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Accueil du site > Tribune Libre > La Solution Finale

La Solution Finale

« Emmanuel Macron est notre dernière chance avant la catastrophe finale. »

Franz Olivier Giesbert

Chien de garde professionnel

 

« Nous sommes capables de remodeler la vie »

Yuval Noah Harari

Idéologue du transhumanisme

 

« Je fais le travail de Dieu »

Lloyd Craig Blankfein

 chief executive officer de Goldman Sachs

Je reviens comme promis sur ce numéro du Point publié fin août dont la couverture était titrée Macron, le grand entretien. Quelques pages plus loin, un autre entretien était offert à Yuval Noah Harari. Le titre choisi par l’hebdomadaire était : L’auteur de « Sapiens »prophétise « l’homme dieu ».

A l’attention des lecteurs distraits qui n’auraient pas dévoré le best-seller Sapiens, paru en 2014, la rédaction précisait, tout en mesure : « Exclusif. Yuval Noah Harari est devenu l’essayiste le plus influent de l’époque. Son nouveau livre raconte comment l’humanité va être radicalement transformée dans les prochaines années. »

Bien sûr, la publication d’un tel entretien, précédée d’une présentation élogieuse et parsemés d’extraits du nouveau livre (Homo Deus), est aussi une opération commerciale qui ne doit pas surprendre de la part du Point. Mais c’est d’abord une publicité offerte à une idéologie dominante, le transhumanisme, par ceux qui la partagent peu ou prou.

Evidemment, je n’ai pas donné un sou pour lire cette prose que l’on peut retrouver chez son coiffeur, chez son médecin ou son dentiste, ou dans une bibliothèque. Aussi, j’ai résolu d’en donner ici quelques extraits qu’on pourrait qualifier d’édifiants.

 

Extraits choisis

Vous êtes un formidable conteur, mais l’immortalité reste un fantasme entretenu par des milliardaires de la Silicon Valley comme Sergey Brin ou Peter Thiel, qui s’estiment trop précieux pour mourir...

Jusqu’à présent, la science a « seulement » surmonté la mort prématurée. Nous n’avons pas étendu la durée de vie naturelle d’Homo sapiens, ne serait-ce que d’une année. Il y a plusieurs siècles, les gens pouvaient vivre jusqu’à 90 ans. Mais la plupart n’atteignaient pas cet âge, car ils succombaient auparavant à des épidémies, des famines et des guerres. Aujourd’hui, de plus en plus de gens atteignent cet âge. Mais, pour arriver à 150 ans, il faut une révolution. Vu la vitesse du progrès, ce n’est pas impossible qu’on atteigne cette barrière dans un siècle(...) [rires].

Un autre grand projet humain sera la difficile quête du bonheur...

D’un point de vue psychologique, si votre condition de vie s’améliore, vos attentes grandissent aussi. Si on regarde l’Histoire, on constate une très claire augmentation des pouvoirs humains. Mais il est difficile d’observer un progrès en matière de bonheur. Il n’y a donc aucune raison de présumer que nos futurs exploits nous rendront plus heureux. Si vos ancêtres vous voyaient vivre aujourd’hui en France, ils penseraient que vous êtes au paradis. Mais c’est la nature humaine d’être en colère à cause de l’immigration, du chômage...

En s’alliant à la science, l’humanisme a été la religion des temps modernes. Pourquoi devrait-il aussi passer de mode ?

L’humanisme est en crise, car ses fondements en train d’être sapés par les découvertes scientifiques comme par les nouvelles technologies. L’hypothèse la plus importante de l’humanisme est le libre-arbitre de l’individu. Or la science explique que les sentiments, les choix et les désirs des humains sont le simple produit de la biochimie. (...) Au XXe siècle, vous avez eu des gens comme Hitler qui ont essayé de manipuler les émotions des foules. Aujourd’hui, avec le big data, vous pouvez déjà avoir une propagande personnalisée. Vous pensez voter librement pour tel candidat ou acheter votre plein gré telle voiture, mais ce n’est pas le cas.

La liberté individuelle chère aux libéraux serait donc un mythe, comme l’« âme » des chrétiens...

Oui, car d’un côté nous savons de mieux en comment manipuler les individus, mais, de l’autre, cela a aussi de plus en plus de sens de faire confiance au big data et aux algorithmes, car ils vous comprendront bien mieux que vous n’en êtes vous capables. (...)  A quoi bon une élection démocratique quand les algorithmes savent mieux que vous pour qui - d’un point de vue social mais aussi neurologique - vous allez voter ?

Qu’en est-il du réchauffement climatique ?

