve plus guère du fait de la difficulté à bien les harmoniser et de leurs attaques un peu lentes mais reviennent un peu à la mode pour faire un jeu d’anches très doux (Ophicléide par exemple).

                    • Fergus Fergus 2 décembre 2014 22:38

                      Bonsoir, Pascal.

                      Merci pour votre commentaire.

                      Vous avez raison pour le hautbois qui fonctionne avec une anche double battante. J’aurais décidément dû mieux relire mon texte.


                    • Antoine 3 décembre 2014 00:20

                        Fergus, bravo pour cet article sur les concertos pour orgue et orchestre auxquels vous assimilez les oeuvres concertantes bien qu’il s’agisse d’un alliage plutôt délicat par nature mais vous avez tout de même oublié des pointures comme Guilmant, Widor, Dupré et surtout Guillou. Vous auriez même pu citer des oeuvres d’orgue pour orchestre, les symphonies de Bruckner !


                      • Fergus Fergus 3 décembre 2014 09:17

                        Bonjour, Antoine.

                        On peut toujours débattre d’une classification telle que « œuvre concertante » car en effet, dans certains cas, cette appellation est discutable. Cela n’est pas le cas des productions de Soler qui sont, elles, parfaitement concertantes tout en se passant de dialogue avec des cordes et, a fortiori, un orchestre. En revanche, l’œuvre de Copland citée ici n’a qu’un rapport assez lointain avec un concerto au sens où l’on entend généralement ce mot.

                        J’ai pensé évoquer Widor pour ses « symphonies pour orgue », mais ces œuvres n’ont quasiment aucun rapport avec mon propos et sont donc complètement hors sujet. D’une certaine manière, l’on peut même dire qu’elles forment un genre musical particulier.

                        Quant aux partitions de Guilmant, Dupré et Guillou (que j’ai entendu naguère à Saint-Eustache), je ne les considère tout simplement pas au niveau des œuvres évoquées dans cet article. Un article dont, je le rappelle ici car c’est important, ne prétend pas dresser une anthologie, mais mettre en valeur un florilège qui reflète un goût particulier : le mien. Et je respecte évidemment les goûts des autres, à commencer par le vôtre.


                      • Antoine 4 décembre 2014 00:19

                          Fergus, j’ai du mal à comprendre que Widor vous paraisse hors sujet alors que vous intégrez Saint-Saëns. Quant aux autres comme par exemple Guilmant (Widor aussi d’ailleurs), ses compositions pour orgue et orchestre dépassent quelque part les modestes concertos chambristes de Handel et d’autres comme Mozart..


                      • Fergus Fergus 4 décembre 2014 08:40

                        Bonjour, Antoine.

                        Je n’ai pas intégré Saint-Saëns, je l’ai mentionné de manière incidente. J’’aurais certes pu le faire également pour Widor (j’y ai d’ailleurs pensé), mais ses « symphonies » sont très loin d’atteindre à mes oreilles la qualité de la symphonie avec orgue de Saint-Saëns, et encore plus éloignées de la finalité musicale d’un concerto.

                        Pour ce qui est des autres compositeurs, je comprends fort bien que vous placiez leurs opus plus haut que certaines œuvres de Haendel ou Mozart, mais on touche là à des sensations personnelles qui ne peuvent être arbitrées par quiconque.


                      • Antoine 4 décembre 2014 22:36

                           Fergus, la frontière entre concerto et oeuvre concertante est floue dans l’histoire de la musique, par exemple le premier concerto pour violon de Szymanowski baptisé concerto mais pourrait être aussi bien baptisé symphonie concertante. Les concertos pour orgue de Haendel sont pleins de charme mais ne relèvent pas de la même dimension et donc catégorie.


                      • Fergus Fergus 4 décembre 2014 23:15

                        Bonsoir, Antoine.

                        J’ai déjà moi-même pointé la difficulté à différencier parfois le concerto de la symphonie concertante.

                        Peu importe la manière dont on nomme les concertos de Haendel, le fait est qu’ils offrent un réel plaisir d’écoute, et cela seul compte.


                      • Antoine 4 décembre 2014 23:28

                           Cette fois Fergus, je suis en plein accord avec vous. Au sujet de Godard, je ne voulais pas offenser votre sono mais le point dominant de ses concertos réside dans l’usage exemplaire des basses, ce qui nécessite des moyens adéquats de reproduction et à défaut le plat va manquer singulièrement de sel !


                      • Pascal L 3 décembre 2014 11:17
                        Il existe aussi un concerto de Jean-Pierre Leguay si on cherche l’exaustivité.

                        Les relations entres les musiciens d’orcheste et les organistes sont souvent très mauvaises. Cela est du en grande parti au fait qu’à la fin des phrases musicales, les musiciens d’orchestre diminuent la puissance de leurs instruments alors que l’orgue continue au même niveau et finit par passer au dessus des autres instruments.
                        Par ailleurs, beaucoup de chefs d’orchestre ont une oreille analytique et entendendent séparément tous les tuyaux. Sachant que sur une même note on peut avoir des tuyaux qui donnent un son d’octave, de douzième ou de dix-septième avec leurs octaves respectives et que les accords peuvent avoir jusqu’à 12 notes (avec les deux pieds), cela fait une belle cacophonie pour celui qui les entends séparément.
                        C’est sans doute la raison pour laquelle l’orgue n’est que très peu présent dans les salles de concert et rarement programmé sur certaines radios qui préfèrent toujours passer des transcriptions.

