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Accueil du site > Culture & Loisirs > Extraits d’ouvrages > Introduction à Jacques Ellul, Patrick Chastenet

Introduction à Jacques Ellul, Patrick Chastenet

Jacques Ellul – Ethiques pour un milieu technique // Corentin Bou / Topophile

Un Homme libre avant tout, voici comment on peut décrire Jacques Ellul, le penseur visionnaire de la technique et de nos sociétés techniciennes. C’est en tant qu’Homme libre qu’il identifie la technique comme un élément clé de l’évolution de nos sociétés. Selon lui, la société technicienne et le technocapitalisme aliènent/divertissent les Hommes, faisant en cela obstacle à leur potentielle libération. Notre civilisation technicienne favorise en effet l’uniformisation non seulement des structures économiques et politiques, mais aussi l’uniformisation des corps et des âmes. On lui attribue souvent (ainsi qu’à son ami Bernard Charbonneau, autre pionner de l’écologie politique) la formule « penser globalement, agir localement », de même que « on ne peut poursuivre un développement infini dans un monde fini ». Je n’ai pas trouvé ces formules en tant que telles dans ce que j’ai lu d’Ellul, mais ce sont clairement des axes de pensée qui se dégagent de ses travaux…

A travers plus d’une soixantaine de livres, son œuvre riche s’attaque aux enjeux de la technique avec une clairvoyance rarement égalée (on trouve aujourd’hui de nombreux héritiers de sa pensée, même en France où il a longtemps été ignoré, tels que Bernard Stiegler, Eric Sadin…), mais aussi à la propagande, à la question politique, à la liberté, à la révolution, à l’environnement ou encore à la spiritualité (thème très peu abordé dans l’ouvrage référencé ci-dessous). On trouve de nombreux liens entre ses ouvrages et libre à chacun d’aborder son œuvre par les facettes pour lesquelles il a le plus d’affinité.

Un autre aspect particulier de l’œuvre et de la personnalité de Jacques Ellul réside dans sa foi chrétienne affirmée, et à la lueur de laquelle il développe ses différentes critiques, y compris sa critique du christianisme et des institutions religieuses. A ses yeux, celles-ci ont littéralement subverti la philosophie et le message des évangiles. On observe ainsi une dialectique permanente dans ses travaux entre une analyse et des questionnements rationnels exigeants, et une réflexion ontologique sur sa profondeur d’Homme et le sens de notre expérience.

En fin de compte, l’analyse d’Ellul tend à dévoiler notre part d’éternel sous les contingences du présent. C’est sans doute ce qui explique sa profonde clairvoyance. Ses thèses ont non seulement été validées par le temps, mais elles sont mêmes encore en avance par rapport à pas mal d’analyses contemporaines. C’est ce qu’exprime le titre du livre remarquable de Jean-Luc Porquet : Jacques Ellul : L’homme qui avait presque tout prévu : une très bonne introduction au travail d’Ellul truffée d’exemples concrets témoignant de l’actualité de sa pensée. Ci-dessous, les extrais proviennent du livre de Patrick Chastenet, Introduction à Jacques Ellul. Très court, il dresse un tour d’horizon des divers thèmes abordés par Ellul, presque un sommaire de son œuvre, très utile pour y naviguer ou pour décider quelle nouvelle facette de cet auteur étudier… J’ai choisi de ne garder presque que des citations issues directement de la plume de Jacques Ellul :