Cette catastrophe risque d’entraîner des millions de personnes vers la misère, mais l’élite y survivra avec aide des nouvelles technologies. Au XXIe siècle, n’en déplaise aux décroissants, je ne pense pas que le changement climatique stoppera le progrès. Au contraire, cela ne fera que l’accélérer, comme les deux guerres mondiales au XXe siècle ont stimulé les avancées technologiques. En temps de crise, vous misez plus facilement sur des technologies dangereuses, alors que vous seriez plus prudent en temps de paix. Développer le génie biologique comporte ainsi des risques éthiques, mais si vous avez une montée des océans ou des millions de réfugiés, l’humanité sera poussée à investir dans ces projets discutables.

Les inégalités vont donc croître ?

Comme avec la révolution industrielle au XIXe siècle, où seuls de rares pays prirent le train du progrès, il ne faut pas rater la révolution technologique en cours. Les grands produits du XXIe siècle seront les esprits, les cerveaux et les corps, et l’écart entre ceux qui sauront en faire bon usage et les autres sera plus important que jamais. Plutôt qu’une humanité qui converge et où chacun devient plus prospère, égal et libre - ce qui était la vision de la mondialisation dans les années 1990 -, nous allons sans doute vers de grandes divergences. On peut ainsi envisager une petite élite avec d’immenses pouvoirs qui se transforment en dieux, et d’autres qui en restent au stade antérieur. Homo deus et Homo sapiens pourraient très bien coexister, comme Sapiens a cohabité avec l’homme de Neandertal durant dix mille ans. Soit en étant en conflit, soit avec des zones de civilisation avancées et d’autres réservées aux « barbares »...

Sans aller aussi loin, il existe une vraie peur, même chez les libéraux, que l’individu perde de sa valeur du fait de la révolution numérique...

C’est le danger. Les ordinateurs vont remplacer les humains pour conduire leur voiture ou diagnostiquer des maladies, et de nouveaux emplois vont apparaître. Mais le problème est que ces emplois demanderont des compétences élevées en créativité et en connaissances. Si vous êtes un chauffeur de taxi de 50 ans, vous ne vous adapterez pas à ce nouveau monde. Et, même si vous êtes fortement diplômé, le processus va continuer. Psychologiquement, c’est un gros problème, car devoir se réinventer sans cesse provoque des angoisses terribles. Pour l’instant, les révolutions technologiques n’ont jamais menacé l’utilité des humains pour le système. Vous aviez toujours besoin de bras dans l’économie, l’armée ou l’administration. Mais que va-t-il se passer quand on pourra se passer des humains ? L’essor d’une classe inutile est un problème inédit dans l’Histoire et personne n’en connaît les conséquences.

Non content d’annoncer l’obsolescence programmée des vieilles croyances, vous allez jusqu’à imaginer une nouvelle techno-religion, le « dataïsme ». Comment voue-t-on un culte aux données ?

Le dataïsme nous assure que si nous avons assez de données et de puissance informatique nous aurons réponse à tout. Il faut bien comprendre que les religions ne sont, au fond, pas tant une question de dieux que d’autorité. La religion, c’est une fiction qui légitime l’autorité. (...) D’un point de vue cosmologique, cette nouvelle religion nous explique que l’Univers entier n’est qu’un flux de données. La vie n’est pas fondée sur des forces physiques ou des molécules, mais sur des données. Attention, c’est une vision qui n’est pas que partagée dans la Silicon Valley, mais dans la plupart des champs académiques.

(...)

N’êtes-vous pas trop influencé par les mythologies de la Silicon Valley et l’hubris d’entrepreneurs comme Elon Musk, qui pensent qu’ils sont en train de changer le monde ?

Elon Musk comme Ray Kurzweil ont raison dans le fait que l’intelligence artificielle va, plus qu’aucune révolution auparavant, radicalement changer notre économie, notre culture et notre société. Cela ne signifie pas que leur vision de l’avenir est la bonne. Mais vous pouvez constater dans votre quotidien à quel point il y a des bouleversements. Ici, par exemple, l’intelligence artificielle a déjà un impact énorme sur le conflit israélo-palestinien. Israël a besoin de moins de militaires, car il a un réseau de drones, caméras et algorithmes qui contrôlent quasi chaque individu en Cisjordanie. L’une des raisons pour lesquelles cette « start-up nation » réussit à maintenir cette occupation réside dans cette supériorité technologique. Presque personne n’en parle, mais c’est un changement fondamental dans le conflit.

Doit-on stopper le progrès ?

