« Hotel California » : le titre mythique du groupe Eagles
« Welcome to the Hotel California / Such a lovely place / Such a lovely face... » Qui de nous n’a pas fredonné le refrain de cette emblématique chanson du groupe Eagles ? Mais de quoi parle-t-elle ? L’Hotel California a-t-il existé ? Et si oui, à quelle clientèle était-il destiné ?
Volontairement ou pas, les musiciens du groupe californien Eagles ont, en février 1977, brouillé les pistes en choisissant, pour illustrer la pochette de leur album vinyle, une photo au coucher de soleil d’un célèbre établissement de Sunset Boulevard, le Beverly Hills Hotel, connu à l’époque pour accueillir de nombreuses personnalités du showbiz, plus ou moins accros au sexe à aux drogues. Cet hôtel a-t-il à voir avec le propos de la chanson d’Eagles ? Peut-être. Ou peut-être pas. Tout comme l’établissement de la photo qui figure au verso de l’album, le cliché ci ayant été réalisé à Los Angeles, dans le patio du Lido Hotel.
En réalité, l’on a tant dit, tant écrit sur la signification des paroles d’Hotel California qu’il est très difficile de faire la part des choses entre les nombreuses interprétations auxquelles cette chanson a donné lieu un peu partout sur la planète. On a notamment parlé de métaphore de l’enfermement dans une prison dorée des musiciens par les managers des labels qui les éditaient. D’un centre de désintoxication des artistes drogués issus du milieu folk-rock. On a même évoqué une possible signification satanique, d’aucuns ayant cru reconnaître sur la photo du verso Anton LaVey, le fondateur de la très sulfureuse Église de Satan.
On a également parlé d’un « trip de drogué », hypothèse validée aux yeux des adeptes de cette interprétation par les initiales THC (The Hotel California), sigle chimique dont on sait qu’il désigne le composé organique responsable des effets du cannabis sur l’organisme. Don Henley, co-auteur des paroles avec Glenn Frey (sur une musique de Don Felder), a balayé ces interprétations fantasmées : dans un état aussi caractérisé que la Californie par un mode vie « blasé » et « hédoniste », a-t-il souligné, « Hotel California était notre vision de la vie des élites à Los Angeles ». Elle a pris la forme d’un « voyage de l’innocence vers l’expérience ».
À paroles mystérieuses, musique envoûtante
Il ne semble pas qu’il existe d’explication plus détaillée de la signification des paroles de la chanson. Et ce ne sont pas les propres mots de Glenn Frey – probablement prononcés en souriant in petto – qui ont contribué à lever le mystère dont se sont nourris tant de fans de l’univers rock, tant d’exégètes médiatiques : « Le flou est l’outil principal des auteurs de chanson ». Et de fait, il alimente tous les fantasmes. Dans le cas d’Hotel California, ce parti pris a été gagnant : malgré sa durée inhabituelle (6’30’’), la chanson s’est très vite installée au sommet des charts US et, en quelques semaines, a décroché un disque d’or.
Ce succès n’est évidemment pas dû aux seules paroles. Si tel avait été le cas, il n’aurait pas été planétaire et durable, au point que l’on estime à des millions le nombre d’exemplaires vendus et téléchargés à ce jour ! La musique d’Hotel California a joué – et joue encore – un rôle primordial dans ce succès. Et c’est le musicien et guitariste Jean-François Convert (chroniqueur sur France Info) qui en résume le mieux les clés : « Une composition jouissive, aux arrangements léchés et parfaitement imbriqués [mais aussi] les arpèges acoustiques, la rythmique chaloupée (...), les riffs harmonisés et, bien sûr, le duel de guitares final. »
Il ne reste plus qu’à écouter Hotel California. Malgré de très nombreuses reprises, aucune n’a jamais réussi à rivaliser avec la version d’origine gravée fin 1976 par les musiciens d’Eagles. Seule peut-être la version du groupe Gypsy Kings (1991) parvient à tirer son épingle du jeu en réussissant le tour de force de ne pas trahir les créateurs malgré ses paroles latino et, passé l’intro, sa coloration délibérément flamenca. Certains adorent. D’autres détestent. En tout état de cause, une version devenue « culte » depuis qu’elle a été intégrée en 1998 dans la Bande Originale du film The Big Lebowski des frères Joel et Ethan Coen.
Liens musicaux :
Hotel California par le groupe Eagles (original remasterisé)
Hotel California par le groupe Gypsy Kings
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