  • « Rien de ce que j’ai fait, vécu, pensé ne se comprend si on ne le réfère pas à la liberté. »
  • « Le premier devoir de l’homme c’est de dire non. »
  • « Lorsque l’homme se résigne à ne plus être la mesure de son monde, il se dépossède de toute mesure. »
  • « Le salut viendra dans la diminution de puissance effective des états. »
  • « Ce n’est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique. »
  • Si l’on devait résumer d’une formule son hypothèse principale, on dirait que l’homme croit se servir de la technique alors que c’est lui qui la sert. »
  • Les 8 charactères de la technique moderne : rationalité, artificialité, automatisme, auto-accroissement, unicité, entraînement/enchaînement des techniques, universalisme, autonomie de la technique.
  • « C’est donc une illusion (parfaitement compréhensible d’ailleurs) que cet espoir de supprimer le ‘’mauvais’’ côté de la technique, en gardant le ‘’bon’’. C’est n’avoir pas vu ce qu’est le phénomène technique. »
  • « La planification semble la solution la plus probable que la technique économique impose et que la société désire dans sa majorité. »
  • « L’homme moderne ne se pose jamais la question du prix de sa puissance. »
  • « Tout ce que la technique gagne, la démocratie le perd…, la raison technique est dans notre temps la raison dernière. »
  • « Dire que la Technique est le facteur déterminant de cette société ne signifie pas qu’il soit le seul. »
  • Charbonneau : « Ce que nous prenons pour la neutralité de la technique n’est que notre neutralité envers elle. »
  • « Le système technicien est un univers réel qui se constitue lui-même en système symbolique. »
  • « Tout, tout de suite est un caractère important de la mentalité technicienne. »
  • « Personne ne veut accepter cette idée que la technique nous a placés au milieu d’une centaine de volcans. »
  • « Et c’est un fait digne d’attention, et assez remarquable, que la grande propagande moderne ait commencé dans les Etats démocratiques. »
  • « Il apparaît même que l’opinion est d’autant plus sensible à la propagande qu’elle est plus informée (je dis plus et non pas mieux). »
  • « Ecrasé par l’information, il est redressé par la propagande. Il avait acquis le sentiment de son impuissance radicale dans un monde trop compliqué et trop vaste, et voici qu’il apprend son importance : la propagande lui dit que son adhésion est essentielle, que l’on compte sur son intervention, que son action est décisive, et que sans lui rien ne peut être résolu. »
  • « La politique est l’art de généraliser les faux problèmes, de donner des faux objectifs et d’engager de faux débats. »
  • « L’URSS obéit aux mêmes règles de fond que les USA. L’homme n’est pas plus libre d’un côté que de l’autre. »
  • « Bien loin d’avoir été effacé par la victoire sur Hitler, le modèle nazi s’est répandu dans le monde entier. »
  • « L’accusation morale ou théorique contre tous indistinctement se traduit à la longue et nécessairement par la mise à mort de n’importe qui, faute de pouvoir les tuer tous. »
  • (La démocratie) « Elle est toujours à reprendre, à repenser, à recommencer, à reconstruire. »
  • « Cette quête épuisante de la commune mesure dans la différenciation est la marque même de l’homme. »
  • « Que la révolution soit nécessaire, il est à peine besoin d’y insister. »
  • « Pour préparer ce qui va naître, il faut d’abord savoir de quoi meurt notre monde. »
  • « La critique marxiste est rigoureusement exacte, qui montre dans la démocratie une dictature camouflée des classes dirigeantes. »
  • Il faut choisir : « Ou bien la civilisation de masse, technologique, conformiste, Le Meilleur des mondes de Huxley, ou bien une autre civilisation dont nous ne pouvons dire ce qu’elle peut être car elle est à faire par des hommes conscients. »
  • « La révolution est devenue le discours le plus domestique et le plus banal de notre société. »
  • « Prétendre que c’est par la fête qu’on ébranlera la société c’est prétendre qu’en ajoutant un verrou à la porte on va l’ouvrir. »
  • « L’outil technique existe. Il fournit maintenant toutes les données pour une révolution fondamentale de notre société, qui entraînerait enfin la suppression du prolétariat. »
  • « S’intéresser à la protection de l’environnement et à l’écologie sans mettre en question le progrès technique, la société technicienne, la passion de l’efficacité, c’est engager une opération non seulement inutile mais fondamentalement nocive. (…) Elle permettra de calmer faussement des inquiétudes légitimes en jetant un nouveau voile de propagande sur le réel menaçant. »
  • « Considérez une auto dont l’un des passagers estime qu’elle va trop vite, qu’il faudrait freiner et, pour telle raison peut-être s’arrêter. Cependant que le conducteur, grisé de vitesse, refuse d’entendre cet avertissement et poursuit jusqu’à ce qu’il percute un mur. L’auto est également arrêtée mais pas dans les mêmes conditions. »
  • « L’espérance est la réponse de l’Homme au silence de Dieu. »
  • « Pour être prêt à espérer en ce qui ne trompe pas, il fait d’abord désespérer de tout ce qui trompe. »

Source : https://unmultiple.wordpress.com/2023/02/13/introduction-a-jacques-ellul-patrick-chastenet/


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33 réactions à cet article    


  • Laconique Laconique 14 février 2023 10:18

    Merci pour cet article.


    • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 14 février 2023 11:39

      Merci Marko.

      Nul n’est prophète en son pays. Le couple Charbonneau & Ellul est connu et enseigné aux états-unis.

      Pour aller plus loin : https://lagrandemue.wordpress.com/


      • marko 14 février 2023 13:56

        @Gilbert Gosseyn
        Merci pour le lien. La pensée de Charbonneau est effectviement bien complémentaire de celle d’Ellul... on sent à quelles points leurs pensées se sont mutuellement enrichies...


      • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 14 février 2023 12:24

        On a apparemment un « moinseur » qui n’aime pas Ellul ...

        Vas-y mon gars lâche toi, et par ce geste auguste tu nous évites de lire tes âneries. 


        • Gollum Gollum 14 février 2023 13:06

          Excellent. J’ai préféré ces phrases :

          • L’URSS obéit aux mêmes règles de fond que les USA. L’homme n’est pas plus libre d’un côté que de l’autre. 

          N’est-ce pas Dugué ? smiley

          • « Bien loin d’avoir été effacé par la victoire sur Hitler, le modèle nazi s’est répandu dans le monde entier. 

           smiley

           La critique marxiste est rigoureusement exacte, qui montre dans la démocratie une dictature camouflée des classes dirigeantes.

          Que du bonheur cette trinité de phrases.... smiley

          Le seul reproche que l’on pourrait faire à Ellul c’est de ne pas avoir compris que derrière la technique se cache un truc encore plus pernicieux, la manie de penser de façon binaire, en noir et blanc, et qui aboutit au manichéisme moralisateur qui aujourd’hui fait des ravages..

          Enfin, il ne fut pas le seul à avoir compris ces aspects des choses...


          • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 14 février 2023 13:23

            @Gollum
            Drôle de reproche que vous faites à ce grand penseur de l’aliénation technophile. Un peu de lecture pour corriger cette approche ?


          • chapoutier 14 février 2023 13:25

            @Gollum
            la meute nous expliquera que c’est un poutinolatre


          • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 14 février 2023 13:42

            @chapoutier
            Merci Chapoutier de ne pas ramener ici ce sujet qui vous obsède tant. Ce ne sont pas les espaces d’expression qui manquent sur AV pour épancher votre soif.


          • Gollum Gollum 14 février 2023 13:48

            @Gilbert Gosseyn

            Alors là... smiley Rien pigé...

            Comprend pas l’intérêt de ce texte par rapport à ce que j’ai écrit ci-dessus...

            Car nulle part il n’est question de logique binaire et de manichéisme...


          • chapoutier 14 février 2023 14:03

            @Gilbert Gosseyn
            Aucun souci
            toujours est-il que je m’adressai à Gollum et pas à vous
            et qu’est-ce qui vous fait penser que le sujet m’obsède autant ?
            vous semblez plein d’a priori
            mais je respecte votre souhait,
            et je souhaite que la meute en fasse autant


          • chapoutier 14 février 2023 14:10

            @Gilbert Gosseyn
            du coup j’ai cru que c’était l’auteur de l’article, et bien non, c’est un nouveau compte !
            trop fort, encore un double compte ou triple compte, et il vient de se griller lamentablement.


          • Gollum Gollum 14 février 2023 14:16

            @chapoutier

            poutinolâtre ou, pour reprendre les termes de Dugué à mon encontre : sinistre personnage... smiley


          • chapoutier 14 février 2023 14:25

            @Gollum
            sinistre sinistrum
            si j’ai bien compris le psychisme de Dugué il vous reproche d’être de gauche, c’est bien ça ?


          • Gollum Gollum 14 février 2023 14:35

            @chapoutier

            Aucune idée... et je m’en fous en plus.. smiley


          • Gollum Gollum 14 février 2023 14:37

            @chapoutier

            Ah j’ai compris l’allusion... sinistre... ouais je suis un peu long à la détente..


          • chapoutier 14 février 2023 14:41

            @Gollum
            ouais je suis un peu long à la détente.  smiley
            je ne ferais pas un seul commentaire

            prétentieux avec ca !!!
             smiley

            je ne pouvais pas la louper celle là
            trop tentant
            désolé
            m’en veuillez pas


          • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 14 février 2023 14:45

            @Chapoutier
            Amusant comme vous ramenez tout à votre obsession. Sachez simplement que non tous les nouveaux comptes ne sont pas crées par vos ennemis et le fait que vous discréditiez le mien pour (simplement) sa jeunesse est une erreur. Maintenant, et heureusement, je ne suis pas dans votre tête. Faites comme bon vous semble même si cela rajoute à la paranoïa ambiante. Parler du conflit actuel dans beaucoup de vos interventions et surtout à des endroits inappropriés s’appelle en langage informatique « flooder ». Vous remarquerez que je ne vous traite pas de troll car il me semble sincèrement que vous n’en êtes pas un et qu’il est bénéfique pour chacun de s’exprimer ici-bas ... dans les endroits prévus à cet effet. 


          • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 14 février 2023 15:02

            @Gollum
            Très bien au moins je suis sur que vous avez lu un peu d’Ellul.

            "de ne pas avoir compris que derrière la technique se cache un truc encore plus pernicieux, la manie de penser de façon binaire, en noir et blanc"
            Qu’est-ce donc qui vous fait croire que ces deux hommes (Ellul & Charbonneau) n’avaient aucunes compréhensions du manichéisme ? Il me semble que vous mélangez les torchons et les serviettes. Mais j’attends que vous éclairiez mes lanternes sur la relation intrinsèque entre une critique radicale des technologies et le manichéisme.


          • Gollum Gollum 14 février 2023 15:08

            @chapoutier

            Ah mais je ne vous en veux pas... Le fait de pas avoir capté tout de suite ne me gêne en rien puisque je l’ai avoué... smiley


          • Gollum Gollum 14 février 2023 15:15

            @Gilbert Gosseyn

            Ben la logique binaire est le propre des machines... Les ordinateurs fonctionnent avec du binaire : 0 et 1... Aucune subtilité possible..

            La logique chinoise taoïste qui se voulait un modèle de souplesse et donc naturelle est basée sur une logique tétravalente. 

            Sinon n’ayant pas lu Ellul ou du moins très peu je me suis basé sur le texte de l’auteur pour affirmer cela, peut-être qu’en effet Ellul a fait une critique de la logique.. Mais de ce que j’ai pu voir j’ai des doutes..


          • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 14 février 2023 16:16

            @Gollum
            Oui mais encore pas de toutes ...
            Le binaire s’applique comme langage de 1er niveau en informatique on l’appelle généralement « l’assembleur » mais nous en sommes aujourd’hui à des langage de 4eme voire 5eme génération. Par exemple la programmation « objet » nous évite justement de passer par du binaire long et fastidieux à programmer. Et, à partir de là, toutes les subtilités nous sont possibles sinon comment afficher une photo couleur sur votre écran. Vous ne les auriez qu’en noir et blanc et une infinité de gris. Je pense que votre raccourci entre binaire et manichéisme et un non-sens, un anachronisme.