Vous ne pouvez pas arrêter le progrès, mais vous pouvez avoir un impact sur la direction qu’il prend. Je ne suis pas un déterministe et je ne pense l’intelligence artificielle va nécessairement conduire vers telle dystopie cauchemar Regardez le XXe siècle ! A partir des radios et des télévisions, l’humanité a au choix construit un régime nazi, une dictature communiste ou une démocratie libérale. Aucune technologie ne vous force dans une direction politique précise. L’IA apporter des choses merveilleuses comme des terribles.

 

Commentaires succincts

J’ai retranscrit près de la moitié de l’entretien afin de ne pas me limiter à la reprise de « petites phrases » en dehors de leur contexte. Mais il ne faut pas exagérer non plus. D’abord, les questions sont plus complaisantes qu’insolentes. Ainsi, par exemple, on en vient à évoquer son supposé pessimisme, le gourou s’empresse de prendre un ton de scientifique et de pragmatique : « Je tends à souligner les scénarios les plus négatifs (...) il faut un équilibre, et le travail d’un historien ou d’un philosophe est de dire « attention ! ». (...) on sait à quel point les humains ont fait une mauvaise utilisation de leurs nouveaux pouvoirs. ».

En réalité, il veut se poser en arbitre des élégances, mais il est simplement cynique. Sa vision du monde, il l’a égrenée tout au long de l’entretien. Ce sont des solutions finales à l’usage des élites :

« A quoi bon une élection démocratique quand les algorithmes savent mieux que vous pour qui - d’un point de vue social mais aussi neurologique - vous allez voter ?

Développer le génie biologique comporte ainsi des risques éthiques, mais si vous avez une montée des océans ou des millions de réfugiés, l’humanité sera poussée à investir dans ces projets discutables.

On peut ainsi envisager une petite élite avec d’immenses pouvoirs qui se transforment en dieux, et d’autres qui en restent au stade antérieur. Homo deus et Homo sapiens pourraient très bien coexister, comme Sapiens a cohabité avec l’homme de Neandertal durant dix mille ans. Soit en étant en conflit, soit avec des zones de civilisation avancées et d’autres réservées aux « barbares »...

Vous aviez toujours besoin de bras dans l’économie, l’armée ou l’administration. Mais que va-t-il se passer quand on pourra se passer des humains ? L’essor d’une classe inutile est un problème inédit dans l’Histoire et personne n’en connaît les conséquences.

l’intelligence artificielle a déjà un impact énorme sur le conflit israélo-palestinien. Israël a besoin de moins de militaires, car il a un réseau de drones, caméras et algorithmes qui contrôlent quasi chaque individu en Cisjordanie. L’une des raisons pour lesquelles cette « start-up nation » réussit à maintenir cette occupation réside dans cette supériorité technologique. Presque personne n’en parle, mais c’est un changement fondamental dans le conflit. »

Si ce n’est du cynisme, c’est de la naïveté qu’on pourrait prendre pour du cynisme. D’ailleurs, le cuistre a prévenu dès le début de l’entretien : « c’est la nature humaine d’être en colère à cause de l’immigration, du chômage... ».

Le génocide est en marche, mais pourquoi s’y opposer s’il n’est qu’un aspect de la destruction créatrice ? S’il conserve la liberté du marché ? S’il est bienveillant ? S’il rassure ceux qui veulent réussir et constate que d’autres, en définitive, ne sont rien ?

Documents joints à cet article

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7 réactions à cet article    


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 24 novembre 2017 10:20

    Dans un entretien publié dans Sciences et Avenir, Yuval Noah Harari affirme que "L’intelligence et la conscience sont deux choses bien distinctes"

    « Pourquoi avez-vous écrit ce livre ? Redoutez-vous vraiment que l’homme veuille se mettre à la place de(s) dieu(x) ?

    J’ai écrit ce livre parce que je redoute les dangers inhérents à nos nouveaux pouvoirs, et parce que je pense qu’il est encore possible d’agir. La technologie n’est pas déterministe. Il y a plusieurs options possibles, et nous ne sommes pas dans l’obligation d’en adopter une en particulier. Pendant le 20e siècle, les gens ont pu emprunter le train, utiliser l’électricité, la radio et instaurer des régimes dictatoriaux, fascistes ou des démocraties libérales. De même, au 21e siècle, on fera appel à l’IA ou au génie biologique et on construira des sociétés de types très différents. J’espère que nous saurons faire preuve de sagesse. »

    Autrement dit, "science sans conscience n’est que ruine de l’âme" (Rabelais). Ce n’est pas tout à fait la même chose que le transhumanisme ou le créationnisme, non ?


