Catherine Guillouard : la RATP sur de mauvais rails ?
Trafic « extrêmement perturbé », grève « anormalement suivie », « vendredi noir ». Le 13 septembre, les rédactions ne tarissaient pas de superlatifs pour restituer l’ampleur, inédite depuis 2007, de la mobilisation des agents de la RATP contre le projet de réforme du régime spécial de retraite. Comment expliquer l’intensité de ce « coup de semonce » des syndicats ? S’il faut bien entendu y voir une volonté de ces derniers de s’opposer à la mise en place généralisée, à compter de 2025, du système de retraite par points voulu par l’exécutif, une autre grille de lecture est possible. Décriée en interne, où elle ferait régner un climat délétère, Catherine Guillouard, qui vient d’être reconduite à la tête de l’entreprise, se serait révélée incapable de « tenir ses cadres » pour juguler l’hémorragie.
De quoi la grève monstre du 13 septembre dernier est-elle le nom ?
Massif. D’une magnitude sans précédent, le mouvement de grève qui a gagné les rangs de la RATP le 13 septembre a, littéralement, soufflé l’offre de transport parisienne. Si quelques lignes tentaient bien d’assurer un service minimum, à compter de 20 heures, seules les lignes 1 et 14, automatiques, continuaient de rouler. Fréquentes, les grèves de la RATP ne sont pourtant, en général, pas si suivies. La chose est d’autant plus inquiétante qu’il ne s’agissait là que d’une grande « répétition » en conditions réelles avant l’ouverture des hostilités à proprement parler : à compter du 5 décembre, à l’appel de 6 syndicats, une grève illimitée sera entamée par les agents de la RATP.
Cette participation record pourrait, en partie, s’expliquer par le management pratiqué par Catherine Guillouard, la discrète énarque reconduite à la tête de la régie pour 5 ans, en juillet dernier. Passée par la direction générale du Trésor et Air France, celle qui a succédé à Elisabeth Borne (devenue ministre chargée des Transports dans le premier gouvernement Philippe), si elle entretient une e-réputation impeccable, compenserait très largement en interne son manque d’aspérités médiatiques.
La valse des têtes
« Brutal » : c’est ainsi que, sous couvert d’anonymat, des cadres de la RATP décrivent le management de leur patronne. La récente succession de départs provoqués par l’énarque semble leur donner raison. Ainsi, après Daniel Chadeville, directeur juridique de l’entreprise publique depuis plus de 20 ans, Franck Avice, membre du Comex en charge des services, Jean-Marc Charoud, directeur de l’ingénierie et Alain Le Duc, directeur financier, ont également été poussés vers la sortie. Sans ménagement.
Dans les couloirs de la Régie autonome des transports parisiens, l’atmosphère est à couper au couteau. Il se murmure qu’un prochain « wagon » de cadres, historiques ou non, serait sur le départ. Des noms circulent, chacun craint pour son strapontin. Un climat de paranoïa et de suspicion généralisée encore dégradé par l’impossibilité d’un dialogue avec la direction, Catherine Guillouard se distinguant, selon des membres de son état-major, par ses « colères et invectives » à répétition, annihilant toute tentative de communication. Si seulement le « dégagisme » et les sautes d’humeur de Guillouard étaient mis au service d’une véritable vision pour l’entreprise. Las, obsédée par sa logique de cost-killing, la RATP, sous l’impulsion de sa dirigeante, semble avoir bradé le sens de l’innovation qui faisait sa fierté pour un esprit boutiquier, l’obsession de la performance économique sur le court-terme.
Catherine Guillouard, le mandat de trop ?
La RATP « ne réfléchit plus », se désole un de ses dirigeants, « les débats sont désormais impossibles et la feuille de route illisible ». « On ne parle plus que de KPI (Key performance indicators) », regrette un autre cadre, s’appropriant, amère, la novlangue managériale sous les assauts de laquelle la culture historique de l’entreprise disparait un peu plus chaque jour. Une culture à laquelle on doit pourtant, ces dernières années, la création d’une ligne de métro automatique dans le cœur de Paris (ligne 14), l’automatisation de la ligne 1, des apports importants sur le projet du Grand Paris (sous la houlette de Pierre Mongin, regretté en interne), mais aussi une nette amélioration du dialogue social. Excusez du peu.
Ce dialogue est aujourd’hui plus que jamais en péril. Les yeux rivés sur les chiffres, mobilisée toute entière par sa croisade pour la baisse des coûts afin de gagner en compétitivité en vue de l’attribution des lignes de métro du Grand Paris, Catherine Guillouard négligerait ses équipes. Une attitude qui pourrait finir par lui coûter cher. Dès le 5 décembre, d’une part, tant il est probable que sans le soutien des cadres de l’entreprise le mouvement de grève s’avère de nouveau monstrueux. Mais aussi sur une échelle de temps plus longue : quelles réformes entreprendre, quels appels d’offres remporter, quel avenir se dessiner, pour la RATP, sans l’adhésion de ses personnels ?
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