          • chapoutier 14 février 2023 17:46

            @Gilbert Gosseyn
            Amusant comme vous ramenez tout à votre obsession.

            amusant comme vous ramenez deux fois sur le tapis cette obsession
            qui n’est certainement pas la mienne.
            Parler du conflit actuel dans beaucoup de vos interventions et surtout à des endroits inappropriés

            très drole de lire ces propos , donc d’après vous je parle de ce conflit dans ’’beaucoup ’’ de mes interventions, vous pouvez m’en faire la liste ?
            ici même vous etes le premier à en avoir parler en vous immisçant dans une blague.
            Maintenant, et heureusement, je ne suis pas dans votre tête qu’est ce qui vous autorise d’emblée de jeu de parler du contenu de ma tete, petit sous-entendu malveillant à ma santé mentale

            vous avez le même phrasé et le même raisonnement insidieux que mozart mais je n’ai encore aucune certitude a votre propos.

            enfin c’est quand même curieux qu’un nouveau comme vous dites être, prétende déjà connaitre mes obsessions


          • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 15 février 2023 11:45

            @chapoutier
            Ici même ? Mais où donc ? Pas sous cette article voyez-vous.

            Par contre :
            14 février 13:25

            « @Gollum
            la meute nous expliquera que c’est un poutinolatre »

            Vous ne manquez pas de culot dans cette inversion accusatoire !

            Et depuis mars 2022 pas moins de 14 articles (que je ne remets pas en cause) sur le sujet (les 14 derniers en fait), plus toutes vos interventions contre ceux d’en face ad nauseam partout où il vous semble bon.

            Pensez-vous sincèrement que les redondances de votre prose puisse changer quoi que ce soit aux évènements actuels ? Ou convaincre les imbéciles d’en face ? (Desproges disait que l’ennemi est très con car il croit que c’est nous l’ennemi alors qu’en fait c’est lui).

            Sérieux, vos querelles de cloché sont assommantes, rasantes, barbantes.

            Je ne suis pas contre quelques joutes surtout quand on lit les énormités de certain(e)s, mais vos petits jeux sont rédhibitoires à l’envie de s’inscrire et de participer au site. En êtes-vous seulement conscient ?

            Certaines personnes ont ce besoin de s’affronter aux autres, avoir le derniers mots. D’une certaine manière cela les maintient en vie.
            Internet n’a fait qu’exacerber cette maladie mentale surtout chez le vieux mâle célibataire (quoiqu’on ai exemplaire de quelques femelles bien aigries ici aussi) qui n’a que ça à foutre dans sa pauvre vie.
            Si ce n’est pas votre cas, laissez couler de temps en temps, cela vous donnera des cartouches pour riposter plus efficacement. Relisez ma présentation cela vous fera le plus grand bien.

            Partageant beaucoup de vos idées concernant les évènements actuels, le pire, pour moi, est que j’aurais préféré, et de loin, avoir cette discussion avec ceux « d’en face » mais il me semble qu’ils sont encore plus bornés (sinon payés). Bonne journée et mes excuses à Marko pour le hors-sujet.


          • Gollum Gollum 17 février 2023 09:40

            @Gilbert Gosseyn

            Ben dis donc... smiley Respirez à fond.... Retenez le souffle... Relâchez... 

            Faites cela dix fois et vous vous sentirez mieux.. smiley

            plus toutes vos interventions contre ceux d’en face ad nauseam partout où il vous semble bon.

            Euh... Je suis un de ceux qui intervient le moins ici...

            Pensez-vous sincèrement que les redondances de votre prose puisse changer quoi que ce soit aux évènements actuels ? Ou convaincre les imbéciles d’en face ?

            Non et je m’en fous mais à un point... 

            Si ce n’est pas votre cas, laissez couler de temps en temps, cela vous donnera des cartouches pour riposter plus efficacement.

            Encore une fois je n’interviens que très peu et je suis ici surtout pour le fun mais il m’arrive de dire des choses sérieuses aussi..

            Partageant beaucoup de vos idées concernant les évènements actuels,

            Ah bon ? Ben kek cela aurait été si cela avait été le contraire... smiley

            il me semble qu’ils sont encore plus bornés (sinon payés).

            Oui oui je suis payé par Poutine... Désolé mais l’inflation, toussa... Suis obligé de faire les fonds de tiroir...

            la meute nous expliquera que c’est un poutinolatre »

            Vous ne manquez pas de culot dans cette inversion accusatoire !

            Sauf que cela n’est pas de moi, relisez calmement. Je n’ai fait que rebondir dessus.