    • files_walQer files_walQer 24 novembre 2017 22:03

      Nous protestons contre la censure dont a été victime l’article du 17/11/2017 de Doctorix sur les 11 obligations vaccinales.

      Lettre de Doctorix


    • Alvares Alvares 24 novembre 2017 11:07

      "l’intelligence artificielle a déjà un impact énorme sur le conflit israélo-palestinien. Israël a besoin de moins de militaires, car il a un réseau de drones, caméras et algorithmes qui contrôlent quasi chaque individu en Cisjordanie. L’une des raisons pour lesquelles cette « start-up nation » réussit à maintenir cette occupation réside dans cette supériorité technologique. Presque personne n’en parle, mais c’est un changement fondamental dans le conflit."

      C’est pas pour rien qu’ils ont créé cet état de mercenaire en manipulant toute une population et qu’ils font tous pour les maintenir dans une guerre perpétuelle, cela leur permet aussi d’expérimenter grandeur nature, le modèle de société qu’ils veulent mettre en place pour le reste de l’humanité !

      Pourquoi le mouvement sioniste a besoin de l’antisémitisme

      • Macondo Macondo 24 novembre 2017 12:59

        Bonjour et merci.
        "... L’humanisme est en crise, car ses fondements en train d’être sapés par les découvertes scientifiques comme par les nouvelles technologies." ... Effectivement il vaut mieux lire ça avant, de tenter une lecture du dit bouquin ...


        • Le421... Refuznik !! Le421 24 novembre 2017 18:01

          Si je devais faire une phrase de ce genre sur Macron, je dirais que c’est le dernier à pouvoir racler, presque impunément, les fonds de tiroir et faire cracher les bielles au peuple pour gaver une dernière fois les friqués.
          Avant que ça pète pour de bon.
          Quand je dis « ça pète », à mon avis, ce ne sera pas tant dans la violence que dans la cessation d’activité.
          Tout le monde va se garer sur le bord de la route et serrer le frein à main.

          Le Black Friday - qu’est-ce qu’ils nous les brisent avec ça !! - à l’envers.
          Plus personne dans les magasins...
          Et les imbéciles y arrivent, de force, par faute d’argent.


          • UnLorrain 24 novembre 2017 23:01

            @Le421

            Remarquable...

            L’envie du frein a main apparaît,je crois avoir entendu quelques clics en ce qui me concerne.


          • BA 25 novembre 2017 15:39

            Les esclaves de Libye.

            En Libye, ces migrants sont vendus comme esclaves aux enchères.

            Un reportage de la chaîne de télévision américaine CNN montre que dans la Libye déchirée dans laquelle transitent de nombreux migrants, des hommes sont vendus lors d’enchères aux esclaves.

            Sur une vidéo filmée en août dernier, des hommes attendent debout, tandis qu’on entend un individu dire : « Ce sont des garçons grands et forts pour les travaux de la ferme ».

            Le même scande bientôt : « 400, 700, 800 ». C’est le prix, en dinars libyens, pour lequel il propose de vendre des êtres humains.

            https://www.youtube.com/watch?v=z08zUFaF740

            Le président français Emmanuel Macron a qualifié mercredi de « crimes contre l’Humanité » les ventes de migrants africains comme esclaves en Libye, révélées par la chaîne américaine CNN.

            Jeudi 23 novembre 2017 :

            Au Maghreb, la persistance d’un racisme anti-Noirs.

            Parmi les réactions suscitées par la diffusion de la vidéo de CNN montrant une vente aux enchères de migrants subsahariens en Libye, la dénonciation d’un racisme anti-Noirs persistant dans les pays du Maghreb figure en bonne place.

            Si les situations n’y sont pas comparables à la barbarie observée en Libye, les communautés noires continuent toutefois d’y être victimes de mépris, de discriminations, voire d’agressions.

            En Algérie, il existe une forte présence de migrants subsahariens qui y restent de quelques mois à quelques années, comme une pause sur leur route vers l’Europe. Selon les associations locales, ils seraient près de 100 000. Vivant dans les périphéries des grandes villes, privés de statut légal, ces habitants « fantômes » occupent souvent des emplois à la journée dans le secteur de la construction.

            En octobre 2015, l’histoire de Marie-Simone, une migrante camerounaise d’une trentaine d’années, avait fait la « une » de la presse. Victime d’un viol collectif à Oran (ouest), elle avait eu le plus grand mal à se faire soigner et à porter plainte.

            En mars 2016, à Ouargla (sud), c’est le meurtre d’un Algérien poignardé par un migrant nigérien qui avait dégénéré en une véritable chasse aux migrants. Et les exemples ne manquent pas.