                        • Fergus Fergus 3 décembre 2014 11:47

                          Bonjour, Pascal.

                          Merci pour ces précisions.

                          Pour aller dans votre sens, je note qu’il est assez fréquent de voir la partie d’orchestre d’un concerto réduite à l’usage d’un piano. Le dialogue est alors nettement plus facile entre les deux solistes, mais si l’on y gagne en clarté de jeu, on y perd évidemment de la couleur instrumentale.


                        • Antoine 4 décembre 2014 00:39

                              Effectivement et c’est pour cela que je disais dans mon précédent message que l’alliage était délicat. La raison principale vient de la difficulté de l’orgue d’atteindre comme l’orchestre une extrême finesse des nuances comme le crescendo, le descrescendo, le clair-obscur, les sons enflés, éteints, etc...Bref, la tendance naturelle de l’orgue est la domination totale difficilement conciliable avec d’autres instruments et par conséquent l’orchestre, raison pour laquelle les symphonies de Bruckner conjuguent les effets de l’orgue et la finesse orchestrale.


                        • Pascal L 4 décembre 2014 09:18

                          @Antoine,

                          Je n’irais pas jusqu’à vous suivre sur la tendance de l’orgue à la domination et je n’aime pas la mode de quelques facteurs d’orgues actuels à vouloir nous rendre sourd.
                          Pour moi, l’orgue est l’instrument qui énonce le mieux la polyphonie. Quand j’étais gamin, j’écoutais l’Art de la Fugue de Bach en boucle et c’est donc pour cette raison que j’ai choisi cet instrument. 

                          Dans ma carrière, il m’est arrivé d’aller à un entretien d’embauche. Une fois, la psy a lu sur mon CV mon passé d’organiste est elle a eu le même reflexe que vous. Elle en a déduit que j’étais un mégalo qui cherchait le pouvoir et m’a mis un avis défavorable.
                          La psychologie n’est pas une science dure et j’ai arrêté depuis de travailler pour des grands groupes.

                        • Fergus Fergus 4 décembre 2014 09:52

                          Bonjour, Pascal.

                          Je me permets d’intervenir ici dans votre échange avec Antoine pour souligner que je comprends parfaitement ce que vous ressentez. Certes, l’on vibre quasi physiquement lorsque s’exprime la pleine puissance d’un orgue, mais le plaisir que l’on éprouve à entendre cet instrument formidable réside tout autant dans les passages poétiques attribués aux jeux les plus discrets.

                          Pour ce qui est de la puissance, l’orgue trouve d’ailleurs un partenaire à sa mesure (si j’ose dire compte tenu de la taille réduite de cet instrument) avec la bombarde. En Bretagne, il existe une tradition des concerts bombarde et orgue qui rejoint celle, plus largement répandue, des concerts trompette et orgue. J’aime beaucoup ces deux associations. Deux illustrations ici avec André Le Meut et Philippe Bataille, et avec Louis Yhuel et Jean-Claude Jégat.


                        • Pascal L 4 décembre 2014 12:40

                          @Fergus

                          Pour la puissance, l’orchestre symphonique est parfaitement capable de relever le défi, le problème ne se situe que dans les fins de phrases. J’ai joué la marche de Saint-Nicolas de Jehan Alain avec 5 clairons et 5 tambours en mettant le tutti de l’orgue et ce n’est pas moi qui jouait le plus fort.

                          Quand à la bombarde, j’ai déjà eu l’occasion d’accompagner des talabarders (pronnoncer talabardère : le sonneur de bombarde) et j’en ai une impression assez mitigée car cet instrument ne suit pas du tout l’accord plus ou moins tempéré de l’orgue. Dans l’enregistrement Hyuel Jégat, Louis Hyuel se laisse volontairement dominer par la bombarde pour éviter de vriller les oreilles des auditeurs et là, ça ne passe pas trop mal.

                        • Antoine 4 décembre 2014 23:01

                           La sonorité de l’orgue est plane, égale, uniforme et pour cette raison est peu compatible avec l’expression d’un orchestre sauf à se succéder puisqu’ensemble l’un ou l’autre disparaît quasiment.

                             Quant à tenir compte de la ’qualité" d’organiste lors d’un entretien d’embauche, c’est aussi débile qu’une décision prise en fonction du signe zodiacal ! Il est de toute façon prudent d’éviter une telle boite...

                        • Pascal L 5 décembre 2014 21:53

                          « Il est de toute façon prudent d’éviter une telle boite »

                           C’est ce que je me suis dit, pas de regrets. C’est tout de même un grand groupe informatique français envié par beaucoup d’ingénieurs et c’était eux qui étaient venus me chercher.

                           Quand à votre analyse sur la sonorité de l’orgue elle est tout à fait juste. En général ça fonctionne mieux lorsque les deux alternent et aucun n’a besoin de l’autre pour se soutenir. Mais je reste tout de même impressionné par le concerto de Poulenc qui me semble être un bon exemple de ce qu’il est possible de faire.


                        • ricoxy ricoxy 7 décembre 2014 10:58

                          Tiens, vous n’avez pas fait allusion à Charles-Marie Widor, (1844 - 1937), dont une réclame publicitaire s’est approprié un morceau de la (très célèbre) Toccata de la Ve Symphonie pour orgue,


                          • ricoxy ricoxy 7 décembre 2014 10:59

                            ... Mais il est vrai que ce n’est pas un concerto, mais une symphonie

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