          • chapoutier 17 février 2023 10:33

            @Gollum
            heu, si je peux me permettre, la ’’ diatribe ’’ de Gilbert Gosseyn

            m’était destinée, vous apparaissez fortuitement (( sous la forme @Gollum

            )) parce que Gosseyn fait référence à un message que je vous avais adressé.

            c’est a moi qu’il reproche d’avoir publé 14 articles sur la question du Donbass
            et c’est également à ma pomme qu’il fait le reproche suivant (toutes vos interventions contre ceux d’en face ad nauseam partout où il vous semble bon)

            en gros Gosseyn que je ne connais ni d’eve ni d’adam voudrait que je ferme ma grande gueule, il trouve que je prends trop à coeur la question du Donbass.
            peut-être est-il sincère ?
            mais il n’en reste pas moins que je la ramène trop d’après lui ( ad nauseam précise t-il

            ) et il est allé jusqu’à compter le nombre d’articles depuis mars 2022, mais paradoxalement il oublie de compter tous les articles et commentaires à charge contre la Russie et notamment lorsque je suis la cible de la meute de pitbulls racistes russophobes.

            donc je suis fondé à m’interroger sur sa prétendue probité

            ce monsieur est un peu trop sur de lui et surtout il me connaît un peu trop bien pour un nouvel inscrit, je crois surtout qu’il s’agit de ancien qui se planque sous un nouvel avatar.

            Et depuis mars 2022 pas moins de 14 articles (que je ne remets pas en cause) sur le sujet (les 14 derniers en fait), plus toutes vos interventions contre ceux d’en face ad nauseam partout où il vous semble bon.


          • Gollum Gollum 17 février 2023 10:45

            @chapoutier

            Hum... vous avez sans doute raison mais le pauvre gars semble s’être emmêlé les pinceaux... 

            puisqu’il y a bien une apostrophe qui vous est destinée et une autre à mon encontre...

            Mais effectivement il se gourre.

            Sinon le gars me semble un peu hautain, raison pour laquelle j’ai cessé de lui répondre sur le manichéisme et la logique binaire, je l’ai senti trop hargneux à mon goût...

            Il fait l’apologie d’Ellul, puis me rentre dedans alors que je fais une critique légitime, tout en ayant montré mon accord avec Ellul, puis fait l’éloge des logiciels de génération 5 après avoir fait l’éloge d’Ellul... alors que Ellul n’aurait probablement pas apprécié cette défense des logiciels... 

            Bref, bizarre.. smiley


          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 14 février 2023 13:38
            Lire : LE MODERNISME RÉACTIONNAIRE : HAINE DE LA RAISON ET CULTE DE LA TECHNOLOGIE AUX SOURCES DU NAZISME
            Jeffrey Herf
            l’Echappée | septembre 2018.
            Je ne suis pas Ellul sur le communisme. La Chine est l’exemple type d’un pays qui porte la technologie à l’avant-plan.....


            • marko 14 février 2023 14:00

              @Mélusine ou la Robe de Saphir.
              C’est bien ce qu’il dit... qu’au-delà de différences de formes, les deux blocs (cf. contexte guerre froide) sont tous deux animés par un même développement technicien... La Chine en est un parfait exemple qui intègre le pire des deux au service du système technicien... l’évolution contemporaine de la Chine est tout à fait en phase avec les développements d’Ellul...


            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 14 février 2023 13:51
              • « S’intéresser à la protection de l’environnement et à l’écologie sans mettre en question le progrès technique, la société technicienne, la passion de l’efficacité, c’est engager une opération non seulement inutile mais fondamentalement nocive. (…) Elle permettra de calmer faussement des inquiétudes légitimes en jetant un nouveau voile de propagande sur le réel menaçant. »

              Allez dire cela aux chinois... Sait-on ce qu’il faut de technique et de destruction naturelle pour construire des éoliennes, des capteurs solaires ???


              • marko 14 février 2023 14:09

                @Mélusine ou la Robe de Saphir.
                C’est la limite au fait de poster de coutres citations et je m’en excuse, mais soit je ne comprends pas votre commentaire, soit il me semble que vous faites un contre-sens (tout à fait explicable du fait de la brièveté des citations présentées) concernant sa pensée...
                Ce qu’il développe, c’est justement le fait que sans remise en question du dogme technicien, il n’est pas possible de s’occuper correctement de la protection du vivant et des menaces que notre modèle évolutif fait peser sur nots écosystèmes...
                Donc, oui, cela s’applique à la Chine également, autre variation d’une société technicienne...
                L’éolien, les capteurs solaires... font partie de ce solutionisme technologique... l’approche d’Ellul est plus à rapprocher de penseurs comme Charbonneau bien sûr, mais aussi Illich, Schumacher, Mumford...


              • Gollum Gollum 14 février 2023 14:14

                @marko

                soit il me semble que vous faites un contre-sens

                C’est une habituée des contre-sens... faut l’savoir hein ! smiley


              • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 14 février 2023 16:58

                En parlant de courtes citations voici l’introduction à l’édition de 1989 de « Le Système et le Chaos » de Bernard Charbonneau.

                (Pardon Marko de citer Charbonneau plutôt que Ellul mais les deux amis sont indissociables dans le critique radicale de la technique et du sacro-saint progrès)

                Bernard Charbonneau

                Le système et le chaos
                (introduction à l’édition de 1989)

                Le temps de la parole étant peut-être bientôt révolu, il me faut marquer ce livre d’un signe ésotérique, semblable à ceux qui s’inscrivirent un jour sur les murs de Babylone. Un signe  : un signal – rien d’autre. Pour ce qui est de la réponse, c’est à Balthazar de la donner  ; mais aujourd’hui, comprend-il le chaldéen  ?