            Les autorités algériennes sont récemment revenues sur la tolérance dont elles avaient fait preuve vis-à-vis de la migration subsaharienne depuis 2012 et le début des troubles au nord du Mali. En décembre 2016, 1 200 personnes ont été renvoyées du pays. D’autres rafles et expulsions ont depuis été menées dans les grandes villes du pays. Emmenés en bus jusqu’à Tamanrasset, à 2 000 km au sud d’Alger, ils ont ensuite été relâchés de l’autre côté de la frontière, côté nigérien, parfois en plein désert.

            « L’esclavage est la forme la plus extrême du racisme »

            Au Maroc, de nombreux témoignages font aussi état d’un racisme latent. Celui-ci va de faits divers extrêmement violents – en 2014, trois migrants ont été tués à Boukhalef, un quartier périphérique de Tanger – à un racisme diffus. « Dans la rue, certains nous appellent Ebola », racontait un Camerounais rencontré en septembre à Tétouan (nord).

            La partie nord du royaume est un territoire de passage pour les Subsahariens qui veulent tenter la traversée vers l’Europe : soit par la mer, soit en essayant de franchir les barrières qui séparent le continent africain des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Contraints de se cacher dans des conditions très dures, beaucoup sont victimes de bastonnades lorsqu’ils sont pris, puis envoyés dans des villes du sud du Maroc pour tenter de les éloigner.

            En Mauritanie, plus au sud, le racisme ne vise pas les migrants de passage mais une partie des citoyens mauritaniens, rappelant la situation d’un pays où les Maures blancs concentrent la majorité des pouvoirs au détriment des Haratine, descendants d’esclaves, et des Négro-Africains. L’esclavage y a été interdit en 1981. Son interdiction a même été inscrite dans la Constitution en 2012, mais la pratique reste courante.

            « Le racisme anti-Noirs continue aujourd’hui au Maghreb. La couleur de peau est toujours associée à un statut inférieur. Des tribus pratiquaient l’esclavagisme dans tout le Maghreb et c’est resté dans l’imaginaire collectif », souligne le sociologue marocain Mehdi Alioua, président du Groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et des migrants (Gadem).

            « L’esclavage, la chosification du corps est la forme la plus extrême du racisme », poursuit-il, en référence à la vidéo de CNN.

            L’universitaire déplore toutefois le manque de recherches sur cette question. Le sujet du racisme anti-Noirs dans les pays nord-africains est peu documenté, par manque de moyens et certainement aussi à cause d’une forme d’autocensure.

            « Certains craignent d’être accusés de faire le jeu de l’Occident. La conséquence de cette absence de connaissances, c’est que, parfois, on sous-estime ce racisme, parfois, on le surestime. », poursuit M. Alioua, qui précise toutefois que le débat avance : « A chaque fois qu’une campagne de sensibilisation est lancée, elle reçoit plutôt un bon écho au sein de la population et ce dans tous les pays du Maghreb ».

            « Une source de criminalité, de drogue et de plusieurs fléaux »

            Au Maroc, l’augmentation du nombre de migrants subsahariens ces dernières années a eu un effet ambivalent, provoquant tout à la fois plus de frustrations parmi la population – certains estimant, sur fond de difficultés économiques, que les migrants ont plus d’aides que les nationaux –, mais permettant en même temps de démocratiser la problématique et d’accroître la dynamique de soutien aux migrants.

            En Algérie aussi, les associations se sont emparées ces dernières années de la situation des Subsahariens. Leïla Beratto, correspondante de RFI, travaille sur le sujet depuis des années. « Cette discrimination est liée à l’histoire de l’Algérie où des Noirs ont été les esclaves de riches familles à la peau claire, mais elle s’explique aussi par les différences culturelles entre Algériens et Subsahariens qui se connaissent mal », note la journaliste.

            L’un des facteurs déterminant de l’accueil réside dans l’attitude des autorités. Début juillet, Ahmed Ouyahia – devenu le 15 août premier ministre d’Algérie – avait affirmé que les migrants sont « une source de criminalité, de drogue et de plusieurs autres fléaux ». Quelques jours plus tard, le ministre des affaires étrangères, Abdelkader Messahel, parlait lui d’« une menace pour la sécurité » du pays. « Dans ces conditions, le travail de sensibilisation sur le terrain est rendu encore plus difficile », souligne Leïla Beratto.

            http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/23/au-maghreb-la-persistance-d-un-racisme-anti-noirs_5219175_3212.html

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