Grammaire : le masculin et le féminin
Hélène Carrère d’Encausse a considéré que féminiser certains mots masculins n’avait que peu d’importance, que les mots, en substance, jamais n’aboliraient le réel. Tollé sur France Inter, où les journalistes commentèrent abondamment et négativement les propos de cette écrivaine, commentaires que ne connaissait pas Hélène Carrère d’Encausse et dont elle ignorait même l’existence. Dont acte. Cependant, la déontologie oblige les journalistes à poser des questions et leur interdit de participer au débat quand la réponse ne leur convient pas idéologiquement. Ils devraient s’en tenir aux question d’explicitation.
Il est répété dans les mass-médias qu’en grammaire, le masculin l’emporte sur le féminin. Cette expression de cette règle grammaticale de l’accord masculin de l’adjectif dans le cas où il y ait des noms féminins et des noms masculins ne s’exprime plus depuis longtemps avec le verbe « l’emporte ». Cette règle de grammaire s’apprend en primaire et les enseignants sont des enseignantes à une écrasante majorité. Il faut considérer les mots et ne pas les confondre avec les choses qu’ils évoquent, ni les tenir pour quantité négligeable. Dur exercice d’équilibriste. Même si, en primaire, les enseignantes sont dans une majorité écrasante par rapport aux enseignants, je n’ai pas dit qu’elles écrasaient les enseignants. Les mots ont des chemins qui ne sont pas les chemins des choses : qu'est-ce qu'on fait dans la coulisse ? On coule ? Et sur le trottoir, qu'est-ce qu'on fait ? On trotte ? Et quand on pousse un tiroir, est-ce que cela devient un poussoir ? Une bicyclette est un vélo. Bicyclette signifie deux-roues, tandis que deux-roues signifie tout véhicule à deux roues, les vélos et aussi les motos, les scooters… etc. Vélo est mis pour vélocipède, qui signifie aller vite avec ses pieds, et qui est approprié aux trottinettes, planches à roulettes, rollers… ce qui, bien qu’étant possible, n’est pas fait. Les mots sont dans un domaine, le symbolique ; les choses dans un autre, le réel. Il y a une indépendance, je dirai, numérique ou digitale entre les deux (au sens de la différence entre numérique/digital et analogique).
Le discours dominant, et même écrasant, voit un rapport analogique entre le genre des noms et le sexe des choses. La plupart des choses n’ont pas de sexe. Parce que genre des mots et sexe ne sont pas du même ordre ! On dit donc un vélo ou une bicyclette, pour la même chose. Un mont ou une montagne, un bois ou une forêt… à partir de quelle taille un gros village devient-il une petite ville ? Des « choses » du sexe masculin ont des noms féminins : la verge qui se trouve être aussi le pénis, j’emploie des mots du langage très soutenu. Et vice versa : les seins, le vagin… Chez les animaux : quel est le sexe du lézard, toujours nommé au masculin, ou de la girafe, toujours nommé au féminin ? Le rapport entre le genre des noms et le sexe des choses quand elles en ont un est numérique ou digital. Quand le sexe est trop évident pour ne pas être signalé, la coïncidence se fait. Un directeur, une directrice. Mais le directeur est une personne tout comme la directrice. Un être humain, si vous préférez.
Les professeures des écoles n’enseignent pas une domination, ni un emportement du masculin sur le féminin. Encore moins suggèrent-elles que cet emportement du genre masculin sur le genre féminin serait un effet ou un exemple de la domination du sexe masculin sur le sexe féminin. Encore moins suggèrent-elles que cet emportement conforterait la domination masculine, la validerait, en créerait l’habitude, empêchant par là sa critique… et que sa suppression constituerait un outil efficace pour aller vers l’égalité.
Elles enseignent qu’il faut bien choisir et qu’on a choisi d’accorder l’adjectif au masculin. Parce que le masculin est aussi le neutre. Si le genre masculin exprimait la masculinité, les hommes ne supporteraient pas que l’on dise « il pleut » ou « il faut faire ceci ou cela ». Si les hommes avaient fait les règles de la langue française au détriment des femmes, on dirait « ça pleut », et « ça faut faire ceci cela », de façon à ne pas associer le masculin à ces choses indéterminées et sans vigueur de la pluie ou de l’obligation qui s’impose et nous soumet.
D’autre part, il faut passer tant de temps pour que les élèves n’écrivent pas les rue de la ville sont éclairé (comme ça se prononce) et écrivent les rues de la ville sont éclairées, avec un succès bien moyen que rajouter la distinction les hommes et les femmes sont belles tandis que les femmes et les hommes sont beaux a de très faible chance d’être pratiqué par les Français (quel que soit leur sexe : les Françaises ne le feront pas plus que les Français).
Surtout, surtout, il faudrait bien séparer les mots des choses, le mot chien ne mort pas. Le mot rose ne sent pas la rose (excusez-moi, je m’amuse). Un homme peut être victime, cela n’en fait pas une femme. Pas plus qu’une femme travaillant comme mannequin ne devient un homme.
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