                10 000 000… 20 000 000… 40 000 000… de tonnes, de kilowattheures. Tous les dix ans, la production double, et la population tous les quarante… Jusqu’à nous la Terre restait engluée dans l’éternel retour des saisons  ; tandis qu’aujourd’hui l’univers dégèle  : il craque, il s’ébranle. Par les brèches des bombes d’une seconde guerre, nous avons vu jaillir la matière en fusion, tandis que les astres chaviraient jusqu’à portée de nos mains. Il y a quelques décennies, il fallait une oreille fine pour sentir la sourde vibration d’un monde qui démarre, mais aujourd’hui dans le fracas de sa ruée, on ne s’entend plus. La croissance qui était inconcevable en 1930 pour le paysan français monté à Paris devient toute naturelle pour le banlieusard de la campagne mécanisée de 1970. Sous la IIIe République le monde pouvait changer, au fond il ne bougeait pas  ; il suffisait d’un tour à vélo pour s’en assurer, la rivière était toujours là  : dans le cristal des sources les cheveux verts de la nixe ondulaient au soleil, et les coquillages de l’aube étoilaient encore des grèves intactes. En 1930 la nature était immuable, en 1960 il est non moins sûr qu’il n’y en a pas  ; mais dans les deux cas la plus grande aventure humaine de tous les temps ne met pas l’homme en cause, et il n’a pas à intervenir.

                La croissance technique et économique indéfinie est à la fois le fait et le dogme fondamental de notre temps, comme l’immutabilité d’un ordre à la fois naturel et divin fut celle du passé. La grande mue qui travaille les sociétés industrielles, et les autres à leur suite, est à la fois la réalité immédiate que nous pouvons appréhender dans le quotidien de notre vie et le moteur profond d’une Histoire que religions et idéologies s’époumonent à suivre  ; chacun l’expérimente à chaque instant, et pourtant, par-delà classes et frontières, elle met en jeu l’humanité.

                Mais comme tout ce qui est profond, ce séisme resta longtemps enfoui dans l’inconscient, tandis que guerres et révolutions flamboyaient au grand jour de l’actualité. Cependant on ne nie plus aujourd’hui, comme avant la guerre ou la mort de Staline, qu’il y ait une société industrielle. L’évidence et Raymond Aron aidant, nous commençons à découvrir que la science et la technique façonnent notre milieu autant que la théologie et la politique. Taylor change le monde aussi bien que Karl Marx – ce qui est assez marxiste d’ailleurs. Nous finissons par admettre que l’opposition entre capitalisme et socialisme est peut-être seconde par rapport à ce qui distingue les peuples «  développés  » de ceux qui ne le sont pas. Que le progrès scientifique, technique et économique soit le fait déterminant est maintenant un lieu commun, sauf pour quelques idéologues. Malheureusement, ce qui devient indiscutable n’est plus discuté.

                La croissance, le développement  : le progrès, c’est aujourd’hui le réel, le fatum, contre lequel on ne peut rien – et la liberté humaine. Existe-t-il quelque chose en dehors de lui  ? À peine quelques scintillements fugitifs là-haut dans l’écume de la lourde vague d’hommes, de ciment et d’hydrocarbures  : là-haut dans la culture. On ne va pas contre le cours du progrès…

                Notez bien qu’il s’agit de celui-ci, et de nul autre. L’éruption de la bombe H, le déluge des banlieues, le Niagara des bagnoles, la pénicilline, c’est l’évidence. Au pied de la falaise des buildings et des barrages, que peut dire la fourmi humaine  ? Rien. Pas plus que devant l’Everest. C’est un fait qui se pèse à la kilotonne. Et cette houle de plomb qui se dresse vertigineusement fuit plus loin encore vers les milliards et le zénith. Devant ce mur la fourmi n’est rien  ; et c’est pourtant la fourmilière qui l’accumule.

                La croissance est un fait, et sans appel. Ce n’est pas Jefferson ou Marx qui juge aujourd’hui la croissance – sauf peut-être en Chine –, mais celle-ci qui les juge  : cette année la production de pétrole a augmenté de 24,7 % et la consommation de plastique de 14,67 %. À quoi sert cette énergie  ? Qui consomme, et comment  ? Littérature… Ce régime est bon, il est juste, en voici la preuve. Il n’y a guère de marxistes, de catholiques ou de libéraux pour se demander si ce sont des bagnards qui produisent ou des fous qui consomment. En dépit de Mai 68, la croissance reste la loi suprême et universelle, comme autrefois la volonté de Dieu. Mais l’autorité de cette vérité est si grande qu’il n’est même pas besoin de théologiens pour la dire.

                Le développement c’est le réel, mais aussi l’idéal que nul ne discute. De tout temps la gauche fut pour le progrès, mais jamais elle n’a identifié celui de l’homme à ses produits comme entre 1928 et 1968  : depuis que le Dnieprostroi et le Spoutnik ont imposé des raisons que la collectivisation s’était montrée impuissante à fournir. Il s’agit bien de liberté ou de justice  ! Il s’agit de leurs conditions  ; autant que la dictature du prolétariat, c’est l’électrification qui les réalise. Mais depuis la guerre, le progrès est devenu surtout le bien de la droite. Notre bourgeoisie a fini par comprendre, à la suite de celle des USA, que l’expansion indéfinie des produits est aussi celle des profits. L’Église même, renonçant à défendre un immobilisme économique et social qui de toute évidence n’existe plus, laisse dans l’ombre le dogme du péché pour tirer de l’arsenal biblique d’autres arguments qui font de l’homme le seigneur de la terre  : à chaque époque sa vérité, il n’est pas difficile de la trouver dans un livre où elles sont toutes. Trop sensible à l’Histoire, l’Église s’était embarquée sous Pétain dans un wagon bloqué sur une voie de garage  ; bien décidée à ne pas répéter cette erreur, elle court maintenant après le train. Populorum progressio… Croissez et multipliez… Rome elle-même se risque à pas comptés sur l’autostrade ouverte par Teilhard. Il n’y a plus de réactionnaires, leur société ayant été anéantie par la guerre, il n’y a que des survivants bientôt disparus. Il n’y a plus de réaction, la réaction c’est la défense de l’état de choses, et le nôtre c’est le mouvement. Celle qui subsiste se camoufle à l’intérieur même du progrès  ; elle vote et publie à gauche, bien que structuraliste, poursuivant le combat contre son vieil ennemi, la liberté. La croissance telle qu’elle va fait l’unanimité. Dès l’école la jeunesse s’imprègne des maîtres mots, des sempiternelles courbes ou photos de barrages, qui la préparent à s’adapter, c’est-à-dire à s’engloutir dans le courant. La critique ne peut s’exprimer, sinon dans une littérature inoffensive  ; tout ce qui a trait au progrès est le domaine tabou des techniciens qui ont la religion de leur technique. Les problèmes et les échecs de la société industrielle sont refoulés dans l’inconscient individuel, et surtout collectif, par la censure sociale. Ils ne s’expriment que dans les guerres, des souffrances ou des névroses inavouées  ; tout au plus dans les symboles indécryptables de quelques artistes. C’est tout juste si aujourd’hui la critique commence à se manifester dans quelques milieux marginaux des pays les plus développés. Qui oserait contester ouvertement l’autorité  ? Quel fidèle prétendrait discuter avec l’Église  ? Quel ignorant avec la science  ? La croissance n’a pas pour elle une raison, elle les a toutes, et le monopole des sanctions qui les imposent. Qui la refuse, refuse aujourd’hui le pouvoir, se condamne, en même temps qu’au ridicule, à l’impuissance. L’expansion, c’est l’action, la forme matérielle qui permet à l’homme de dominer la nature  : qu’y a-t-il d’autre dans un monde sans transcendance  ?


                • Gilbert Gosseyn Gilbert Gosseyn 14 février 2023 16:59

                  (suite)

                  Ses raisons, elle n’a même pas à les fournir parce qu’elle est la raison même, présente en des preuves écrasantes. Des millions de tonnes de preuves  ; et ses œuvres s’élèvent si haut qu’un homme ne peut les contempler qu’à genoux. Il va de soi qu’il faut produire plus pour vivre mieux, pour sauver les hommes – notamment nos frères sous-développés – de la misère et de la mort  : l’industrie lourde est mue par l’amour, si elle fabrique des tanks, c’est bien parce qu’il lui faut se défendre de la haine. Nous devons progresser, et d’ailleurs nous ne pouvons faire autrement. Qui refuse le progrès se condamne aujourd’hui à périr. L’URSS doit rattraper et dépasser l’Amérique, et l’Amérique l’URSS – donc sur la même voie.

                  Certes, les raisons du progrès ne sont que trop évidentes  ; elles le sont tellement qu’il n’y a plus d’intérêt à les dire après tant d’autres. Mais cette évidence même appelle un supplément d’examen  ; serait-elle encore plus justifiée qu’elle serait suspecte parce qu’éliminant d’autant plus la discussion. Ainsi donc, pour la première fois dans l’histoire, y aurait-il une société qui ne serait pas ambiguë, dont les biens ne seraient pas assortis de maux  ? Et les gains de pertes  ? Je crains qu’au contraire celles-ci ne soient d’autant plus grandes qu’elles sont tues. Et ce n’est pas pour refuser le progrès, mais pour le rendre digne de ce nom que j’en ferai la critique. La société industrielle manque d’une opposition de Sa Majesté qui la conteste au nom de ses valeurs  : je la lui propose.

                  Il suffit d’y penser, ne serait-ce qu’un instant, pour constater que l’ambiguïté et la finitude de l’action humaine persisteront jusqu’au bout. Tandis que croissent nos moyens, grandissent les risques qu’ils entraînent  ; il faut être un enfant pour s’émerveiller de leur puissance sans s’inquiéter de leurs effets. Surtout, le progrès ne peut indéfiniment progresser, sinon la courbe tend à la verticale, c’est-à-dire à l’absolu, donc humainement à l’impossible. Si le propre de l’homme est l’aptitude à croître, il est non moins vrai que sa croissance – et de laquelle s’agit-il  ? – ne peut être indéfinie. Il n’est pas Dieu, qu’il puisse devenir homme est déjà bien beau  ; tout ce que nous pouvons espérer, c’est reporter un peu plus loin les bornes de sa finitude. Si l’accroissement accéléré d’une population à la production accrue se poursuit, nous pourrons reculer l’instant de la pénurie, il viendra un moment où ce ne sera plus le fer ou les autos qui nous manqueront, mais les éléments  : l’eau, l’are, la minute. Et avec son énormité grandira la complexité de ce monde en mouvement. Le progrès du contrôle s’épuisera à suivre celui des chances d’accident, qui ne pourra être évité que par une organisation de plus en plus implacable et raffinée – à la condition que le progrès des sciences et de la production matérielle laisse à celui des sciences humaines le temps de suivre. Peut-être qu’alors un ordre, un système, total, permettra d’éviter le chaos qui le serait aussi. Mais ordre ou désordre délirant, que restera-t-il de l’homme et de sa liberté  ? Si le progrès continue de progresser à raison d’une production augmentée de 5 % augmentant de 5 % l’an, il débouche dans l’inconcevable. Il ne s’agit pas de savoir si la courbe doit s’infléchir, de toute façon elle le fera, mais quand et comment  ? Il n’y a que trois possibilités – pas quatre. La catastrophe, l’explosion des énergies déchaînées  : la crise, la guerre, la catastrophe écologique planétaire. Ou bien, grâce à la science, l’implosion de ces énergies dans un cristal, une organisation qui engloberait tout l’espace-temps  : le structuralisme ne signifie rien d’autre que cet espoir. Le chaos, sinon le système  ; autour de nous pour l’instant ils progressent de pair. De lui-même le développement exponentiel ne mène à rien d’autre. S’il en est ainsi, l’espèce humaine n’aurait été que le détonateur d’un accident local, quelque part dans la galaxie. Mais si nous sommes libres, cette fois vis-à-vis de nous-mêmes, alors s’ouvre une troisième voie, celle d’un équilibre à mi-chemin du chaos et du système, volontairement maintenu par un homme devenu maître de sa science et de ses outils comme il l’est de nature.

                  Que l’on ne s’y trompe pas. Si je conteste ici le tabou du développement, c’est au nom de la liberté et de la démocratie, donc du seul progrès qui mérite ce nom. C’est, je crois, l’originalité profonde de ce livre. Le sujet qu’il traite est rebattu, et pourtant si vaste qu’un auteur ne peut que l’effleurer. Mais aujourd’hui c’est le seul. La lumière dont je tente de l’éclairer est à la fois très ancienne et très nouvelle  : une fois de plus, en ce temps de spécialistes et de spécialités, il faut bien qu’un homme se dresse pour considérer l’univers où il vit. Autrefois il était fait de dieux et de montagnes, aujourd’hui il l’est de sociétés et de leurs produits. Mais il n’a pas changé, il est toujours immense, seul réel et sacré. Qui peut s’en approcher, sinon ses prêtres, qui sont maintenant des savants  ? Toi, n’importe qui, s’il y a encore une liberté et une égalité, et je le fais d’abord pour t’en donner l’exemple. Ce monde, le spécialiste l’ignore autant que quiconque  ; il ne connaît qu’un arbre tandis que pour toi déferle à l’infini la forêt. Tu peux en parler, tu y vis chaque jour, tu sais ce qu’elle vaut pour un homme. Si le monde peut être pensé, il l’est encore par ton bon sens, ta droiture. La remise en cause de la société au nom de l’autorité du peuple et des personnes commence ici même.

                  Les signes qu’un dieu avait tracés se sont éteints, et il ne reste plus que le mur de Babylone. Un mur, et rien d’autre  ; la main peut s’en assurer. Immense, il nous cache le ciel. Mais le vieil Olympe était aussi terrible, et pourtant ce ne sont pas des Titans, mais des hommes qui l’ont escaladé. L’Olympe n’est que pierres  : matière. Seul est réel, vivant, qui le regarde.

                  En 1989 on peut reprendre la formule de l’édition de 1973. «  Cette critique de notre société a été écrite entre 1950 et 1967, à une époque de foi inconditionnelle dans la croissance économique. Le lecteur m’excusera donc si je me réfère à des faits parfois anciens en laissant de côté les plus récents. Je n’ai pas cru devoir modifier une démonstration qui, pour l’essentiel, me semble conserver sa valeur, et je me suis contenté de quelques mises à jour.  » Depuis les Trente Glorieuses, à la fin desquelles ce livre fut édité, le développement chaotique du système économique et technique s’est poursuivi en dépit de la naissance d’une opposition «  écologique  ». L’informatique lui a permis de multiplier et d’affiner ses calculs. De la matière, la science s’est étendue à la vie. Tandis qu’en précisant sa définition et multipliant ses réseaux, la télé a renforcé son influence sur l’opinion. Et de booms en krachs, d’explosions en compression, la croissance (ou développement) s’est poursuivie. La nécessité d’un contrôle scientifique et technique total pour éviter une crise et catastrophe majeure n’a fait que grandir… Donc, plus que jamais reste vraie la conversion spirituelle et politique qui, en établissant un nouvel équilibre, pourra seule sauver la planète, la vie et la liberté humaine du dilemme infernal du Système et du Chaos.

                  Le Système et le chaos. Critique du développement exponentiel, Anthropos, Paris, 1973.
                  2e édition  : Economica, Paris, 1989. 3e édition  : Sang de la terre, novembre 2012.

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